AU COURS de leur formation, les pharmaciens ont appris l’intérêt pharmaceutique des algues et des produits qui en dérivent comme les carraghénanes ou les alginates. Ces derniers sont utilisés comme excipients, parfois même comme principe actif (Gaviscon). Pour leurs propriétés absorbantes, les alginates entrent également dans la formulation de certains pansements. Ce que l’on sait un peu moins, c’est que ces algues peuvent être consommées, au même titre que des légumes. On les surnomme d’ailleurs les légumes de la mer. « Les macro-algues sont des aliments qui, globalement, se rapprochent des légumes en terme de composition, en fibres et en antioxydants. Elles présentent quelques spécificités telles que des teneurs exceptionnelles en minéraux et en iode », détaille Hélène Marfaing, chef de projet agroalimentaire au CEVA (cf. encadré). Aux fibres, lipides et antioxydants (polyphénols et des caroténoïdes), il faut donc ajouter la richesse minérale en calcium, magnésium et iode, ainsi qu’en protéines dans les micro-algues (spiruline) ; des atouts nutritionnels d’autant plus remarquables que la consommation française actuelle en fibres et antioxydants est insuffisante. Un produit sain donc, et qu’il serait intéressant d’exploiter à sa juste mesure… mais est-il bon ?
Les Japonais en raffolent.
Bien que l’océan et la mer constituent la majeure partie de nos frontières naturelles, les algues n’ont jamais intégré notre patrimoine culinaire. Étrange dans le pays des mangeurs d’escargots et autres curiosités. « Même en Bretagne, en temps de famine, la population ne consommait pas d’algues. On les donnait aux animaux, ou on s’en servait comme engrais dans les champs. En revanche, il y a des traces de consommation d’algues au Pays de Galles et en Irlande », raconte Hélène Marfaing. À l’inverse, les Japonais, les Coréens et les chinois se nourrissent des algues depuis longtemps. La Nori par exemple est séchée, transformée en feuilles noires qui sert à envelopper sushis, makis et autres plats japonais. Le kombu, une algue brune, est l’ingrédient de base du dashi, un bouillon de poisson japonais. Pas étonnant que la Chine et les pays du sud-est asiatiques soient les premiers producteurs, avec plus de 14 millions de tonnes d’algues en 2009. La majorité de cette production est destinée à la consommation alors qu’en France, les algues sont principalement récoltées pour la fabrication de texturants agroalimentaires.
Petit à petit, elles arrivent dans nos assiettes.
Aujourd’hui, vingt-et-une macro-algues et trois micro-algues sont autorisées en France comme aliment. Une liste* qui s’allonge au fil des années et de l’évolution des habitudes alimentaires françaises. « Les produits les plus courants sont les algues séchées et réduites en paillettes. Elles s’utilisent comme des plantes aromatiques à saupoudrer sur des salades ou pour donner du goût aux bouillons. Il existe également des moutardes et des sels aux algues. Le tartare d’algue, qui est une sorte de tapenade d’algue composée d’huile, de câpres et de cornichons, est un produit qui tend à se démocratiser », détaille Hélène Marfaing qui œuvre pour le développement des algues en tant qu’aliments.
« L’algue a effectivement des atouts nutritionnels, mais un aliment doit aussi être bon, goûteux et appétissant pour séduire le consommateur. Notre travail au CEVA est de valoriser les algues, en développant des produits prêts à l’emploi ». Et il semble que les Français commencent à mordre à l’hameçon. Depuis trois ans, on observe un engouement pour ces légumes de la mer. La multiplication des bars à sushis et des restaurants japonais banalisent la consommation des algues et permet de considérer ce végétal comme un véritable aliment. Des expériences ont été menées avec succès dans des restaurants scolaires, où des mélanges de carottes râpées et d’algues rouges (dulse) étaient servis. Revers de la médaille, les fabricants de produits à base d’algues se trouvent confrontés à un manque de matière première de qualité, les conduisant à importer. « En France, on récolte les algues sauvages. Pour développer les cultures d’algues, il faudrait augmenter le nombre de concessions en mer, ce qui semble impossible en raison du trafic maritime et du tourisme. Cependant, une alternative existe. Depuis un an, la coculture des algues et des coquillages est autorisée, permettant d’exploiter les parcs ostréicoles pour cultiver des algues », explique la représentante du CEVA. Des cultures sur terre sont également envisageables, en bassin. C’est le cas de la laitue de mer (ulva).
Une arme contre la malnutrition.
Du fait des qualités nutritionnelles exceptionnelles des algues, des programmes de lutte contre la malnutrition et contre la faim basés sur l’utilisation de ces aliments riches ont été élaborés dans certains pays comme le Sénégal, l’Inde ou le Burkina-Faso. Ces programmes visent notamment à développer la production sur place de spiruline, en aidant les populations autochtones. La spiruline est une micro-algue riche en fer et sa consommation aide à corriger une anémie ferriprive. Une démarche intéressante en terme de coût, et simple à mettre en œuvre, même dans des pays comme le Burkina Faso qui n’ont aucune frontière maritime ; en effet, la culture de la spiruline est réalisée en bassin d’eau douce.
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