Médecine pratique

Le psoriasis

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Publié le 20/09/2018
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Le psoriasis concerne aujourd’hui de 1 à 3 % de la population mondiale et 3 à 5 % de la population européenne. Cette pathologie touche plus d’un million de Français et se caractérise par l’extrême polymorphisme de ses manifestations cliniques.
Psoriasis lombaire

Psoriasis lombaire
Crédit photo : dr

Dans la plupart des cas, il s’agit d’une maladie bénigne responsable d’un aspect inesthétique des zones corporelles lésées et de difficultés psychologiques pour le patient ; néanmoins chez 10 % des patients, le psoriasis est grave, la sévérité pouvant relever de l’étendue, de l’intensité, du vécu des lésions, des atteintes viscérales, (articulaires, etc..) ou de l’altération de la qualité de vie.

Environ un quart des patients atteints de psoriasis doit être traité par des traitements systémiques, méthotrexate, rétinoïdes, ciclosporine, biothérapies ou l’association de plusieurs traitements.

Bien que la pathogénie de cette dermatose ne soit pas complètement élucidée, l’importance d’un déterminisme génétique lié au système immunitaire, et en particulier des cellules T et des cytokines, s’impose aujourd’hui.

Clinique du psoriasis

La maladie débute le plus souvent chez l’adolescent et l’adulte jeune. Ces formes familiales sont graves contrairement aux psoriasis débutant plus tardivement. L’évolution est chronique et se fait par poussées entrecoupées de rémissions pendant lesquelles les lésions sont minimes. Ces rémissions sont plus fréquentes en été à cause de l’effet bénéfique des rayons ultraviolets. Les poussées, souvent imprévisibles, sont parfois déclenchées par des facteurs psychologiques, des médicaments ou/et des infections ORL.

Quelle que soit la forme, le retentissement psychosocial peut être très sévère et peut altérer profondément la qualité de vie (esthétique, travailleur manuel, etc..)

Aspects cliniques

La lésion élémentaire est une lésion érythémato-squameuse, bien limitée, arrondie, ovalaire ou polycyclique. La couche squameuse blanchâtre est plus ou moins présente. Ces éléments sont multiples et symétriques, parfois diffus. Les localisations sont les coudes et bord cubital de l’avant-bras, les genoux, la région lombo-sacrée, le cuir chevelu, les ongles.

Le psoriasis du cuir chevelu est fait de plaques circonscrites, arrondies, bien limitées, couvertes de larges squames traversées par les cheveux. Dans certains cas il forme une véritable carapace recouvrant la totalité du cuir chevelu.

Le psoriasis des ongles donne un aspect de dépressions ponctuées cupuliformes (ongles en dé à coudre, avec onycholyse c’est-à-dire décollement distal). Il y a inconstamment une hyperkératose sous-unguéale, une paronychie et des zones leuconychiques.

Le psoriasis palmoplantaire réalise une kératodermie en îlots ou diffuse.

Le psoriasis du gland, alors que le psoriasis respecte les muqueuses, existe avec des taches érythémateuses non squameuses.

Le psoriasis du visage peut prendre l’aspect d’une dermatite séborrhéique (conque et conduit auditif externe).

Le psoriasis inversé : dans les plis, en particulier interfessier, axillaires, sous-mammaires et ombilical. Il n’a nullement l’aspect du psoriasis en plaques. C’est un piège diagnostique. Il est fait de plaques bien limitées jamais squameuses, rouges luisantes.

Le psoriasis érythrodermique consiste en une atteinte de plus de 90 % de la surface corporelle. La desquamation est importante. C’est une forme grave, une urgence.

Le rhumatisme psoriasique existe dans 20 % des psoriasis. Il réalise des oligo ou mono-arthrites ou une polyarthrite psoriasique proche de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ou un rhumatisme psoriasique axial proche de la pelvispondylite rhumatismale.

Le psoriasis pustuleux réalise deux formes : la localisation palmo-plantaire avec des pustules jaunes évoluant par poussées. La forme généralisée, grave mettant en jeu le pronostic vital avec altération de l’état général, fièvre, placards rouge vif couverts de pustules superficielles confluentes en nappes.

Le psoriasis de l’enfant surtout dans la zone des langes (napkin psoriasis), mais aussi souvent aigu, en gouttes, succédant volontiers à une infection rhinopharyngée streptococcique.

Le psoriasis lié au VIH/il est plus grave, réfractaire aux thérapeutiques classiques

Une maladie systémique

Le psoriasis, trop longtemps considéré comme une dermatose isolée est devenu une maladie systémique dès lors que l’on a observé le syndrome métabolique qui y est associé. Ainsi l’alimentation, l’obésité, le tabagisme, l’alcoolisme les anomalies du bilan lipidique, les troubles du sommeil, le syndrome dépressif, son association à des MICI, le rôle déclencheur de certains médicaments (bêtabloquants, IEC, APS…) sont devenus des éléments incontournables à prendre en charge chez un malade psoriasique.

Traitements du psoriasis

Jamais une maladie n’a bénéficié d’autant de formes de traitements. Le traitement peut être local ou systémique Lorsque ceux-ci sont associés on parle de thérapie combinée, ou séquentielle, le but étant d’augmenter les effets bénéfiques et diminuer les effets indésirables. En termes de traitement local l’occlusion est une façon d’accroître l’efficacité des traitements topiques.

