Les pénuries de médicaments font toujours parler d’elles, au fil des ans. Mais en 2023, elles ont battu tous les records, avec 4 925 déclarations de ruptures, contre 3 761 signalements en 2022 et 2 160 en 2021. Entre 2021 et 2023, le nombre de signalements a donc bondi de 128 % !
Pourtant, le gouvernement a fini par prendre la situation au sérieux et annoncé, l’année dernière, un plan de relocalisation de la production pharmaceutique ainsi que la signature d’une charte de bonnes pratiques par l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament pour fluidifier le circuit et améliorer l’information des acteurs entre eux… D’autres mesures ont été intégrées à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS). Ainsi, les pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM ont été renforcés, lui permettant d'imposer un contingentement ou un circuit de distribution spécifique à un laboratoire, et de prendre sanctions financières en cas de non-respect. Le dispositif de prise en charge des préparations magistrales réalisées par les pharmacies de ville a été amélioré. De plus, dans un contexte de rupture, l’ANSM peut demander aux officinaux de réaliser des préparations officinales spéciales, et le ministre de la Santé peut rendre obligatoire la dispensation à l’unité ou le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle.
La situation reste dégradée
Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour enrayer les pénuries ? Pas sûr, quand on sait que ces dernières ont des origines multifactorielles : difficultés lors de la fabrication des matières premières ou des produits finis, défauts de qualité sur les médicaments, capacité de production insuffisante, morcellement des étapes de fabrication, etc.
Toutefois, après cette année 2023 désastreuse, l’ANSM note quelques améliorations début 2024. Au 25 janvier, la couverture des besoins était « assurée », concernant certaines spécialités suivies dans le cadre du plan hivernal (paracétamol, antiasthmatiques, corticoïdes oraux) et on a constaté « une amélioration progressive de l’approvisionnement des pharmacies pour l’amoxicilline et l’amoxicilline-acide clavulanique sur l’ensemble du territoire, en particulier sur les présentations pédiatriques ». Des difficultés persistent néanmoins pour des antibiotiques comme l’azithromycine, le cefpodoxime pédiatrique ou la pristinamycine (Pyostacine).
Curieusement, sur le terrain, les progrès évoqués ne se font pas sentir pour le moment. 95 % des officinaux n’ont pas perçu d’amélioration en ce qui concerne les ruptures de stock, selon une question posée en ligne par le « Quotidien du Pharmacien » du 15 au 22 janvier. Ou alors, ils notent éventuellement « une amélioration de l'évolution de la dégradation des ruptures ! », ironise Erwann, pharmacien. Pour l’internaute Dr Gnon, lui aussi pharmacien, « au départ, on avait certains antibiotiques, de la cortisone, des sirops antitussifs. Et maintenant, on en a seulement quelquefois ! Sans oublier les Trulicity ou Ozempic pour lesquels on peut avoir 1 boîte/mois si on s'y prend pile au bon moment. Comme d'habitude, on bricole… et ça devient très pénible à la longue », lâche-t-il.
Au final, la situation reste fragile. « Même si des améliorations sont perceptibles dans l’approvisionnement des grossistes-répartiteurs, nous restons dans des situations inconfortables pour assurer la couverture des besoins », évoque Emmanuel Déchin, délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Il est donc urgent que la nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités prenne le dossier à bras-le-corps.
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