Très large du fait des nombreuses activités qu'il suppose (location ou vente de matériel médical, installation et maintenance, organisation des réseaux de soins), le maintien à domicile (MAD) est un domaine qui semble affleurer à tous les niveaux de l'officine. Une omniprésence que les nombreux profils de patients à qui il se destine peuvent justifier : les personnes âgées avec pour cœur de cible les plus de 80 ans mais aussi les seniors en perte légère d'autonomie, les patients qui sortent de l'hôpital, les victimes d'accidents, les femmes enceintes…
Les problématiques de santé sont encore plus diverses, qu'il s'agisse de maladies neurodégénératives, de maladies et de plaies chroniques, d'AVC, de traumatismes des membres, de suites d'interventions chirurgicales, de grossesse à risque, mais aussi d'arthrose et d'ostéoporose, qui rendent les déplacements difficiles pour les personnes âgées…
Un marché en hausse de 7 % par an
« En 2030, 20 millions de Français auront plus de 60 ans, annonce Serge Carrier, dirigeant du groupement Pharmactiv. Aujourd'hui, 25 % des plus de 85 ans sont dépendants. Les besoins en termes de maintien à domicile ne vont faire que croître. Avec le vieillissement de la population et le recours croissant à l'ambulatoire, le marché global devrait connaître une hausse moyenne de 7 % par an. »
Un marché aux contours flous qui se chiffre en milliards d'euros. La pharmacie, principalement grâce à la location et à la vente de matériel et dispositifs médicaux (lits médicalisés, fauteuils roulants, déambulateurs, cannes, orthèses…) y occuperait 15 % des parts, équivalant à près de 5 milliards d'euros en croissance de 4 % à 5 % par an. « C'est dire le potentiel de l'activité, en parts de marché à conquérir comme en évolution à venir, souligne Serge Carrier. S'y investir apparaît encore plus évident quand on sait que 70 % de nos clients ne savent pas que l'officine peut répondre aux besoins du MAD ! » Pourtant, ce service apparaît comme un incontournable de l'officine.
Concurrence déloyale
Encouragé à accompagner et à suivre le patient par le biais des nouvelles missions prévues par la loi HPST, officiellement reconnu pour sa participation à la coordination des soins par le décret relatif aux conseils et prestations*, le pharmacien ne peut que s'investir auprès des personnes en manque d'autonomie. « De plus, on peut miser sur le réseau de proximité qu'offre l'officine, contrairement à la concurrence des prestataires non exclusifs à la pharmacie et magasins de matériel médical, beaucoup plus faibles en nombre », poursuit Serge Carrier. Un atout de taille qui n'est d'aucune utilité si le pharmacien ne communique pas directement avec sa clientèle.
Pour l'y aider et améliorer la visibilité du service MAD, Pharmactiv a élaboré le concept Betterlife : associant mise en scène du matériel médicalisé dans différents univers domestiques, produits à la marque, partenariat avec les fournisseurs, synergie avec les professionnels de santé locaux et animation au point de vente, le groupement propose à ses adhérents une solution complète et adaptée à tous les profils et budgets de l'officine. Il prévoit d'ailleurs, dans un futur proche, de promouvoir son concept directement à l'hôpital auprès des professionnels de santé.
Un milieu où Alain Grollaud, vice président du syndicat des groupements et enseignes Federgy, souhaiterait voir l'officine et son service MAD un peu plus présente. « 80 % du marché est capté à l'hôpital par des prestataires de santé qui entreprennent le malade à son chevet et prennent en main son retour au domicile, décidant de tous ses besoins avec des coûts conséquents pour l'assurance-maladie. C'est une concurrence déloyale. » Le syndicaliste, qui est aussi dirigeant du groupement Optipharm dont le service MAD Optimad est développé depuis longtemps, espère voir assouplies par le nouveau code de déontologie les règles régissant la communication de l'officine au-delà de ses murs. « Toute officine est capable de prendre en charge un patient en MAD sous réserve qu'il puisse franchir son seuil », conclut-il.