D’une manière générale, le traitement s’effectue en deux temps : un traitement d’attaque visant à obtenir un blanchiment complet ou partiel des lésions et un traitement d’entretien ayant pour objectif de maintenir à long terme ce blanchiment et d’éviter une récidive.

Les traitements locaux sont réservés au psoriasis localisé ou en cas de contre-indications aux traitements systémiques.

Les traitements systémiques sont destinés au psoriasis étendu, ou en cas de traitement local trop contraignant, inefficace ou impossible.

Les principaux agents thérapeutiques

Traitements locaux :

Les dermocorticoïdes représentent la base du traitement local. Utilisés seuls dans le cas d’un psoriasis en plaque ayant peu de lésions, ou impliquant une faible surface corporelle, ils sont souvent associés aux traitements systémiques. Il doit être enseigné au malade la façon de les utiliser (éducation thérapeutique). On utilisera préférentiellement les classes I et II, c’est-à-dire clobétasol, bêtaméthasone. La surface à traiter doit aller au-delà de la plaque. Ils seront utilisés chaque jour jusqu’à disparition, puis de temps à autre pour éviter la récidive.

Le calcipotriol analogue de la vitamine D, ou le calcitriol, exercent des effets anti-prolifératifs et anti-inflammatoires… Ils sont parfois associés à la photochimiothérapie ou photothérapie.

Le tazarotène est un rétinoïde topique dont les indications portent sur les cas de psoriasis en plaque, léger à modéré touchant jusqu’à 10 % de la surface corporelle. Il mérite d’être utilisé en association avec les dermocorticoïdes, afin d’en améliorer l’efficacité et diminuer les effets secondaires.

UVB thérapie : le spectre d’activité des UVB dans le traitement du psoriasis passe par la bande de 311-313 nm.

PUVAthérapie, de moins en moins utilisée compte tenu des contraintes et des risques de ce traitement.

Traitements généraux :

L’acitrétine a des indications limitées compte tenu de sa tératogénicité. Il est réservé aux formes sévères en monothérapie ou en association à la PUVAthérapie.

Le méthotrexate est largement utilisé en dermatologie depuis de nombreuses années. Ses principales indications sont le psoriasis, certaines maladies auto-immunes et quelques affections inflammatoires chroniques. Le méthotrexate s’est imposé comme le traitement de référence du psoriasis sévère depuis l’avènement des biothérapies.

Il agit, comme antiprolifératif, lors de la phase de synthèse de l’ADN dans la cellule, préférentiellement sur les cellules et tissus en renouvellement rapide (cellules tumorales, psoriasis). Il a une activité anti-inflammatoire et immunomodulatrice.

La dose habituellement administrée varie de 5 à 25 mg/semaine en prise unique hebdomadaire… Le traitement d’entretien doit être maintenu à la plus petite dose efficace possible. Il n’y a pas d’épuisement de l’efficacité thérapeutique.

La cyclosporine est une molécule immunosuppressive qui inhibe l’activation des lymphocytes T CD4 et diminue la production de cytokines, réduisant ainsi la réaction inflammatoire. Bien qu’elle possède l’indication « psoriasis sévère », la cyclosporine est de moins en moins utilisée dans cette indication.

Le mycophénolate mofetil est une substance isolée de plusieurs souches de pénicillium. C’est une prodrogue de l’acide mycophénolique. C’est un immunosuppresseur qui inhibe la réponse lymphocytaire à la stimulation mitogénique.

Les biothérapies :

Des niveaux élevés de cytokines pro-inflammatoires incluant le TNF-α sont retrouvés dans les lésions du psoriasis. Le TNF-α a de nombreux effets sur la production de la réponse inflammatoire tels que la stimulation de la synthèse des molécules pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8, NF-KappaB) et des molécules d’adhésion (ICAM-1, P-sélectine, E-sélectine). Le TNF-α est une cible pour l’immunothérapie dans le traitement du psoriasis et des arthrites psoriasiques.

L'infliximab, anticorps monoclonal (IgG1) chimérique (humain-murin), s’est avéré efficace sur les lésions cutanées et l’arthrite psoriasique ainsi que sur le psoriasis pustuleux chez les patients résistants aux thérapeutiques en cours.

Étanercept est une molécule composée d’un récepteur au TNF 100 % humain couplée à un fragment d’Immunoglobuline G humaine. L’étanercept est bien toléré et efficace chez les patients présentant un psoriasis modéré à sévère ou un psoriasis pustuleux. Son utilisation a été exploitée dans le traitement du psoriasis palmoplantaire caractérisé par un érythème, des pustules, des fissures et des squames.

L’adalimumab est couramment utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde. Cet anticorps monoclonal humain recombinant anti-TNFα a prouvé son efficacité dans le traitement du psoriasis.

Il faut souligner l’existence d’un risque de survenue d’infections et de lymphomes lors de l’utilisation des anti-TNF.

D’autres cibles biologiques sont prises en charge par les antiIL12/23 à savoir l’ustekinumab, et les anti IL17 (secukinumab et ixekizumab).

L’efficacité des biothérapies se juge à la 12e semaine le plus souvent. Ils sont de prescription initiale hospitalière.

Pr Philippe Humbert, dermatologue et interniste

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3458