Dans son émission « Cash Investigation » du jeudi 9 janvier, Élise Lucet accuse les pharmaciens de faire des stocks d’antibiotiques alors qu’il y a des tensions d’approvisionnement. Une stratégie poussée, selon elle, par les laboratoires, « tout puissants ».
Dans l’émission « Cash Investigation » du jeudi 9 janvier intitulée « Pénuries de médicaments : les labos font-ils la loi ? », Élise Lucet taille un costume aux pharmaciens, reprochant à certains de faire des stocks de médicaments alors qu’ils sont en grande tension.
En caméra cachée, un journaliste filme en décembre 2023 une « grosse officine qui surstocke de l’amoxicilline », selon le narrateur de l’émission, alors que l’antibiotique est en rupture au niveau national. Le pharmacien « trop sympa, il nous tutoie d’office », sait qu’il reçoit des journalistes mais ne sait pas qu’il est filmé. Le journaliste compte : 338 unités d’amoxicilline dans cette pharmacie, soit plus de 6 mois de stock, quand habituellement elle prévoit un stock d’un mois. « L’industriel m’a dit cet été (2023, N.D.L.R.) : “J’ai plein d’amoxicilline, prenez-en pour l’hiver.” Et on a stocké pour l’hiver, raconte le titulaire. Le commercial, s’il s’entend bien avec la pharmacie et que la pharmacie est un de ses gros clients, dit : “Attention, on va avoir du stock sur la plateforme à telle date, les molécules vont être en rupture dans tant de temps, donc stockez un peu.” Ce qui fait que nous, on va pouvoir stocker et derrière, 90 % des pharmaciens ne vont pas avoir de médicaments. »
« Quand vous avez la chance de pouvoir commander de l’amoxicilline et que vous allez être de garde, bien sûr que vous stockez. Mais ce n’est pas parce que certaines pharmacies, même grosses, ont eu 4 à 6 mois de stock que cela a créé une pénurie de médicaments », tempère Gilles Bonnefond, ex-président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), interrogé dans l’émission. Selon lui, ce sont les laboratoires qui poussent au surstockage. Preuve à l’appui : « Si vous nous commandez pour 2 000 euros de médicaments génériques de différentes molécules, vous aurez droit à 80 boîtes d’amoxicilline. Si vous commandez 4 000 euros de marchandises, vous aurez droit à 160 boîtes d’amoxicilline », rapporte l’ancien syndicaliste, montrant une proposition d’un génériqueur faite à un pharmacien l’hiver dernier.
Pour répondre à ces tensions sur l’amoxicilline, les pouvoirs publics avaient proposé une hausse du prix du remboursement du médicament, en échange d’une garantie d’approvisionnement par les laboratoires.
« On a testé sur l’hiver 2023-2024, l’augmentation du prix de l’amoxicilline pour voir si cette augmentation de 10 % pouvait avoir, ou non, des conséquences sur l’approvisionnement du marché, raconte Grégory Émery, directeur général de la santé (DGS). Onze laboratoires ont dit être en capacité [de fournir de l’amoxicilline] pour signer un contrat. On a fixé des cibles, avec eux. Et les résultats sont là : sur onze laboratoires, huit n’ont pas été en capacité d’alimenter le marché à la hauteur de ce qu’ils s’étaient engagés. On avait besoin de 50 millions de médicaments, on a reçu 41 millions. Cela veut dire que le test n’a pas marché et d’ailleurs, on ne l’a pas reconduit. »
Les 8 laboratoires se sont justifiés en avançant une hausse de prix trop tardive. Mais pour la DGS, l’argument du prix trop bas des médicaments en France, régulièrement avancé par l’industrie pharmaceutique, n’est pas entendable : « Quand, au quotidien, on nous explique que le prix est le facteur déterminant des pénuries, il y a deux solutions : soit on ferme les yeux, soit on teste. On a testé et très clairement, l’augmentation de prix de l’amoxicilline n’a pas permis aux Français et aux Françaises de disposer de médicaments comme ils en avaient besoin. » Et cela a pesé sur les finances publiques : « L’augmentation de 10 % du prix de l’amoxicilline a engendré un coût pour l’assurance-maladie de 5,4 millions d’euros. Les laboratoires qui n’ont pas joué le jeu vont rembourser 2,8 millions d’euros. Donc à la fin, le surcoût réel pour l’assurance-maladie sera de 2,6 millions d’euros », calcule Grégory Émery.
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