Travailler sur le parcours des clients et des patients dans l’officine, c’est se donner les moyens de se singulariser. Dans la grande mutation déjà engagée dans le monde de la santé et des pharmacies, il faudra être en mesure de convaincre clients et patients de la pertinence qu’il y a à venir dans son officine. Par rapport aux autres officines, bien sûr, mais aussi par rapport aux nouveaux moyens de se faire livrer des médicaments, ou de bénéficier de conseils santé. Évidemment, cette mutation n’est pas bien sensible aujourd’hui, l’essentiel de la clientèle est encore assez âgée, et même si elle succombe parfois aux évolutions technologiques, elle conserve ses habitudes. Mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. « Il y a une vraie fracture concernant les échanges à distance par exemple », explique Hélène Decourteix, consultante et fondatrice de La Pharmacie Digitale. « Aujourd’hui, la génération des 17 à 35 ans, est favorable à hauteur de 80 % à la réservation d’ordonnance et au retrait rapide de médicaments. » Une fracture démographique d’autant plus marquée que cette même tranche d’âge de la population est plus critique, plus méfiante à l’égard de l’industrie pharmaceutique. Or, cette génération est celle des jeunes parents, donc forcément clients de produits liés à la santé de leurs enfants. Ils seront aussi assez vite les futurs aidants de leurs parents âgés. Intégrer leur adhésion aux nouvelles technologies est un impératif, à plus ou moins court terme. Sans compter que la part de la population exclue du numérique se fait de plus en plus petite d’année en année.
Le digital est un moyen, pas une fin
Mais il ne faudrait pas confondre digital et parcours client. Le digital n’est jamais qu’un moyen, ce n’est pas une fin en soi. Du côté de l’offre, on tient à établir une hiérarchie des priorités, définir un parcours client, c’est avant tout se poser les bonnes questions : travailler sur le parcours client, oui, mais pour aller où, interroge Hélène Decourteix. C’est une vision stratégique qu’il faut avant tout avoir, avant même de s’intéresser aux moyens qui vont permettre d’atteindre ces objectifs. Qui veut-on séduire ? Comment parvenir à faire en sorte que les patients à l’officine ne se contentent plus d’aller au comptoir pour obtenir leurs médicaments mais leur apporter une véritable « expérience de vie », selon Bernard Deniel, directeur de Media 6 Pharmacie. Pour Olivier Macé, Directeur du développement de la distribution de L’Oréal Cosmétique Active, « au-delà de l’expérience clients, proposer des services qui facilitent la vie de ses clients est aujourd’hui nécessaire pour continuer à recruter et fidéliser à la Pharmacie ».
Avoir des objectifs clairs et bien définis permettra de bien cerner les moyens visant à les atteindre. Car ils sont nombreux, le digital certes, l’informatique dans sa dimension traditionnelle, le merchandising, l’agencement, tous contribuent à un titre ou à un autre à l’établissement d’un véritable parcours client dans l’officine.
Améliorer la connaissance des patients
Les pharmaciens ne sont du reste pas complètement étrangers au parcours client, qu'ils empruntent déjà au moins au comptoir, où ils peuvent enrichir leur connaissance des patients. Et ils ont des outils pour cela, notamment les fiches patients et leurs historiques proposés par les LGO, dont ils n’exploitent pas toujours l’ensemble des capacités. Ils disposent aussi du DP. Mais il leur faut améliorer leur approche des patients, en tout cas, la connaissance qu’ils ont d’eux. Car pour Hélène Decourteix, l’enjeu principal de la mutation des officines est la « data », la donnée. « C’est un véritable changement de paradigme, le pharmacien gère aujourd’hui des flux de produits, il devra gérer demain des patients à qui sont destinés ces produits et personnaliser les messages selon les profils », augure-t-elle. Des solutions tierces se développent, des outils CRM (gestion de la relation clientèle), déjà très prisés dans d’autres secteurs économiques. Pour le reste, les pharmaciens n’ont que l’embarras du choix, d’où encore une fois le besoin d’avoir un objectif précis en tête. L’embarras du choix, c’est d’abord d’imaginer le parcours des clients et des patients sous tel ou tel angle. Puis envisager à qui faire appel.
