« NOUS SOMMES dans une impasse, je suis inquiet et je ne suis pas sûr de mettre ce médicament à disposition des patients en France. » C’est par ces propos alarmistes que Christophe Vandeputte, directeur général d’Almirall France, décrit la situation qui perdure depuis l’annonce de l’autorisation de mise sur le marché de Sativex faite le 9 janvier 2014 par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. Alors que ce premier médicament à base de cannabis pour le traitement de la spasticité due à une sclérose en plaques (SEP) est déjà commercialisé dans dix-sept pays européens, sa mise sur le marché est toujours ajournée en France, faute d’un accord sur le prix (voir notre édition du 18 juin).
L’expression de la spasticité est très variable dans la SEP mais elle touche tous les patients à un moment ou à un autre de la maladie, soit entre 70 000 et 90 000 personnes en France. Sativex est un médicament de deuxième intention pour les malades insuffisamment améliorés par les traitements antispastiques habituels, et 47 % d’entre eux seront susceptibles de bénéficier de l’indication Sativex après quatre semaines de traitement initial. « Ce nombre est très faible puisqu’on estime à cinq mille les patients répondeurs à cette thérapeutique. Ceci représente quelques dizaines de milliers de flacons de Sativex par an pour l’ensemble de cette population, souligne le directeur d’Amirall France. Certes, même ils sont à mutualiser sur des quantités restreintes de produit, tous les frais liés aux mesures de sécurité sanitaire, de traçabilité et de bon usage représentent un coût économique très élevé. » Le prix proposé par l’entreprise aux autorités françaises est inférieur de 20 % aux prix pratiqués dans les autres pays européens (soit un coût moyen de 440 euros mensuels), mais, à ce jour, aucun accord raisonnable n’a été trouvé pour compenser les investissements actuels et à venir.
Iniquité d’accès au traitement.
Après avoir approuvé la pertinence clinique du médicament et lui avoir accordé une AMM en France en janvier 2014, les autorités de santé estiment que le dossier scientifique est insuffisamment étayé et remettent en cause le rapport coût/efficacité. « Or ce médicament a fait l’objet de trois études pivotales positives et tous les essais cliniques ont été confirmés dans la vraie vie, rétorque Christophe Vandeputte. Lors de la première autorisation de mise sur le marché, le dossier a été jugé recevable par l’ensemble des pays en Europe, à aucun moment les Autorités françaises n’ont demandé d’études complémentaires », s’étonne-t-il. L’absence d’arbitrage politique tend à frustrer les espérances des malades et la volonté des médecins qui les traitent.
« Ce médicament ne va pas révolutionner la SEP, mais même si son efficacité ne concerne qu’une minorité de malades répondeurs il faut prendre en compte l’amélioration de qualité de vie qu’il peut leur apporter », insiste le Pr Patrick Vermersch, neurologue au CHR universitaire de Lille. Le non-arbitrage entraîne déjà un déplacement des patients vers d’autres pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou la Suisse, une iniquité d’accès au traitement et un risque majeur ultérieur d’illégalité vers un usage autre du cannabis. Une situation que confirme à regret le neurologue : « Une dizaine de mes patients m’ont confié s’être procuré le médicament à l’étranger, le problème est qu’ils ne bénéficient d’aucun accompagnement ni d’aucun suivi. En l’absence de tout contrôle médical, ils prennent un risque pour leur santé et ils ne sont pas sûrs de pouvoir assumer le coût financier d’une telle démarche sur le long terme. »
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