Une vitrine, ça se lit en trois secondes.
Et de gauche à droite, selon Elisa Robert, chef de projet architecture intérieure chez Mobil M. Et ça ne se lit pas de la même façon selon l’emplacement de la pharmacie, si celle-ci se trouve dans un environnement piétonnier, ou au contraire proche d’un parking ou d’une voie de circulation, ou encore dans un centre commercial. Ça peut se lire indépendamment de la croix de pharmacie, qui est visible de loin, mais qui n’identifie pas forcément la pharmacie de près. D’où parfois le rappel de la croix au sein même de la vitrine, comme peut le faire par exemple l’enseigne Univers Pharmacie. Une vitrine, c’est tout un ensemble de codes qui peut et doit être lu rapidement de façon à identifier d’emblée où on est, et face à quel type de pharmacie on se trouve. L’ennemi pour une vitrine, c’est la confusion, générée par l’accumulation affichée de produits, qui a longtemps été et est encore parfois le péché mignon des pharmaciens. Or, les agenceurs le disent tous, cette accumulation empêche la lisibilité d’une vitrine. Les pharmaciens semblent l’avoir compris, ils tendent de plus en plus vers une simplification, voire une épure de leurs vitrines.
Illustrer ce que la pharmacie a à offrir
Simplifier, épurer, oui, mais selon quels critères ? Tout dépend d’abord du message que le pharmacien entend faire passer auprès de sa clientèle et de sa patientèle, une pharmacie de services, une pharmacie plus orientée sur la para, une pharmacie qui a des spécialités singulières, tout cela doit se lire aisément, au-delà même des renseignements dits « corporate », les horaires de l’officine notamment lesquels ne vont pas forcément se trouver que sur la vitrine : ils peuvent être sur le reste de la façade, un mur, la porte d’entrée. Mais la vitrine, elle, va illustrer d’une manière ou d’une autre ce que la pharmacie a à offrir. C’est une façon d’attirer l’œil, d’interpeller le client potentiel, de faire une promesse…
Pour une pharmacie orientée services, cela peut se faire par le biais d’un covering, la pose de films adhésifs sur la vitrine qui vont dire ce que l’officine propose, un texte, une illustration, des pictogrammes, pourquoi pas… Pour une pharmacie plus commerciale, cela peut passer par de l’affichage dynamique sur un ou plusieurs écrans, surtout quand elle est visible depuis une route, de façon à attirer le regard en un clin d’œil. Et plus encore qu’une promesse, la vitrine signe l’identité de la pharmacie. Ce n’est pas un hasard si les groupements travaillent désormais leurs façades de sorte à être reconnaissables immédiatement. « De plus en plus de groupements ont une charte graphique », constate Philippe Plessis, dirigeant de Proexpace, qui évoque les réussites de plusieurs enseignes, Botticinal et son rouge transparent, Apothical et sa mise en valeur du bois et du vert pour illustrer son concept nature, Pharmabest et son liseré rose.
Éloge de la transparence
Au-delà des contraintes inhérentes à chaque pharmacie, son emplacement (par exemple dans un quartier historique ou dans un centre commercial, où dans un cas comme dans l’autre il y a des règles visuelles à respecter), ou son intention, il y a parfois des tendances globales qui intéressent de nombreuses officines, comme du reste pour l’agencement intérieur. Et parmi ces tendances, il en est une qui prend de l’importance, celle qui consiste à privilégier la transparence, presque comme une réaction à la pléthore de produits longtemps présentée en vitrine. Vrai fil conducteur dans le discours des agenceurs, la transparence « incite les gens à entrer dans la pharmacie » soutient ainsi Philippe Plessis, la transparence, « c’est montrer la pharmacie et apporter une respiration », selon Elisa Robert.
Cette tendance à vouloir montrer l’intérieur depuis l’extérieur implique qu’il y ait une vraie cohérence entre les deux, que l’agencement de l’intérieur soit pensé de telle sorte à ce qu’il soit aussi vu de l’extérieur, montrer les comptoirs pour une pharmacie orientée services, peut-être montrer aussi des descentes de produits afin d’évoquer le type d’offres proposées par l’officine, ou par le biais de têtes de gondoles. Elle nécessite aussi de faire attention à éviter quelques pièges, par exemple montrer la file d’attente, terriblement dissuasive, et notamment dans le cas où l’on évoque par exemple le click & collect par un affichage sur la vitrine, ce qui d’emblée suggère une promesse non tenue, prévient Philippe Plessis. La transparence n’est pas nécessairement totale, elle peut être assortie d’un élément d’information, un écran par exemple, un covering partiel, ou un petit mobilier avec quelques produits exposés qui n’empêche pas le regard d’aller au-delà.
La technologie elle-même pourra, et peut déjà, c’est une réalité, transmettre sur une vitre des images animées en transparence. Cela se fait en Asie et cela arrive doucement en France. Et encore plus doucement sur les vitrines des officines françaises. Faut-il encore que la loi le permette (voir encadré ci-contre sur la loi climat).
Laisser le regard aller à l’intérieur de l’officine
Cette technologie du futur sera certainement alimentée de la même façon que l’est l’affichage dynamique aujourd’hui, par une régie publicitaire diffusant des promotions et une image de marque, laissant parfois une communication propre à l’officine s’exprimer. L’affichage dynamique, dans une tendance qui va vers l’épure et la transparence ne s’accommode pas toujours des autres façons de « remplir » la vitrine, le covering ou le mobilier d’exposition des produits. « Le digital en vitrine n’est pas compatible avec un nombre important de produits en vitrine, insiste Joris Bloyet, directeur de JBCC, d’où la nécessité de mieux cibler ce que l’on souhaite présenter et de travailler sur des meubles minimalistes. » La transparence, c’est donc aussi savoir présenter produits et services par différents moyens tout en donnant la possibilité de laisser le regard aller au-delà, vers l’intérieur de l’officine. Soit une gestion fine de l’espace, des creux et des pleins, des volumes donc, comme le préconise Joris Bloyet. De même, la cohabitation entre le digital et le covering n’est pas des plus simples, même si dans ce domaine, celui de la place accordée au digital, « il n’y a pas de règle », selon Elisa Robert. Chaque pharmacie est un cas particulier.
Théâtraliser pour inviter le client à l’intérieur
La transparence n’est toutefois pas souhaitée par toutes les pharmacies. Les plus commerciales d’entre elles ont toujours besoin de montrer leurs produits. Mais elles le font désormais, ou sont poussées à le faire, avec plus de discernement et un sens de la hiérarchisation qui permet une meilleure lisibilité de la vitrine. Et surtout, elles sont incitées par les agenceurs à « théâtraliser » leur offre, tout comme du reste elles le font aussi de plus en plus pour leur espace intérieur de vente. « Théâtraliser, c’est poser un décor qui attire le regard », explique Amaury Simon, président de SGIV. « Avant, on imposait, aujourd’hui, grâce à la théâtralisation de la vitrine, on interpelle de façon plus subjective la clientèle, une façon de donner envie. » Pour Amaury Simon, une vitrine est froide par nature, et présenter une pléthore de produits n’est pas de nature à séduire le chaland. D’où la nécessité de « mettre en scène » une offre. Ca peut être grâce à un mobilier dont le rôle est de mettre en valeur ce qu’il y a à exposer, « des niches, des stèles, des podiums », propose Joris Bloyet (JBCC), ça peut être l’usage de codes graphiques, « utiliser certaines typographies, isoler certaines couleurs pour des promotions par exemple, faire en sorte que l’offre soit compréhensible du premier coup d’œil », souligne Elisa Robert (Mobil M). Cela signifie aussi faire des choix, ce qui n’est pas facile pour des pharmacies dont le nombre de références est important, et de faire vivre la vitrine en changeant régulièrement les produits exposés et la façon dont ils le sont. D’où la nécessité d’avoir des compétences merchandising afin de le faire bien.
L’agencement de vitrine, c’est aussi des constantes qui demeurent quelles que soient les évolutions et les tendances auxquelles il peut être confronté, et parmi ces constantes, il en est une que Joris Bloyet rappelle volontiers, celle de faire attention à la lumière. Tenir compte de la lumière naturelle, par exemple une vitrine orientée plein sud va nécessiter de renforcer l’éclairage de la vitrine, « une forte luminosité extérieure empêche de lire ce qu’il y a à travers », note le président de JBCC, et de protéger aussi le mobilier qui devra être choisi en conséquence, notamment au niveau des couleurs, de même que le vitrage lui-même.
L’agencement de vitrine, qui est souvent fait au cours d’un nouvel agencement, ou d’un relooking de l’officine, est un poste mineur dans le budget total, pour certains moins de 5 %, voire 3 %, pour d’autres, cela peut aller jusqu’à 15 %, mais c’est un maximum.
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