LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Pouvez-vous nous résumer en quelques exemples les origines antiques de l’usage du miel en médecine et en cosmétique ?
OLIVIA METRAL.- Les premiers usages du miel, tant en thérapeutique qu’en cosmétique, remontent à l’Égypte ancienne. Le miel était notamment administré pour la cicatrisation, mais aussi pour de nombreux autres usages, tels ceux largement évoqués dans le papyrus Ebers qui est l’un des plus vieux traités de médecine retrouvé (NDLR, XVIe siècle avant notre ère), et qui réunit 147 prescriptions à base de miel. On retrouve également les usages du miel en Grèce antique, dans de multiples indications comme antipyrétique, anti-infectieux et antiulcéreux. Ces principes d’apithérapie nous ont été légués notamment par Hippocrate et ses travaux. On sait par ailleurs que les Grecs nourrissaient les dieux de miel, un aliment qu’ils considéraient comme sacré, précisément à cause de ses vertus. Sans parler des médecines traditionnelles chinoise ou indienne (médecine ayurvédique) qui ont largement rendu hommage à l’aliment.
En France, les travaux évoquant les usages les plus anciens du miel remontent au Moyen-âge. Ce qui ne signifie pas qu’il n’était pas utilisé avant. À cette époque, il avait surtout vocation à entrer dans la composition de pansements imprégnés. Un usage qui a perduré longtemps puisqu’on retrouve l’utilisation de pansements au miel jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Au-delà de cette époque, l’avènement de la médecine chimique a un peu relégué le miel à des usages plus marginaux.
Comment expliquez-vous le retour en grâce des médecines traditionnelles et/ou naturelles ces dernières années ? Les usages du miel ont-ils bénéficié de ce regain d’intérêt ?
Ce regain pour les médecines naturelles est multifactoriel. Il a d’abord été, selon moi, lié à la « découverte » des effets indésirables des médicaments, ce qui a réorienté les patients vers des alternatives plus douces. On a peut-être également atteint certaines limites de la médecine chimique qui, au début de son ère, paraissait être la solution à tous les maux. Un exemple type de ces limites serait celles atteintes par l’antibiothérapie menacée aujourd’hui dans ses fondements mêmes par le phénomène de l’antibiorésistance. En l’occurrence, certains miels se révèlent tout à fait actifs sur des bactéries multirésistantes MRSA (Methicillin-resistant Staphylococcus aureus). D’autres miels potentialisent l’effet des antibiotiques.
Bien sûr il ne s’agit pas de remplacer la pharmacie chimique par la pharmacie naturelle, mais plutôt d’en limiter l’usage tout en la complétant par des remèdes naturels, notamment en médecine préventive.
L’une des preuves les plus concrètes du regain d’intérêt pour les usages thérapeutiques du miel, a été la réintroduction du miel en milieu hospitalier à Limoges dans les années soixante-dix. Le Pr Bernard Descottes avait alors proposé à une patiente opérée d’une appendicite et dont la plaie ne cicatrisait pas, de la soigner avec du miel. En trois jours ce fut un succès.
Dans votre ouvrage, vous insistez sur la nécessaire adaptation aux exigences de la médecine moderne. Concernant les usages thérapeutiques du miel, quelles propriétés thérapeutiques les études auxquelles vous faîtes référence ont-elles validé ?
Dans mon ouvrage, toutes les indications évoquées ont en effet donné lieu à des études. Hormis le domaine de l’ophtalmologie, où les travaux sont relativement rares, les publications sont assez nombreuses en ce qui concerne notamment les propriétés cicatrisantes et anti-infectieuses sur les virus et bactéries du miel. Il y a en fait deux types d’études. Celles qui montrent l’efficacité thérapeutique du miel dans certaines indications, et celles qui tentent d’élucider le mécanisme d’action de ses composants à l’origine de ses effets.
Concernant la cicatrisation, le miel agit plutôt physiquement, par contact, ou par le biais de principes actifs chimiques ?
