Avec les tests antigéniques, un résultat négatif sur trois serait en réalité positif. Souhaitant attirer l'attention sur ce taux supposé de faux négatifs, la section G (biologistes) du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP) se fendait en milieu de semaine dernière d'un communiqué mettant en doute la fiabilité des tests antigéniques, notamment pratiqués en officine. Il n'en fallait pas plus pour déterrer la hache de guerre entre biologistes et officinaux. Début juillet déjà, les syndicats de biologistes s'étaient insurgés contre la pratique des TROD Covid en pharmacie, menaçant même de quitter le CNOP.
Après avoir consenti de gros efforts pour déployer les tests RT-PCR, tant sur le plan économique qu'organisationnel, les biologistes refusent pour l'instant massivement de proposer des tests antigéniques. « Nous n'avons eu connaissance d'aucune demande de remboursement pour un test antigénique réalisé en laboratoire pour le moment », confirme François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB), très attentif en revanche à la manière dont ces tests rapides sont réalisés depuis quelques semaines par les pharmaciens. Attentif, il l'est encore davantage depuis qu'il a été informé de l'existence de « dérives » dans certaines officines. « Ça part dans tous les sens, affirme-t-il. On n'hésitait pas à critiquer les laboratoires lorsqu'il y avait des queues dans la rue, je constate aujourd'hui que de nombreux pharmaciens ne travaillent pas dans les conditions requises pour effectuer les prélèvements. Certains outrepassent les règles qui leur ont été fixées, d'autres n'hésitent pas à faire de la publicité sur leurs vitrines en affirmant qu'ils travaillent mieux que les biologistes… Il y a besoin d'un recadrage », suggère le président du SDB, qui reproche aux officinaux de manquer de « confraternité » à l'égard des membres de sa profession. « C'est très désagréable pour un biologiste de constater que la pharmacie située sur le trottoir d'en face se vante d'être plus disponible, plus performante… Il faut respecter le travail de chacun. J'ai compilé l'ensemble des "attaques" et propos déplacés des pharmaciens à notre endroit sur les réseaux sociaux, c'est ahurissant », dénonce-t-il.
Un problème de traçage ?
Selon les chiffres de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), 145 000 tests antigéniques ont été réalisés depuis que leur recours est autorisé, dont 127 000 par les seuls pharmaciens. Alors qu'il constate que le nombre de tests PCR effectués diminue dans le même temps dans certaines régions, comme l'Ile-de-France, François Blanchecotte veut surtout attirer l'attention sur le fait que de nombreux cas positifs détectés grâce aux tests antigéniques ne seraient pas transmis à l'assurance-maladie. Ce qui pourrait potentiellement fausser les chiffres communiqués ces derniers jours au sujet du nombre de contaminations. Un problème de traçage qu'il faut impérativement prendre en compte selon lui. « J'ai alerté les autorités sanitaires et notamment l'assurance-maladie sur ce point, précise François Blanchecotte. Le fait que les pharmaciens aient désormais accès à la plateforme SI-DEP ne va pas régler tous les problèmes car renseigner les cas positifs sur cet outil est loin d'être simple », fait-il remarquer.
« S'en tenir aux textes »
Président du conseil central de la section A de l'Ordre des pharmaciens (représentant les officinaux), Pierre Béguerie se refuse à commenter le communiqué de ses confrères biologistes. S'il comprend que des tensions puissent exister au sujet des tests antigéniques, il tient tout de même à rappeler que les textes officiels autorisent les pharmaciens à participer à cette campagne de santé publique en testant les patients symptomatiques (sauf cas contact, personnes de plus de 65 ans et personnes détectées au sein d'un cluster) et asymptomatiques. « Il y a quand même des agences régionales de santé qui ont communiqué pour dire que les pharmaciens ne pouvaient pas tester des personnes asymptomatiques, alors que rien ne l'empêche, il suffit de se reporter aux textes qui sont parus. On observe sur ce sujet des tensions comparables à celles que l'on avait connues lorsque les pharmaciens ont débuté les premières expérimentations pour la vaccination antigrippale, souligne-t-il. On disait que les pharmaciens allaient faire des bêtises, voire que nous allions faire mourir des patients… Aujourd'hui, avec du recul, est-ce que l'on parle encore des problèmes que certains évoquaient alors ? Est-ce que les infirmières s'en portent plus mal ? N'a-t-on pas contribué à l'effort de santé publique en vaccinant nos patients ? », interroge Pierre Béguerie.
Des tensions éphémères ?
Le président de la section A observe que les pharmaciens ont bel et bien compris quels conseils donner aux personnes testées négatives, tordant ainsi le cou à certaines accusations. « Il est clair dans l'esprit des officinaux qu'il ne s'agit pas de dire à un patient négatif, "c'est bon vous pouvez aller faire la fête en boîte de nuit". Ils sont conscients qu'un test antigénique n'a pas la même sensibilité qu'un PCR, notamment sur les asymptomatiques, cela leur a été enseigné lors des formations qu'ils ont suivies. » Des formations que certains professionnels de santé ont refusé d'assurer auprès des pharmaciens, tient à souligner Pierre Béguerie. « Il est tout de même regrettable que certains veuillent rester dans leur pré carré, nous prennent de haut, considèrent que nous ne sommes pas capables de transmettre les informations… Sur ce dernier point, nous avons justement l'obligation d'inscrire les données sur la plateforme Si-DEP pour que l'acte soit remboursé », fait-il observer. Si le dossier des tests antigéniques a permis d'observer, une nouvelle fois, que les différentes professions de santé ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde, Pierre Béguerie ne se montre pas inquiet pour l'avenir. « Cela finira assez vite par rentrer dans l'ordre. Je suis convaincu que tout cela va s'apaiser, que les tensions vont disparaître, comme nous l'avons observé pour la vaccination antigrippale », conclut-il avec optimisme.
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