1- L’histoire
C’est en 2009 que les prémices du bilan de médication voient le jour. À l’initiative des syndicats de pharmaciens, un amendement à la loi Hôpital, patient, santé et territoires (HPST) propose de créer le statut de pharmacien de coordination, un pharmacien désigné par le patient et chargé de son suivi thérapeutique. À la demande ou avec l’accord du médecin, le pharmacien de coordination pourrait renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster des posologies et « effectuer des bilans de médication ». Au fil du temps, le principe reste identique mais la terminologie évolue : on parle alors de pharmacien relais, puis de pharmacien correspondant. Un décret paru le 7 avril 2011 au Journal officiel sur la durée de prescription et de renouvellement revient sur cette idée. Il prévoit ainsi la possibilité pour le pharmacien, à la demande du médecin, de réaliser des bilans de médication. Le but : évaluer l’observance et la tolérance du traitement, recenser les effets indésirables, identifier les interactions et s’assurer du bon déroulement des prestations associées. Le pharmacien doit communiquer le bilan au médecin, mentionner le renouvellement d’une prescription sur l’ordonnance et tout ajustement posologique sur une feuille annexée à l’ordonnance. Mais dans les faits, le bilan de médication n’est pas mis en place. En juin 2011, un rapport de l’IGAS préconise de rémunérer le pharmacien pour « le bilan de médication sur prescription du médecin ». Il en profite pour exclure l’idée de pharmacien correspondant dont il estime la « procédure de mise en œuvre trop lourde » et son « développement difficile » eu égard à l’hostilité des médecins. Le bilan de médication semble sombrer dans l’oubli. Pas pour les syndicats qui reviennent régulièrement à la charge. Une stratégie qui finit par payer. C’est ainsi que le bilan de médication est entériné par l’avenant 11 à la convention pharmaceutique, paru au journal officiel du 16 décembre dernier. Ses modalités d’application sont adoptées par l’assurance-maladie et les syndicats dans l’avenant 12, dont la parution au journal officiel est très attendue.
2- La cible
Les personnes éligibles au bilan partagé de médication sont les patients de 65 ans et plus en affection de longue durée (ALD) et les patients de 75 ans et plus pour lesquels au moins cinq molécules ou principes actifs sont prescrits, pour une durée consécutive de traitement d’au moins six mois. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), « cette population en croissance représente un peu plus de 9 millions d’individus. Parmi eux, 3,9 millions sont considérés comme particulièrement exposés aux risques liés à la polymédication du fait de leur polypathologie (…) Ce risque peut être augmenté en cas de multiplicité de prescripteurs, situation induisant fréquemment des interactions médicamenteuses ».
Le patient conserve, tout au long du processus, le libre choix de participer ou non à ce dispositif. Il doit désigner le pharmacien qui va réaliser le bilan partagé de médication, et peut en changer à tout moment. L’intégration du patient doit être formalisée par une adhésion en ligne, sur le site ameli.fr dans le volet dédié aux professionnels de santé.
3- En pratique
Lors d’un entretien avec le patient, le pharmacien recense les traitements prescrits ou non, recueille des informations sur l’observance, la perception des traitements, les modalités de prises et les effets indésirables. Il peut demander au patient d’apporter ses ordonnances et d’éventuels résultats d’analyses biologiques. Il réalise ensuite, en l’absence du patient, une analyse des données recueillies accompagnées de ses recommandations et conclusions, dont il envoie un compte rendu au médecin référent. Ce dernier lui fera un retour pour envisager les moyens d’améliorer la prise en charge du patient. Lors d’un second entretien, dit « entretien conseil », avec le patient, le pharmacien propose des mesures pour améliorer la prise en charge et minimiser les risques iatrogènes, puis il réalise une évaluation du suivi d’observance.
Les années suivantes, si le patient présente la prescription d’un ou de plusieurs nouveaux traitements, le pharmacien actualise son analyse et ses recommandations et procède à un nouvel entretien conseil tout en assurant le suivi de l’observance. Si le patient n’a pas de nouveau traitement, le pharmacien réalise « au moins deux suivis de l’observance » dans l’année.
Le pharmacien dispose d’un guide d’accompagnement du patient et de fiches de suivi permettant d’aborder les points incontournables et servant de support d’échanges avec le patient et le médecin traitant. Ces documents sont disponibles sur le portail Internet de l’assurance maladie dédié aux professionnels de santé. Parallèlement, les groupements et enseignes développent des outils pour inciter leurs adhérents à s’investir dans ces bilans, tels le groupe PHR qui propose depuis mi-janvier des fiches de suivi, un guide méthodologique et un plan de prise, en partenariat avec le Comité de valorisation de l’acte officinal (CVAO).
4- La formation
Si la formation aux bilans partagés de médication n’est pas obligatoire, elle est fortement recommandée. La Société française de pharmacie clinique (SFPC) a conçu un mémo et un kit de formation composé de modules d’e-learning et d’une formation présentielle, formation intégrée à la démarche de Développement professionnel continu (DPC). Ce kit de formation va être proposé par les Unions régionales de professionnels de santé (URPS) qui s’organiseront localement avec les organismes de DPC. La partie e-learning doit être mise en ligne sur le site de la SFPC « de façon imminente », souligne Stéphane Honoré, le président de la SFPC.
D'autres groupements proposent aussi des formations. C’est le cas de Pharmactiv qui a déployé des sessions éligibles au DPC pour les titulaires et les adjoints. C’est également le cas d’Univers Pharmacie qui a réalisé une tournée de formation dans les régions, du 28 janvier au 8 février dernier, ce qui a permis de former 80 % de ses titulaires. Une 2e phase de formations dites « expert » est planifiée tout au long de l’année 2018.
L’UTIP fera également partie des organismes formateurs aux bilans partagés de médication. Son président, Alain Guilleminot, salue leur mise en place et rappelle l’importance de « la formation et l’implication de l’ensemble de l’équipe officinale ». L’UTIP sera donc aux côtés des pharmaciens pour les former et les informer « avec une approche spécifiquement officinale ».
5- La rémunération
La rémunération s’élève à 60 euros par patient la première année. La seconde année, elle sera de 30 euros en cas de changement de traitement avec suivi de l’observance, ou de 20 euros pour un suivi de l’observance seul. Le versement de la rémunération intervient auprès de l’officine et a lieu au plus tard au mois de mars de chaque année. L’accord conventionnel table sur 20 bilans par officine et par an.
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