Le réseau officinal n’en finit pas de rétrécir. En 2017, 193 officines ont fermé leurs portes, soit 2,7 % de plus qu’en 2016. Au total, près de 1 000 comptoirs de pharmacies (974) ont disparu de la France métropolitaine au cours des sept dernières années.
Bien que malmené par ce phénomène, le réseau montre pourtant certains signes de maturité. En effet, comme le démontre le panorama de la démographie professionnelle au 1er janvier 2018 livré par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), pour la première fois, la majorité des fermetures d’officines (57 %) sont « actives ». Autrement dit, ces disparitions ne résultent ni de restitutions de licences, ni de liquidations subies par les titulaires, mais de regroupements (29 % des cas) ou de cessions de clientèle (28 %).
Pas de zones blanches
Ces opérations « raisonnées » témoignent d’une logique économique implacable : 75 % des fermetures concernent des officines enregistrant un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros. Pire, près d’un quart réalise moins de 500 000 euros de chiffre d’affaires. À défaut de se consolider, le réseau officinal serait donc en train de se restructurer. Pour preuve, le nombre de titulaires qui, depuis trois ans, évolue de manière similaire à celui du nombre d’officines pour atteindre aujourd’hui 1,3 titulaire en moyenne par pharmacie. Autre signe de stabilité, depuis 2012 les cessions ne concernent, bon an mal an, que 5 % d’un réseau officinal qui comptait 21 815 pharmacies (1) à fin 2017.
En dépit des mouvements, le maillage officinal a su préserver son intégrité. Le ratio nombre d’habitants/nombre d’officines reste pratiquement inchangé avec 32,6 pharmacies pour 100 000 habitants (33 en 2016). Par conséquent, on dénombre en moyenne 3 068 Français par officine (3 018 en 2016). Contrairement aux idées reçues, comme le relève le CNOP, les régions bénéficiant d’une plus forte densité d’officines ne sont pas celles que l’on croit. L’Ile-de-France, l’Alsace-Moselle, la Normandie, ainsi que l’axe Rennes-Saint-Malo, présentent un ratio bien inférieur à la moyenne nationale, tandis qu’un tracé reliant l’Allier à l’Aveyron, des départements comme les Hautes-Pyrénées, les Alpes-Maritimes et la Corse, bénéficient de plus de 40 officines pour 100 000 habitants. Ces écarts sont dus à un déclin démographique qui touche ces dernières régions et qui ne sera pas sans conséquence, à moyen terme, sur la viabilité des officines concernées.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, plus d’un tiers des pharmacies se situe dans des communes de moins de 5 000 habitants, constituant ainsi, comme le souligne le CNOP, un réseau de proximité sur tout le territoire. Par conséquent, ce maillage continue de garantir une officine accessible en moins de 15 minutes par la route à la majorité des zones habitées. « Les pharmaciens d'officine n'ont jamais été aussi bien armés pour assurer leur mission de service public et garantir l'accès aux soins par le maillage officinal. Que ce soit par les outils juridiques mis à leur disposition, par l'évolution du mode de leur rémunération, ou encore par les nouvelles missions, la vaccination et les nouveaux services », expose Carine Wolf-Thal, présidente du CNOP.
Cette présence pharmaceutique (titulaires, adjoints et intérim), qui tend du reste à se renforcer depuis 2010, est d’autant plus précieuse qu’elle compense, en partie, la désertification médicale. Elle n’en reste pas moins fragile. Certaines régions laissent d’ores et déjà apparaître un recul des effectifs de la profession, tandis que d’autres bénéficient d’un certain afflux.
Ces disparités pourraient s’intensifier et contribuer à affecter l’homogénéité du réseau. Ainsi, dans plus d’une vingtaine de départements, les officines comptent moins de 2,3 pharmaciens (moyenne nationale 2,6). Et 17 % des pharmacies de métropole sont gérées par des titulaires non assistés par des adjoints. Ce taux atteint 23 % dans les officines détenues par un seul titulaire (76 % du réseau). Cette solitude de l’exercice officinal tend à se renforcer : la part des officines avec un titulaire sans adjoint a augmenté de 10 % en 10 ans. Mais il y a fort à parier que l’exercice en solitaire tente peu les jeunes diplômés, ce qui pourrait être inquiétant à l'heure où, plus que jamais, la profession a besoin de se renouveler. Le nombre de titulaires de plus de 55 ans a été, en effet, multiplié par 1,5 au cours des dix dernières années et celui des plus de 66 ans (1 177) a augmenté de 1,6 % en un an (2).
La titularisation se rajeunit
Comment dans ces conditions, ne pas décourager la relève qui s'annonce ? Car la relève est bien là. En effet, 51 % des inscriptions d’adjoints en section A (titulaires) concernent, en 2017, des jeunes de moins de 36 ans. Ils sont 3,3 fois plus d’adjoints à être aujourd'hui séduits par la titularisation qu'en 2007. Mieux, au cours des dix dernières années, le nombre d’installations dans la tranche d’âge des 24-35 ans, a été multiplié par 4. « Cette dynamique démontre l'intérêt des jeunes pour une profession qui sait se réinventer et s'inscrire de nouvelles perspectives, notamment avec les nouvelles missions. Elle prouve également qu'ils savent s'emparer des nouveaux outils juridiques pour réaliser leurs projets d'installation. Plus de la moitié des officines sont aujourd'hui organisées sous forme de société d'exercice libéral (SEL) et nous notons une forte progression des Sociétés de participation financière des professions libérales (SPFPL) », constate Alain Delgutte, président de la section A (titulaires).
Cet enthousiasme des jeunes diplômés pour l'installation est d’autant plus encourageant que, parallèlement, la filière officine subit la désaffection des étudiants en pharmacie. Les effectifs y ont reculé de 5,7 % en dix ans.
Un bémol cependant. Sans vouloir jouer les Cassandre, on peut craindre que la précocité manifestée par les jeunes candidats à l'installation ne joue pas en faveur du maillage officinal tant la mobilité reste réduite dans la profession. 65 % des diplômés choisissent, en effet, d’exercer dans la région où ils ont achevé leurs études.
(1) Ainsi que 51 pharmacies mutualistes et 37 pharmacies de la CANSSM.
(2) Les titulaires les plus âgés se retrouvent plus particulièrement en Ile-de-France, dans le Pays de la Loire, en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie et dans le Centre.
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