Le 27 juin 2013 devait marquer l'histoire de la pharmacie d'officine. C'est en effet à cette date que l'avenant n° 1 à la convention pharmaceutique, conclue entre les syndicats et l'assurance maladie, était paru au « Journal Officiel ». Importante avancée pour la profession, celui-ci donnait le coup d'envoi à la première mission rémunérée du pharmacien consistant dans le suivi des patients sous anti-vitamine K (AVK) et la tenue des entretiens pharmaceutiques associés. L'objectif de l'avenant était alors d'améliorer l'observance et de diminuer le risque d'accidents iatrogéniques notamment lié au nombre des traitements par anticoagulants oraux (ACO) – jusqu'à un million de patients traités et 300 000 protocoles entrepris chaque année – ainsi qu'au degré élevé de risque (hémorragique mais aussi thromboembolique) que comporte l'utilisation de ces médicaments.
Une bonne première année
« L'année qui a inauguré la mise en place du suivi des patients sous AVK a été excellente, se rappelle Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), 14 000 officines se sont investies dans cette démarche et de très nombreux patients ont été accompagnés par entretien pharmaceutique. C'était un formidable succès ». Un résultat confirmé par l'assurance-maladie qui avait réalisé une enquête auprès des patients concernés témoignant alors d'une meilleure gestion de leur maladie notamment en matière de contrôle (dosage de l'INR) dont dépend l'adaptation du traitement. « Personne n'en espérait autant ! », poursuit Gilles Bonnefond en désignant les premières conséquences positives de l'avenant. Mais la situation a rapidement trouvé ses pierres d'achoppement, financières tout d'abord. « Certains pharmaciens n'ont pas été payés pour leur mission et d'autres, bien plus nombreux, ont été rémunérés à plus de dix-huit mois des entretiens ». Or, le montant de la rétribution, fixé à 40 euros pour deux entretiens par patient la première année, devait être versé au cours du premier trimestre de l'année suivante. « Pour les pharmaciens investis, la déception a été grande ». En réponse, l'USPO décide de ne pas signer l'avenant qui prévoit d'inclure les personnes asthmatiques à la population des patients chroniques pouvant bénéficier d'un accompagnement à l'officine. « Les critères d'inclusion des patients étaient trop compliqués et rendaient impossible la sélection des profils susceptibles d'être suivis ». Réticence à laquelle vient s'ajouter un désaccord sur le nombre d'entretiens à réaliser la seconde année. Peu après son lancement, le projet est en suspens.
Au stade du redémarrage
Il faut attendre 2016 pour que la situation s'apaise et qu'un terrain d'entente soit trouvé sous la forme d'un 8e avenant conclu entre les syndicats et l'assurance-maladie et publié le 28 juin dernier : désormais l'accompagnement des patients sous AVK est étendu aux personnes traitées par anticoagulants oraux par voie directe (AOD) et celui des asthmatiques à l'ensemble des patients chroniques souffrant d'asthme. La rémunération se fait toujours sur la base de deux entretiens par patient réalisés la première année mais limite leur nombre à au moins une rencontre au cours de la deuxième année (à laquelle il faut ajouter deux évaluations de l'observance par questionnaire) rétribuée à hauteur de 30 euros. Les retards de paiement, pour leur part, perdurent.
Pour Sonia Jouve, titulaire en Ardèche, ce dysfonctionnement est inadmissible et incompréhensible : « Nous saisissons les données qui sont télétransmises instantanément. Nous effectuons tout le travail en amont alors qu'il suffit à l'assurance-maladie de recevoir les dossiers et de les rétribuer. Pourquoi faut-il attendre 18 mois pour être rémunéré ? » La question se pose d'autant plus que la conduite des entretiens occupe un temps certain. « Il faut planifier les rencontres, prendre rendez-vous puis mener l'échange et saisir les données sur Ameli.fr. Ça prend du temps, une heure si l'on ne compte que l'entretien et la constitution du dossier ». La démarche comporte d'autres subtilités - accéder à la base de données sur le site de l'assurance-maladie, expliquer la démarche au patient, savoir mener un entretien en face-à-face… « Il faut de l'organisation », résume Sonia Jouve qui réserve un ou deux mois dans l'année à sa mission d'accompagnement qu'elle considère par ailleurs comme essentielle à une bonne prise en charge de sa pathologie par le patient.
Pour Renaud Nadjahi, titulaire dans les Yvelines, le problème n'est pas celui du retard dans la rémunération - le suivi du patient relevant de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) et non d'une intervention à l'acte - mais bien celui d'une démarche qui n'évolue pas. « Les patients ne voient pas l'intérêt de suivre un même entretien une deuxième année, la rencontre n'étant alors qu'une redite de tout ce qui a été abordé auparavant », explique-t-il. « Il serait souhaitable qu'il y ait une adaptation dans les entretiens afin de permettre au patient de progresser dans la gestion individuelle de sa pathologie ». L'explication du traitement est, en revanche, primordiale car certains patients peuvent faire des erreurs graves comme celle de confondre les protocoles d'urgence et de fond pour les asthmatiques. « Nous adressons systématiquement un rapport écrit au médecin afin de l'informer du degré de maîtrise du traitement par le patient. C'est vraiment une mission d'éducation à la santé ».
Une « usine à gaz » ?
Les difficultés générées par la mise en œuvre de l'avenant n° 4 sur l'asthme, que l'USPO avait désigné comme une « usine à gaz », auront, au final, imprimé un net ralentissement à la conduite des entretiens pharmaceutiques dont 253 089 ont été enregistrés du 28/06/2013 au 31 décembre 2015 au titre du suivi AVK et 9 764 du 3 décembre 2014 au 31 décembre 2015 en ce qui concerne l'asthme. Et la situation pourrait à nouveau évoluer dans la perspective de la prochaine rencontre qui doit réunir, à partir du 22 février 2017, les syndicats professionnels et l'assurance-maladie. « Nous voulons proposer d'augmenter le nombre des entretiens fixes et d'élargir leur principe à d'autres pathologies chroniques et aux personnes âgées car la démarche est en effet très profitable aux patients », indique Gilles Bonnefond. Dans leur intérêt, l'USPO souhaite aussi mettre en place un système de mesure annuelle des acquis afin d'évaluer l'autonomie des patients face à la pathologie (observance des traitements, maîtrise des doses, connaissance des signaux d'alerte, attitude en cas de sur ou sous dosage…), le tout faisant l'objet d'une rémunération rapide sous forme de forfait. « Je crois aux entretiens pharmaceutiques, conclut le représentant syndical, mais c'est un travail supplémentaire qui doit être rémunéré. L'avenant n° 8 a été publié en juin 2016 et nous sommes au stade du redémarrage ! ».
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