Le succès de l'expérimentation OSyS (Orientation dans le système de soins) en Bretagne n'est pas passé inaperçu. Le dispositif conçu par l'association Pharma Système Qualité a été étendu par arrêté à trois nouvelles régions, qui pourront se lancer dès le mois de janvier. L'objectif d'OSyS, lui, n'a pas changé. Fournir une réponse aux zones identifiées par l'ARS comme étant sous-dotées médicalement dans 6 situations (contre 13 à l'origine) : plaies simples, piqûres de tiques, brûlures du premier degré, douleurs pharyngées, conjonctivites et cystites.
« L’idée initiale d’OSyS est de désencombrer les urgences et de pallier le manque de médecins. C’est un service rendu à la population avec une première évaluation du patient réalisée en officine sans rendez-vous », résume Martine Costedoat, directrice générale de Pharma Système Qualité. L’intervention rapide du pharmacien, qui sera désormais rémunérée à hauteur de 12,50 euros contre 15 euros au départ, permet en effet de conseiller au patient un médicament adapté, hors prescription médicale obligatoire, de l’adresser à un médecin généraliste ou encore de l’envoyer vers un service d’urgence.
Après les bons résultats observés en Bretagne (voir encadré), le ministère de la Santé et le comité technique d'évaluation de l'innovation en santé ont donc décidé de permettre à de nouvelles régions de proposer l'expérimentation OSyS. « Nous avons tout de suite pensé que cela serait judicieux de le proposer dans notre région qui, comme beaucoup d'autres, fait face à la désertification médicale, explique Valérie Garnier, présidente de l'URPS Pharmaciens d'Occitanie. Cela concerne des actes que l'on pratique au comptoir mais qui ne sont pas formalisés. En proposant cette expérimentation, on peut obtenir des statistiques et mesurer précisément ce qui est fait », ajoute celle qui est aussi titulaire dans le Gard. Pour être sélectionné, il a fallu monter un dossier solide, et ce dans un temps assez restreint. « Nous avons rapidement évalué la faisabilité du projet dans notre région. Il a fallu aller très vite, confirme Valérie Garnier. Nous remplissions les critères, notamment au niveau des zones dans lesquelles l'expérimentation allait être menée. En Occitanie, il y a des territoires urbains en désertification médicale, des zones de montagnes, des zones littorales où la population augmente fortement l'été… Nous avions recueilli en amont le consentement de principe de plusieurs pharmacies qui s'étaient engagées à participer si la région était retenue. Nous avions aussi une lettre de soutien de l'URPS médecins, ce qui était indispensable », souligne la présidente de l'URPS Pharmaciens d'Occitanie.
Comment sélectionner les pharmacies qui participeront à l'expérimentation ?
C'est notamment parce qu'elles ont su travailler main dans la main avec les URPS médecins libéraux que ces trois nouvelles régions ont été choisies. « Au début, les médecins étaient un peu réticents, notamment à cause du nombre de pathologies concernées, témoigne Françoise Guégan, présidente de l'URPS Pharmaciens de Centre-Val de Loire et titulaire dans le Loir-et-Cher. Ils étaient plus favorables à un "Osys bis", ce qui est le cas aujourd'hui, le nombre de pathologies ayant été réduit à six. »
Contrairement à ce qui a été fait en Occitanie, les pharmaciens de Centre-Val de Loire ont été sensibilisés à l'arrivée d'OSyS une fois le dossier de candidature retenu. « J'étais convaincue qu'il y avait une forte attente chez les pharmaciens, affirme Françoise Guégan. Cela s'est confirmé ensuite car, en 15 jours, nous avons reçu 80 candidatures de pharmaciens intéressés pour 40 places seulement (N.D.L.R. : comme en Occitanie, en Corse 30 pharmacies seront impliquées). La sélection a été faite en interne, en collaboration avec l'URPS médecins libéraux, nous voulions qu'elle soit la plus représentative possible avec un nombre socle par département (entre 5 et 8 pharmacies), mais aussi une diversité au niveau de la typologie des officines. On a tout de même privilégié des pharmacies situées dans des zones rurales où l'accès aux soins est difficile mais nous avons également accepté des pharmacies qui sont en périphérie de villes plus importantes. Nous n'avons pas non plus retenu de pharmacies où l'équipe est trop réduite », détaille Françoise Guégan.