En ville
Pour le prestataire de santé à domicile Orkyn', dont une partie de l'activité constitue à fournir l'officine en prestations et matériel médical, le marché du MAD est essentiellement en ville. « Nous avons réalisé une étude qui montre que l'activité est potentiellement plus présente au comptoir de l'officine qu'à l'hôpital, indique Anne-Claire de Clerck, directrice du département MAD. Quand une personne âgée se présente, le pharmacien peut faire de la prévention sur le risque de chute, par exemple. Avant que la personne ne soit fragilisée, il peut conseiller la location ou l'achat d'une canne, d'un déambulateur, préconiser l'installation d'une barre dans les sanitaires ou d'un siège de douche. Son rôle est primordial dans ce domaine et ceux qui le comprennent développent beaucoup leur activité. » Une hausse de 10 % du chiffre d'affaires pour les officinaux qui souscrivent à l'un des trois kits Reflex MAD (communication, formation, validation des acquis, promotion de l'espace dédié) proposés par Orkyn' visant à atteindre une plus grande expertise dans le maintien à domicile.
« Certaines officines expertes en MAD peuvent devenir référent de santé en s'inscrivant dans les réseaux de soins locaux. Elles ont un rôle indispensable dans les zones rurales ou les déserts médicaux. » Mais l'activité peut également être développée par les officines modestes ou situées en villes. « Seulement 3 % de l'activité officinale sont consacrées au MAD mais cette part peut augmenter notamment par le biais des outils digitaux comme l'utilisation d'un portail extranet qui offre une visibilité sur quantité d'équipements sans avoir à exposer un matériel souvent volumineux. » Persuadé du potentiel dont dispose le circuit pharmaceutique dans ce domaine, Orkyn' présentera sous peu une offre complémentaire destinée à aider l'officine à capter la clientèle du MAD. « Elle est la porte d'entrée pour identifier les besoins des personnes en perte d'autonomie. »
Officine dématérialisée
Pour ABMPharma, prestataire de santé exclusif à l'officine, la communication via un site Internet, mais aussi en vitrine, est indispensable pour que le pharmacien mette en avant son expertise dans le MAD. Il insiste aussi sur la nécessaire implication de ce dernier dans les réseaux de santé et la coordination des soins autour du patient, conditions pour développer cette activité. Népenthès, pour sa part, n'hésite pas à considérer l'outil numérique comme une des solutions d'avenir pour que l'officine puisse récupérer le marché du MAD. « C'est un moyen de faire tomber les murs de l'officine qui va pouvoir communiquer plus librement », rappelle Christian Grenier, dirigeant du groupement.
Fort de son partenariat avec les fournisseurs de matériel médical Invacare, Alcura et D Medica, Népenthès a mis en œuvre une plateforme Internet qui offre au patient un accès à tout le catalogue ainsi qu'à une quinzaine d'équipements à tarifs préférentiels. La commande, faite directement sur le site selon le mode du « click and collect », est prise en charge par l'officine. « Tout va se dématérialiser. La connexion est au cœur de la stratégie Ma santé 2022 élaborée par le gouvernement qui encourage notamment au regroupement des professionnels de santé. » Dans ce cadre, le pharmacien dispose de tous les atouts pour devenir un pivot dans l'organisation des soins, capable de conseiller et d'accompagner le patient jusqu'à son domicile, de porter les médicaments, de préparer les doses à administrer… « Le MAD débouche sur quantité de services qui sont, bien plus que les produits, l'avenir de l'officine. »
Si le maintien à domicile apparaît comme une activité à fort potentiel, il n'en est pas moins menacé par la baisse successive des tarifs que subissent les dispositifs médicaux visés par la loi de financement de la Sécurité sociale 2019. Les lits médicalisés pourraient ainsi voir prochainement leur prix baisser de 15,2 % selon le projet d'avis du Comité économique des produits de santé (CEPS). Une décision qui serait difficile à comprendre dans la mouvance du virage ambulatoire et du maintien à domicile encouragée par les pouvoirs publics.
*Décret n° 2018-841 du 3 octobre 2018 relatif aux conseils et prestations pouvant être proposés par les pharmaciens d'officine dans le but de favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes.
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