LA PROFESSION est toujours en attente du décret d’application autorisant la mise en œuvre des SPF-PL (sociétés de participation financière des professions libérales). Les représentants des officinaux étaient parvenus à un large consensus sur ce sujet. À un point près : l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990. Seule la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a fait entendre sa différence sur cette disposition qui traite des SELAS (sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées) et autorise un pharmacien non exploitant de détenir plus de la moitié du capital social d’une SEL (société d’exercice libéral). Jusqu’ici, seuls les exploitants de la SEL pouvaient être majoritaires au capital de l’entreprise.
Proposition de médiation.
Lors de la dernière Journée de l’économie de l’officine, Philippe Liebermann, vice-président de la FSPF, a confirmé la position de son syndicat. Il est favorable à la « multipropriété » de l’officine, mais « ceux qui travaillent doivent avoir la majorité du capital », estime t-il. Dans le cas contraire, « on créerait des groupes locaux qui prendraient une importance capitalistique. À terme, qui pourrait les racheter ? », s’interroge Philippe Liebermann, évoquant la possible entrée au capital des officines de non-pharmaciens. Le représentant syndical rappelle que de nombreux pharmaciens soutiennent la position de la FSPF. Par ailleurs, il souligne que dans le montage des SPF-PL, « il faut se méfier des niches fiscales, qui ne sont pas forcément pérennes. »
Cette voix discordante embarrasse les autres syndicats, qui souhaitent que le dossier avance malgré tout. Car il faut faire vite. « On a des défis à relever en terme de compétences et de suivi de patients. On doit pouvoir donner les moyens à la profession de travailler à plusieurs », plaide Catherine Morel, vice-présidente de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Selon elle, il y a d’autant plus urgence que « bloquer le texte n’empêche pas les initiatives financières et les déviances. Nous demandons que le texte sorte pour que tout le monde puisse s’organiser dans la clarté », enjoint Catherine Morel. Aussi, l’UNPF (qui n’est pas « le syndicat du capitalisme comme on a voulu le présenter », précise-t-elle) propose une concertation professionnelle sur le point contesté du projet de décret. La nomination d’un médiateur par chaque partie (syndicats et Ordre) vise au règlement du désaccord.
« Celui qui est seul doit rejoindre le groupe », indique, à l’attention de la FSPF, le président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond. Saluant un « large consensus sur le terrain », il en appelle aussi à un dénouement rapide du dossier. « Tous ceux qui ont des SEL aujourd’hui sont en difficulté pour transmettre leur entreprise. L’article 5-1, il ne faut pas en faire un préalable. Sinon, on bloque le système, qui concerne d’autres professions libérales », affirme le représentant de l’USPO. Certains risques se profilent, selon lui : « il faut mettre fin aux montages en cascade et empêcher les chaînes de se constituer. » Le syndicaliste tire à vue sur les « mini-réseaux souterrains » susceptibles de se constituer. « Demain, qui pourra les racheter ? Un investisseur extérieur », prévoit-il également. Gilles Bonnefond demande donc un arbitrage d’ici à la fin de l’année sur ce dossier.
Ne pas diaboliser les SEL.
C’est également ce que souhaite l’Ordre des pharmaciens, qui en appelle au consensus sur l’article de la discorde. La présidente du Conseil national de l’Ordre, Isabelle Adenot, donne l’avantage à « ce qui nous unit par rapport à ce qui nous désunit. » Elle demande aux syndicats de « dépasser les clivages, en cette période électorale » (pour les sièges aux URPS, Unions régionales des professionnelles de santé, N.D.L.R.). Aux yeux de la présidente de l’Ordre, les SELAS existent et ne disparaîtront pas du paysage officinal français. Depuis janvier 2010, il y a 510 SEL supplémentaires, précise Isabelle Adenot, rappelant que le quart des pharmacies ont aujourd’hui opté pour ce mode d’exercice. On dénombre actuellement 300 SELAS. Quel que soit le montage, « il y a toujours des risques. Si deux titulaires associés en société en nom collectif ne sont pas d’accord, il y a aussi un risque potentiel. Pourquoi toujours diaboliser les systèmes de participations ? », relève Isabelle Adenot.
La présidente de l’Ordre se félicite de la possibilité pour les adjoints d’entrer au capital des SPF-PL et du consensus sur cette opportunité pour les salariés des officines. Elle se dit optimiste pour l’avenir. « La grande force de notre profession est de compter d’abord sur elle-même, et non sur les autres. Il faut voir comment elle peut s’organiser avec les moyens disponibles », estime Isabelle Adenot. Pour elle, la question est de savoir si l’État peut faire marche arrière sur l’article 5-1 du projet de décret. « S’il y a possibilité de l’écarter, nous aurons plus d’indépendance. Sinon, avançons quand même », propose t-elle.
Une prise de risque permanente.
D’autres représentants professionnels veulent aller de l’avant. C’est le cas d’Yves Trouillet, président de l’Association de pharmacie rurale (APR). Selon lui, « il faudra s’entendre et trouver un texte commun, car la situation économique fait que l’achat en nom propre n’est plus possible aujourd’hui ». Lui non plus ne veut pas d’une diabolisation des SEL. « Avec ce système, certains se sont fait plaisir, ont monté des cascades. Mais ce n’est pas la grande majorité. Je crois au parrainage des jeunes si nous voulons partir à la retraite. Je ne veux pas que la seule règle économique dicte l’organisation du réseau officinal », insiste le président de l’APR.
De même, Pascal Louis indique que le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), qu’il préside, adhère au texte sur les holdings. Il le juge même indispensable. « À un moment, il faut prendre des risques. À nous de minimiser et de sécuriser cette prise de risques », affirme t-il. Pascal Louis voit au moins deux raisons de souscrire au projet de décret sur les SPF-PL. La transmission des entreprises, avec la volonté d’ouverture du capital aux seuls pharmaciens d’officine, les adjoints se positionnant comme des investisseurs potentiels. Autre atout, la rationalisation du réseau. « Il faut créer les services, les promouvoir, se former. Et pour cela, il faut des moyens financiers. Le réseau n’a pas les moyens de mettre en place la démarche qualité avec un tel morcellement des officines. »
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