« COMMODE pour le malade mais inconfortable pour le médecin tant les difficultés à résoudre sont innombrables ». Voici ce qu’écrivaient Patrick Congard et Serge Bonfils (L’intestin douloureux, éditions Hermann) à propos du « mal de ventre ». Il est vrai que les douleurs au ventre peuvent être d’origine diverse, en raison du nombre et de la taille des organes situés dans la région abdominale. La plupart des douleurs siégeant entre le thorax et l’appareil génital sont traduites par le terme général « mal de ventre ».
Plaintes fréquentes, les maux de ventre sont interprétés dans le langage populaire par bien des mots et expressions. Populaires ou scientifiques, certains sont toujours usités, d’autres tombés en désuétude. Ces mots expriment un inconfort qu’il convient de soulager. Ils sont aussi la manifestation de nos émotions et de nos sentiments. Et c’est là toute la subtilité du professionnel de santé, médecin ou pharmacien, de savoir traduire en langage clinique une verbalisation approximative des maux de ventre, afin d’approcher au plus juste le symptôme dont souffre le patient.
À propos de l’intestin.
À commencer par l’organe le plus souvent en cause dans les maux de ventre, les intestins. Appelés boyaux ou tripes, ils occupent le bas du ventre, au niveau de l’abdomen. Ils peuvent être « en vrac » ou « bouchés », exprimant un dysfonctionnement inconfortable et vague, ou une constipation. Les contractions dont ils font l’objet provoquent des spasmes douloureux, ou colique (qui vient du mot côlon). Utilisé comme adjectif, le mot intestin se rapporte à ce qui se produit à l’intérieur de quelque chose ou d’une population (les luttes intestines par exemple).
Du ventre à la tête.
Les maux du ventre sont souvent liés à une composante psychologique. Les enfants connaissent bien cette relation, tout comme les comédiens ou les artistes avant de monter sur scène. Les réactions spasmodiques peuvent être observées dans des situations stressantes, provoquant des douleurs aiguës. Le ventre est très souvent considéré comme une zone où se manifestent les émotions et les sentiments. En témoignent les nombreuses expressions comportant le mot ventre, traduisant pêle-mêle la peur (la peur au ventre) ou l’angoisse (la boule au ventre), le courage (en avoir dans le ventre, avoir des tripes), l’attendrissement (prendre aux tripes) ou la générosité (faire quelque chose avec ses tripes).
Liquide sécrété par le foie pour faciliter l’émulsion des graisses au cours de la digestion, la bile a également inspiré la langue de Molière pour exprimer la colère (échauffer la bile) ou l’inquiétude. Un verbe, se biler, en est même né au XIXe siècle !
Les nombreuses définitions du constipé.
L’incapacité à évacuer les selles prend le nom français de constipation. Ce symptôme toucherait entre 15 et 35 % des Français. D’un point de vue clinique, la constipation se traduit par divers signes, qu’il s’agisse de la rareté des selles, de leur consistance trop dure, ou de la difficulté ressentie lors de l’exonération fécale. Les personnes âgées sont les plus concernées. Le verbe constiper vient du latin constipare, qui signifie serrer ou entasser. La constipation traduit « l’action de serrer ». Par extension, l’adjectif « constipé » est utilisé pour décrire une personne coincée ou guindée, ou pour traduire l’aspect embarrassé d’un individu. Mais dans ce cas, on ne dispose d’aucune donnée épidémiologique.
La diarrhée, grossière et exotique.
Il en existe des mots pour caractériser cette envie pressante d’aller aux toilettes, associée à des selles molles voire liquides. De tourista (ou turista, qui signifie touriste en espagnol) chez le voyageur, elle prend les noms populaires de courante, de chiasse ou de foire. Quand elle est associée à des douleurs abdominales spasmodiques, on parle de colique. Ce symptôme, auquel on oppose la constipation, trouve des origines diverses, virale dans le cas d’une gastroentérite, bactérienne, alimentaire ou médicamenteuse. Chez le nourrisson, il est observé lors des poussées dentaires, associé à un érythème fessier. La diarrhée aiguë, qui dure moins de 14 jours, est fréquente. Bien que gênante, elle n’est généralement pas grave. Sa complication principale, la déshydratation, doit être prise en compte, notamment chez l’enfant.
Le même mot est utilisé dans la plupart des pays européens, en anglais, en espagnol ou en italien. Il vient du grec diarrhoia qui signifie écoulement. Par extension, la diarrhée et ses synonymes ont servi à exprimer le caractère désagréable, dérangeant ou ennuyeux d’une situation, d’une personne ou d’une chose (quelle colique cet article !).
Des gaz dans l’intestin !
Quand on sait que flatus en latin signifie « vent », on comprend mieux la signification du mot flatulence qui traduit le fait d’avoir des gaz. L’accumulation de gaz (par fermentation) dans l’intestin est à l’origine d’un ballonnement abdominal, également appelé météorisme. D’origine grecque, ce nom qui semble provenir d’une autre planète définit le gonflement de l’abdomen !
L’expression sonore des flatuosités (terme médiéval pour parler des gaz) dans l’intestin est le borborygme, plus simplement appelé gargouillis.
La palme des synonymes.
C’est sans aucun doute le verbe vomir qui a le plus grand nombre de synonymes. Aux termes décents de « rendre » ou « régurgiter », s’ajoutent des mots plus populaires et grossiers tels que « dégueuler », « dégobiller », « gerber » et bien d’autres encore. Vomir est également utilisé au sens figuré, pour exprimer la répugnance envers quelque chose ou quelqu’un. Tout comme régurgiter, il sert de synonyme au verbe réciter, quand une personne parle avec un débit rapide.
L’envie de vomir est qualifiée de nausée. Certaines expressions telles qu’« être barbouillé » ou « avoir des haut-le-cœur » décrivent aussi ce malaise. Par extension, la nausée exprime l’écœurement, le dégoût, à l’instar du mal dont souffre le fameux héros de Jean-Paul Sartre dans son roman philosophique au titre éponyme.
L’estomac, siège des douleurs et de l’humeur.
Situé entre l’œsophage et l’intestin, l’estomac est un organe indispensable à la digestion, contribuant à brasser et à amorcer la dégradation des aliments. Il sécrète de l’acide chlorhydrique et de la pepsine. Les brûlures d’estomac ou pyrosis, dont souffrent certaines personnes, provoquent des douleurs derrière le sternum. Les éructations et les remontées acides qui accompagnent ces brûlures constituent les symptômes du reflux gastro-œsophagien. Le terme « aigreur » plus populaire met bien en avant la sensation désagréable d’acidité. En français, ce mot permet d’ailleurs de désigner une personne de mauvaise humeur, désobligeante, voire agressive comme l’acide.
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