Le miel agit en fait par la mise en jeu de plusieurs principes actifs. Des composés anti-inflammatoires, qui agissent sur le caractère inflammatoire de la plaie, mais aussi grâce à sa forte teneur en sucres qui agit par effet hyperosmotique, et qui a pour conséquence de limiter les infections et stimuler le drainage. Deux propriétés intéressantes pour la phase de détersion. On retrouve également des composés antibactériens qui limitent l’infection et des substances qui stimulent la prolifération cellulaire, donc la reconstruction tissulaire, notamment le peroxyde d’hydrogène. Par ailleurs, physiquement parlant, la viscosité du miel joue comme un film hydrocolloïde protecteur qui favorise la cicatrisation à l’abri des infections et en milieu humide. Le miel forme comme une interface entre le pansement et la plaie, ce qui empêche la reconstruction entre les mailles du pansement.
Votre livre consacre un chapitre aux affections ORL. Quelles sont, à cet égard, les principales indications du miel ?
Les propriétés vraiment utiles du miel dans le traitement des infections de la sphère ORL, sont essentiellement ses propriétés anti-infectieuses - efficaces sur les streptocoques, les staphylocoques, l’hemophilus influenzae -, et anti-inflammatoires, car l’inflammation est constante dans les angines, pharyngites, rhinites et sinusites. Le miel est également expectorant, donc efficace sur les toux grasses, et possède des propriétés apaisantes intéressantes sur les maux de gorge et la toux sèche. Au total, les indications ORL du miel sont assez larges. À noter également que, au-delà des infections ORL, le miel est par ailleurs actif sur les mucites radio-induites. Enfin, et c’est important, le miel est recommandé par l’OMS à partir d’un an comme antitussif. Et alors qu’on ne peut pas donner de mucolytique aux enfants en dessous de deux ans, il constitue une excellente alternative.
L’offre de spécialités d’apithérapie disponible aujourd’hui dans les officines vous semble-t-elle suffisante et de qualité ?
Ma réponse sera double, et un peu paradoxale : nous avons énormément de produits d’apithérapie disponibles sur le marché, mais paradoxalement, cette offre est un peu polluée par un excès de marketing. Il est un peu difficile pour le consommateur de choisir en connaissance de cause. Il y a en effet assez peu d’indication sur la qualité des produits. Le miel lui-même est très peu utilisé de façon thérapeutique et il est assez difficile de choisir un miel pour ses vertus thérapeutiques car l’étiquetage du produit correspond aujourd’hui à une demande alimentaire et non médicale. Le miel le plus souvent choisi reste cependant le miel de Manuka car c’est le miel de référence thérapeutique sur le marché. Problème, c’est un miel qui est dix fois plus cher que les autres au motif qu’il a donné lieu à de nombreuses études. Mais au total, rien ne dit qu’il soit plus efficace que les autres… À savoir également, que les miels de Manuka ne contiennent parfois que 5 % de nectar de Manuka.
Qu’est-ce qui permet de préserver l’essentiel des qualités thérapeutiques d’un miel ?
Pour l’heure, nous n’avons pas encore assez d’exigences en terme d’apiculture pour répondre à une demande d’usage thérapeutique du miel. Pour autant, il existe quelques critères sur lesquels on peut se baser. Le miel est un produit d’origine naturelle, donc de composition très variable. Si vous me demandez quel miel conseiller pour ses vertus thérapeutiques, je privilégierai un miel biologique. En effet les conditions de culture sont globalement plus strictes et donc le produit fini est plus actif, notamment parce qu’il ne peut pas être chauffé au-delà de 40 °C, ce qui préserve la teneur en peroxyde d’hydrogène. Certaines teneurs sont imposées comme l’hydoxyl-méthyl-furfural (HMF) qui ne doit pas dépasser 15 mg/kg et constitue un bon marqueur du respect des températures de chauffe. Ces miels contiennent également moins de pesticides et de résidus phytosanitaires.
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Pierre G., 24 mois, 11 kg