LE QUYOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Que pensez-vous, globalement, de la pertinence des retraits d’AMM opérés par les autorités sanitaires ?
DR MARC GIRARD.- Les verrous de sécurité concernant le médicament ne fonctionnent pas bien. C’est au niveau de la méthodologie que cela dysfonctionne. Combien de fois voit-on des médicaments affichant beaucoup d’effets indésirables pour lesquels l’ANSM ne décide rien au motif que le nombre de cas observés ne dépasse pas le nombre de cas attendus ? On s’assoit alors sur la sous-notification. D’autre fois, au contraire, lorsqu’on veut tuer un produit, comme ce fut le cas avec le tétrazépam, alors qu’il n’y a que deux ou trois cas très douteux, on invoque l’argument de la sous-notification pour prendre des décisions radicales. C’est un peu ce que j’appelle une pharmacovigilance à géométrie variable…
Pour vous, les procédures mêmes de pharmacovigilance sont critiquables ?
Je les connais bien pour en avoir fait le sujet de ma thèse en 1983 ! Je m’étais penché sur la fameuse méthode d’imputabilité de l’agence, l’évaluation de causalité. Et j’ai à l’époque expliqué les raisons pour lesquelles elle était tout à fait inadéquate. Cette méthode a été mise en place dans les années 1970 dans de nombreux pays. Tous, à l’exception notable de la France, ont fini par l’abandonner. L’autre problème important, c’est qu’il y a trop de médecins dans l’administration sanitaire, et pas assez de pharmaciens. La pharmacovigilance, ça a bien marché tant que c’était une affaire de pharmaciens et de chimistes. La vertu cardinale de la pharmacie, c’est le contrôle de la qualité. Les médecins ne détiennent pas cette expertise.
Quelle serait, selon vous, une pharmacovigilance idéale ?
Le système idéal, c’était celui d’avant. Celui qui a permis l’identification des grands problèmes que nous avons eus avec le thalidomide ou le practolol. Les acteurs de la pharmacovigilance avaient une approche plus scientifique et étaient moins sensibles à ce que j’appelle l’anecdotique spectaculaire.
Les médias auraient un effet perturbateur sur les grandes décisions de sécurité sanitaire ?
Dans le cas de Diane, cela a été flagrant. Sous l’effet de l’hyper médiatisation, les autorités ont fait une erreur juridique grave en retirant le produit alors que les textes ne les y invitaient pas. La France n’avait pas le pouvoir de retirer de cette façon un médicament européen… Qui a d’ailleurs été réhabilité par la suite.
N’y a-t-il pas eu, de ce point de vue là, un avant et un après Mediator ?
Mediator n’a été que l’arbre qui cache la forêt. On aurait mieux fait de consacrer beaucoup moins d’énergie à Mediator et beaucoup plus à d’autres produits qui coûtent plus chers et qui sont plus toxiques.
Certains retraits ont été selon vous injustifiés ?
Le retrait de Myolastan était, par exemple, un très mauvais retrait. D’abord parce que c’était un médicament très utile. Les benzodiazépines sont globalement bien tolérées et on a sur ces produits un sacré recul. Voir que, sur la foi de deux cas peu documentés, on retire un produit prescrit depuis 45 ans, est pour le moins surprenant.
Quelle alternative peut-on trouver aux retraits de médicaments ?
Je ne suis pas un partisan du retrait. C’est toujours un immense gâchis de retirer un médicament. Lorsqu’il y a véritablement un problème, je serais plutôt favorable aux restrictions d’indications, ou de rendre les contre-indications plus claires. Mais la vraie morale à mettre en œuvre autour du risque iatrogène, ce serait celle qui consisterait à prescrire moins de médicaments. Ou mieux.
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