Pris dans la tourmente inflationniste, les consommateurs ne sont pas sans réagir. Et leur premier réflexe est souvent de réduire leurs dépenses. À l’officine, la tendance se traduit en termes de fréquentation et elle est quantifiable. « Le nombre des entrées en pharmacie a chuté, un recul qui peut s’évaluer à plusieurs jours de fréquentation par mois ce qui équivaut à une perte de 500 à 1 000 clients sur un mois », constate Philippe Lévy, consultant spécialisé dans l’organisation et la gestion de crise à l’officine. Les comportements d’achat sont au diapason. « Les consommateurs font plus attention à leur budget et il n’est pas rare, au moment de payer, de les voir sortir un ou deux billets de leur poche, une somme prévue en amont pour ne pas être dépassée. Quand les gens abandonnent la carte bleue pour ne plus régler qu’en argent liquide c’est qu’ils veulent limiter les dépenses. »
Le prix, la quantité
Mais se restreindre ne veut pas dire s’interdire. Pour pouvoir continuer de consommer, la clientèle va rechercher les bonnes affaires. « Pourquoi ne pas proposer un rayon " anti-gaspi " où peuvent se retrouver les produits à date de péremption courte ou les fins de série à prix cassés ? », suggère Philippe Lévy. Une façon pour l’officine de jouer sur deux tableaux, celui de la proximité avec la clientèle en tenant compte de la baisse du pouvoir d’achat, celui de la lutte contre le gaspillage en valorisant des produits voués à être éliminés. « De plus, les invendus ne sont pas facilement repris ou avec des abattements conséquents alors autant en faire bénéficier la clientèle ! »
Le prix, cependant, n’a pas réponse à tout et la contrainte budgétaire peut aussi s’exprimer dans le volume des achats. « En temps de crise, le consommateur réduit le nombre des produits achetés. Sur deux ou trois soins conseillés, il n’en retiendra qu’un. » Cette propension à la baisse relève d’une autre tendance, cette fois nourrie par la crise climatique et l’appel à une diminution drastique de la production industrielle. Incitée à « déconsommer », une partie de la population se tourne vers des produits à fabriquer soi-même, des formules 2-en-1, des produits à usage multiple. « Le pharmacien doit adapter son conseil pour expliquer à ces consommateurs comment optimiser l’utilisation d’un produit, aller au bout du contenu, mieux consommer. » Orienter vers les achats qui correspondront le mieux à ses attentes, c’est aussi une façon de tenir compte des contraintes économiques qui s’imposent à la population.
Les outils de la crise
Bien d’autres solutions ont été développées, au sein des groupements, pour aider l’officine à répondre à l’évolution des comportements quand le pouvoir d’achat est en berne. Afin d’aider les membres du réseau à faire face dans ce contexte inédit de crise inflationniste, le groupement Santalis de la Cerp-Rouen a élaboré un « kit anti-inflation » composé d’affiches vitrine et de stop-rayons. L’opération, relayée sur les réseaux sociaux, vise à mettre en avant la gamme de produits essentiels du quotidien proposés à prix bloqués sous la marque distributeur du groupement. « Les MDD sont des valeurs refuge en période de crise car elles offrent un excellent rapport qualité/prix, assurent des marges confortables aux pharmaciens et permettent de développer leur conseil », souligne Delphine Scheers, conseillère merchandising au sein du groupe Cerp-Rouen. Une attention particulière pourra également être portée aux linéaires qui doivent, d’autant plus dans ces circonstances, être soignés pour favoriser l’achat d’impulsion. Les promotions à multiplier, la politique de prix à adapter sur les produits sensibles les plus demandés (les blockbusters du sérum physiologique, des pastilles pour les maux de gorge…) sont d’autres outils sur lesquels l’officine pourra compter pour rester attractive.
La mise en avant de la MDD est également soulignée par le groupement Pharmactiv comme un élément central dans la lutte contre la crise du pouvoir d’achat. Avec ses 400 références de produits d’hygiène et de soin, la gamme de l’enseigne offre un décrochage moyen de 30 % comparé aux autres marques. « Nous avons développé une campagne d’envergure sur la MDD avec des affiches qui communiquent sur les prix bas », précise Damien Hoehr, directeur général Pharmactiv. « L’idée est d’être immédiatement visible et de pouvoir se démarquer facilement au sein des rayons. »
Les opérations promotionnelles en partenariat avec les laboratoires ont également été intensifiées, passant d’une cinquantaine à soixante-dix dans l’année. D’une façon générale, la notion de lutte contre le gaspillage est cultivée par le groupement qui incite les pharmaciens à communiquer, à l’aide de visuels spécifiques, sur les produits à date de péremption courte et leurs petits prix.
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