AMM américaine pour le triacétate d’uridine

Un nouvel antidote en chimiothérapie

Publié le 10/03/2016
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Le triacétate d’uridine, également appelé vistonuridine (commercialisé sous le nom de Vistogard), a obtenu son AMM américaine fin 2015. Une autorisation qui donne l’accès au marché au seul antidote actuel en cas d’intoxication au 5-fluorouracil. En France, ce produit bénéficie d’une ATU depuis février 2013.

L’autorisation de commercialisation de Vistogard par les autorités américaines était très attendue par Wellstat Therapeutics, le laboratoire fabriquant. Depuis 2009, la molécule bénéficie du statut de médicament orphelin et diverses études publiées à partir de 2010 ont montré les succès observés par l’utilisation du triacétate d’uridine (ou vistonuridine) en cas d’overdose avec le produit de chimiothérapie 5-fluorouracil (5-FU). Celui-ci est indiqué dans les cancers colorectaux, digestifs, du sein et autres tumeurs solides.

Aux États-Unis, 275 000 patients bénéficient chaque année de ce traitement, dont 3 % développent des effets toxiques majeurs pouvant aller jusqu’au décès. Ces intoxications peuvent être dues à une erreur thérapeutique ou être favorisées lorsque le sujet est porteur génétique d’un déficit en dihydropyrimine déshydrogénase. La littérature fait état principalement de pompe intraveineuse défectueuse qui n’a pas délivré le dosage prévu dans les temps voulus.

Aux États-Unis, plusieurs patients en surdosage potentiellement mortels ont pu recevoir le triacétate d’uridine sur recommandation d’un centre antipoison. C’est le cas d’un patient de 43 ans atteint d’un adénocarcinome colorectal avec métastases hépatiques, qui a reçu une première dose de 900 mg de 5-FU. Il aurait ensuite dû recevoir 2 800 mg sur 72 heures. Or la pompe intraveineuse a libéré l’ensemble de la 2e dose deux heures après la première.

L’homme a été hémodialysé pendant trois heures et s’est vu administrer la vistonuridine 22 heures après sa surdose mortelle. Il a échappé à l’intoxication, sans aucun effet secondaire habituellement observé lors d’une surdose (principalement gastro-intestinal, hématologique et cutané, mais aussi dans une moindre mesure neurologique, oculaire et cardiaque).

Détoxifiants

En France, la vistonuridine a également obtenu le statut de médicament orphelin et est disponible en ATU depuis février 2013. L’autorisation temporaire d’utilisation est attribuée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de manière exceptionnelle pour permettre l’accès au médicament de façon très encadré lorsqu’il n’a pas encore d’autorisation de mise sur le marché (AMM) mais qu’il offre une solution à un besoin thérapeutique non couvert.

Dans l’hexagone, l’expérience d’intoxication concerne aussi la chimiothérapie orale avec Xéloda (capécitabine), « une prodrogue qui se transforme en 5-fluorouracil dans l’organisme », explique le CHU de Rouen. L’Agence européenne du médicament (EMA) note pour sa part que le surdosage en 5-FU survient chez environ 0,2 patient traité sur 10 000, soit environ 10 000 personnes par an en Europe.

L’ATU française indique que l’antidote doit être administré au moins trois heures après l’intoxication pour ne pas interférer avec l’efficacité du traitement contre le cancer, et dans les 5 jours. Le triacétate d’uridine est actuellement le seul antidote connu à un surdosage au 5-FU. Il existe cependant d’autres « détoxifiants » pour d’autres produits de chimiothérapie disponibles en France tels que le dexrazoxane (surdosage d’anthracycline) ou le mesna (oxazaphosphorine).

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3247