Un parcours à étapes
« L’expérience client, c’est l’ensemble des points de contact qu’un client peut avoir avec une marque ou un point de vente. Désormais, l'expérience client est omnicanale, c’est-à-dire sur le Web et dans la pharmacie », précise Hélène Decourteix. Certains prestataires proposent ainsi de formaliser le parcours client par des étapes clés. « Il ne se contente pas de se travailler à l’officine mais commence sur internet », ajoute Olivier Macé. « Il y a d’ailleurs plus de 500 000 requêtes à propos de la pharmacie chaque mois sur internet ». D’où le soin à apporter aux informations susceptibles d’attirer patients et clients dans l’officine. Et entre le site Internet et la vitrine, il y a aussi la rue, qui pourrait devenir un autre point de contact, selon Fabrice Maurel, Président de Pharmastrates, un spécialiste du merchandising. « Un " tracking " des consommateurs est possible par le biais des smartphones, explique-t-il, si on a les adresses mails et les numéros de téléphone des patients, on peut les suivre quand ils arrivent non loin de l’officine et leur envoyer un message, pas une info commerciale, mais liée à la santé, à la saisonnalité des pathologies par exemple. » Une possibilité désormais tangible grâce à l’évolution des technologies mais limitée peut-être par le sentiment intrusif qu’il peut entraîner, reconnaît-il.
Les points de contact
Après la vitrine, qu’il faut travailler car c’est le premier point de contact physique - avec clarté des messages, théâtralisation, un écran de communication possible selon Bernard Deniel -, il y a l’accueil, désormais beaucoup mieux formalisé qu’autrefois. De la gestion de l’attente jusqu’au poste avancé multifonctions, l’accueil apporte une première impression à celle ou celui qui vient d’entrer et l’invitera à parcourir l’officine selon les orientations voulues par le titulaire. Les possibilités d’agencer l’accueil sont vastes, un poste multifonction peut très bien servir d’encaissement pour la para, de point conseil, de comptoir de retrait de commandes dans le cas d'un click & collect, etc… Une borne tactile peut éventuellement aider les patients à ce stade de son parcours, pour informer, aider, donner envie. Puisqu’après l’accueil, il faut séduire, favoriser l’achat d’impulsion grâce à une mise en scène attractive.
Dans le prolongement de cette mise en scène, il est possible de mettre en valeur son expertise, par le biais notamment du digital. Des tablettes pour faire de la prévention, proposer un diagnostic de peau, évoquer différentes problématiques de santé, les dépister éventuellement, tout cela est possible avec les outils adaptés. Le digital peut certes optimiser la chaîne de valeur de l’officine, mais dans l’espace de vente, il faut l’utiliser dans l’optique de personnaliser des services. « Le marketing digital de masse ne marche pas bien », souligne Fabrice Maurel. Le fait néanmoins de le concentrer en un point d’expertise, comme le propose Média 6 Pharmacie, est un atout pour la visibilité des services dans l’officine. Même s’il y en a encore peu aujourd’hui, selon Bernard Deniel. « Peut-être parce que les pharmaciens ont encore du mal à choisir entre toutes les possibilités offertes. » Mais pour lui, pas de doute, la demande pour digitaliser les services est là.
Se former, expérimenter, corriger
Pour constituer ce parcours, le pharmacien a la possibilité de recourir à des compétences très diverses, et dans le domaine du digital, il existe désormais un grand nombre de start-up susceptibles de l’aider à personnaliser les services qu’il souhaite proposer à ses clients au travers de ce parcours. Mais cette diversité des besoins suppose, quelque part, un « chef d’orchestre », quelqu’un qui va harmoniser les contributions des différentes compétences en jeu pour concrétiser le projet de la pharmacie. Ce peut être le titulaire lui-même, certains estiment qu’après tout, cela fait partie de ses attributions de chef d’entreprise, ce peut être aussi une société de conseil. Mais il n’a pas forcément les moyens financiers d’avoir recours à de tels spécialistes. Pas facile donc, à moins de considérer la démarche pas à pas. Déjà se former parfaitement à ce point de départ du parcours client : sa visibilité sur internet. C’est ce que propose notamment L’Oréal Cosmétique Active à travers son programme de formation Master Digital, qui en deux jours, permet au pharmacien de repartir avec une vision claire de ses besoins, savoir maîtriser Internet et les réseaux sociaux et une batterie d’outils afin de transformer son activité. Les prestataires préconisent aussi volontiers les process d’expérimentation, le « test & learn » pour savoir ce qui fonctionne ou pas auprès des clients, et de l’équipe.
Identifier les « irritants »
Hélène Decourteix propose aussi une démarche qui consiste à identifier les « irritants » du parcours clients en se mettant dans la peau du client : l'attente, les manquants, l'absence d'information sur les horaires sur le Web, sont autant de motifs de mécontentement possibles… Et travailler aux actions correctrices à mettre en place : la dématérialisation des ordonnances, la signalétique des caisses para et ordonnances etc... Reste ensuite à mesurer l’efficacité globale de tout ce qui a été entrepris. Pour Fabrice Maurel, il est à la fois indispensable et difficile de mesurer l’impact du merchandising, digital ou pas. Pour Hélène Decourteix, le ROI (Retour sur investissement) digital en tant que tel n’existe pas encore. La seule mesure, de fait, c’est l’augmentation de la fréquentation et du chiffre d’affaires.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin