Le Quotidien du pharmacien. - En quoi le calendrier proposé par le Ségur numérique vous paraît-il trop serré ?
Denis Supplisson. - Il est plus que serré, c’est un véritable challenge. On nous demande de finaliser les différents cahiers des charges avec les autorités publiques et les représentants des pharmaciens pour la fin de cette année, de commencer ensuite à travailler sur le développement début 2022 et une labellisation pour la fin de l’année prochaine. Or le métier d’éditeur de logiciels demande du temps, et particulièrement dans le domaine de la santé. En l’état actuel des choses, ce que l’on nous demande n’est pas raisonnable. Nous ne contestons pas les sujets abordés par le Ségur numérique, mais le délai avec lequel on nous demande de travailler dessus. Si la labellisation prévue pour la fin 2022 se limite au sujet indispensable de l’authentification et des services socles initiaux prévus par le Ségur numérique, alors, oui, les développements sont possibles dans le délai demandé. Si on nous rajoute de nombreuses autres fonctionnalités, ce sera un échec. Dès qu’une fonctionnalité est ajoutée dans un logiciel, il faut la tester avec l’existant. Et s’il y a déjà beaucoup de fonctionnalités, il faut la tester avec chacune d’entre elles, et les unes avec les autres. Cela devient vite un vrai casse-tête. On nous rajoute des choses, mais pas de temps, et embaucher ne suffirait pas, car il faut plusieurs mois de formation pour avoir des informaticiens de la santé. Pour nous, la priorité du Ségur numérique est l’authentification, c’est une étape incontournable pour être certain d'identifier le professionnel qui va utiliser les différents services socles.
Le modèle financier proposé par le Ségur numérique vous paraît-il adapté à ses enjeux ?
Ce modèle prévoit une somme attribuée aux pharmacies selon leur typologie, qui pour l’instant reste à réaliser. En fonction de l’appartenance à telle ou telle catégorie, une pharmacie, une fois que le logiciel sera labellisé, pourra déposer un appel à financement, équivalent à un bon de commande, qui donnera droit aux éditeurs à une avance de 30 % par les services de l’État. Nous réalisons le déploiement, et la pharmacie devra ensuite prouver qu’elle utilise bien le logiciel labellisé, et seulement alors, les 70 % restants nous seront versés. Cela signifie que ce processus s'étalera quasiment sur deux ans. Et donc qu'il va nous falloir investir sans paiement immédiat. Certes, nous réalisons régulièrement des évolutions technologiques que nous savons amortir sur la durée, mais là, nous sommes dans une situation où on nous demande de tout développer en même temps.
L’interopérabilité est un des enjeux principaux du Ségur numérique. Comment est-ce que vous vous positionnez par rapport à ce sujet souvent polémique ?
Il y a en général une confusion entre interopérabilité et portabilité. La première, dans le cadre du Ségur numérique, consiste à faire en sorte que des systèmes d’information hétérogènes, ceux des pharmacies, des médecins, des hôpitaux etc… puissent fonctionner ensemble. La seconde est un moyen pour faciliter le changement d’éditeur au sein d’un même univers informatique, pharmaciens, médecins… Dans le domaine des LGO, les éditeurs ont organisé la récupération de données d’un logiciel vers l’autre. Mais certains syndicats de pharmaciens imaginent que les éditeurs puissent ouvrir leurs bases de données. Or, on ne peut pas nous demander la sécurité des datas et en même temps d’ouvrir nos bases à tous vents. Si bien que cet accès aux bases se fait au cas par cas, à partir de connecteurs développés pour des sociétés tierces. Ça fonctionne très bien, par exemple avec les fabricants de robots.
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