Comme dans les autres régions, Valérie Garnier et l'URPS Pharmaciens ont aussi dû prendre en compte un certain nombre de critères pour choisir les pharmacies qui proposeront OSyS. « Pour être sélectionnées, les pharmacies devaient aussi être engagées dans une démarche d'exercice coordonnée (MSP, CPTS…), ou au moins être en réflexion pour le faire », ajoute-t-elle. D'autres conditions plus terre à terre devaient aussi être remplies : « disposer d'un espace de confidentialité, avoir plus d'un pharmacien diplômé dans l'officine, avoir des toilettes à disposition, un réseau Internet stable, une messagerie sécurisée pour échanger avec les médecins… », souligne la pharmacienne gardoise.
Formation, accompagnement et suivi
Désormais, place au temps de la formation pour les officinaux qui ont accepté de participer à OSyS. Une mission qui incombe aux URPS et sera assurée par un binôme pharmacien-médecin. Une journée de formation en présentiel (intégralement prise en charge) sera obligatoire pour au moins un membre de l'équipe officinale. Si d'autres veulent aussi se former, notamment les adjoints, ils pourront le faire à distance. Dès aujourd'hui, les URPS organisent aussi des Webinaires pour sensibiliser les pharmaciens à ce qui les attend. Tout au long des deux ans de l'expérimentation, ils bénéficieront d'un accompagnement sur mesure. « Il n'est pas question de les laisser seuls dans la nature, assure Françoise Guégan. L'avantage qu'ont les trois nouvelles régions c'est qu'elles vont pouvoir bénéficier du retour d'expérience de la Bretagne. On sait ce qui a bien marché là-bas et ce qui a moins bien fonctionné. »
Un objectif chiffré a été fixé dans le cahier des charges du ministère : que les pharmacies mobilisées dans les trois nouvelles régions réalisent au moins 5 454 triages en deux ans. « Si au bout d'un trimestre, nous constatons qu'une pharmacie n'arrive pas à suivre, on pourra envisager de la retirer de l'expérimentation et de la remplacer par une autre. Il faudra tout de même que ce soit à la marge », précise Valérie Garnier.
Comment communiquer auprès des patients ?
Une fois que les pharmacies impliquées seront prêtes, une nouvelle question se posera : Comment faire connaître OSyS aux patients, sans enfreindre les règles déontologiques auxquelles la profession est soumise ? « Les difficultés pour communiquer auprès des patients ont été soulignées lors de la phase I de l'expérimentation en Bretagne », concède Françoise Guégan. « Dans le cadre d'OSyS, c'est le pharmacien qui doit se montrer proactif alors que, dans l'idéal, ce serait mieux que le patient vienne en officine en connaissant le dispositif, admet Valérie Garnier. Il faudra communiquer avec tact et mesure. Ne pas dire sur Facebook que l'on propose OSyS, ni se mettre en avant dans un article de la presse locale, ou afficher des choses en vitrine… Nous n'allons pas jouer les contrôleurs mais nous serons tout de même vigilants car s'il y a des déviances cela pourrait nuire à l'expérimentation », prévient la présidente de l'URPS Pharmaciens d'Occitanie.
Un dispositif qui suscite beaucoup d'attentes
Que ce soit dans l'une ou l'autre région, l'arrivée d'OSyS génère en tout cas beaucoup d'attentes. « Avec OSyS, l'objectif c'est notamment de montrer que les pharmaciens s'engagent quand on le leur demande. Si cela fonctionne, cela pourra faciliter le lancement d'autres expérimentations », pense Valérie Garnier. « Ce que nous voulons avec OSyS c'est aider les patients face aux difficultés d'accès aux soins, complète Françoise Guégan. Néanmoins, il ne sera jamais question de se substituer aux médecins. OSyS va bénéficier à des patients qui ont beaucoup de mal à avoir accès à un médecin ou qui n'auraient pas osé le déranger, jugeant que leur problème n'était pas assez sérieux pour cela. Beaucoup de patients qui bénéficié d'OSyS en Bretagne n'auraient sans doute pas consulté de médecin. À nous, durant les deux années de l'expérimentation, de prouver la pertinence de ce dispositif », conclut la présidente de l'URPS Pharmaciens Centre-Val de Loire.
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