ALLERGIE aux excipients, manque d’effet thérapeutique, aspect galénique trop distinct de celui du princeps : les arguments des « anti-génériques » ne manquent pas. « En pharmacie, une petite proportion de patients - environ 20 % - doute encore de l’efficacité de ces produits », précise Philippe Gaertner, président de la FSPF. Cette méfiance se traduit surtout par le refus de prendre plusieurs génériques sur une même prescription. En revanche, si un seul médicament est substitué, ils acceptent plus facilement la substitution. « En officine, je recommande donc de s’assurer que le client ne fait pas de confusion, et qu’il sait bien quels produits correspondent à quels traitements », poursuit le président de la FSPF. Problème, les polémiques qui surgissent régulièrement sur le sujet ne facilitent pas la tâche au comptoir des officines : « La classe des médicaments de cardiologie a par exemple donné lieu à quelques querelles d’experts. Ces réactions sèment le trouble dans les esprits, et renforcent l’inquiétude : les clients appliquent alors le principe de précaution et refusent la substitution. » Une certitude : quand le médecin a prescrit le générique, le patient l’accepte, alors que si le pharmacien commence à substituer, la pilule passe moins bien. « Les patients savent que nous gagnons plus d’argent sur ce marché et cela ne leur plaît pas, relève Catherine Cayla, pharmacien aux Abbesses (Paris XVIIIe). De plus, pour certains, le générique n’est pas le vrai médicament. »
Cette frange « dure » de patients toujours réfractaires à la substitution n’apprécie pas de se la voir imposer, et donne la préférence au princeps. Les pharmaciens se heurtent également à l’incompréhension d’autres patients, gênés par la cohabitation sur le marché du princeps et du générique. Reste que la méfiance touche toute la patientèle, et pas seulement les personnes âgées qui voient leurs habitudes bouleversées : « Certains clients coopèrent sans problème, reprend Catherine Cayla. Mais d’autres campent sur leur position, quel que soit leur âge, et me disent que les excipients ne sont pas les mêmes, que la forme effervescente du générique est moins rapide que celle du princeps et cela ne leur plaît pas… »
Rassurer encore, rassurer toujours.
Exemple, le Phloroglucinol, dont la dissolution plus lente que celle du Spasfon n’est guère appréciée, pas plus que son goût. « Le Gaviscon est parfois préféré à l’Alginate de sodium, parce que les patients préfèrent l’arôme à l’anis du princeps au lieu de la pomme diffusée par le générique », s’amuse Catherine Cayla. De leur côté, les patients âgés se plaignent de la couleur des comprimés : le plus souvent blancs, les comprimés génériques sont difficiles à distinguer entre eux. « En officine, ce n’est pas simple sur ce terrain-là : nous devons sans cesse rassurer le patient, si nous devons parfois lever le pied sur l’effort de substitution, peu de patients nous font part de leur regret du générique. Rien n’est donc jamais acquis », explique Philippe Gaertner.
Les plus grands opposants aux génériques restent, pour certains officinaux, les patients âgés. Ainsi en témoigne Jean-Claude Cazes, titulaire dans le VIe arrondissement de Paris, et secrétaire général de l’UTIP : « Certains sont perdus, confondent les couleurs et les formes des médicaments dans leur pilulier. D’autres peinent à reconnaître les boîtes, lesquelles, il faut l’avouer, se ressemblent beaucoup pour un néophyte. »
Un seuil incompressible.
Quant aux jeunes opposants, ils soupçonnent les génériques d’être de moindre qualité et les considèrent comme des sous-produits. D’autres patients se plaignent des allergies soi-disant provoquées par le traitement de substitution, ou carrément de son manque d’effet. « Même si la majorité s’y est faite, nous sommes arrivés à un seuil incompressible de patients qui ne sont pas convaincus par la substitution », relève Jean-Claude Cazes. Outre cette frange dure, d’autres réfractaires, moins catégoriques, acceptent le générique s’il est destiné au traitement d’affections simples : « Ils réservent l’achat de génériques à des traitements précis, pointe Geneviève Daudel-Fraenckel, pharmacien à Sassenage (Isère). Pas question de substituer des psychotropes ou des médicaments de cardiologie. »
Au mépris des compétences du pharmacien, les patients prennent parfois comme parole d’évangile la prescription du médecin : « Il faut leur donner ce que le docteur a marqué, si lui n’a pas substitué, ils n’acceptent pas le générique que nous leur conseillons. » Des attitudes qui restent difficiles à gérer au comptoir, d’autant que l’extension constante du répertoire générique oblige l’équipe officinale à une gymnastique intellectuelle permanente. « Cette catégorie de clientèle représente un beau potentiel d’économie, souligne Philippe Gaertner. Il s’agit donc pour les différents interlocuteurs de la chaîne de santé de continuer à communiquer sur l’importance de la substitution pour l’équilibre des finances de la sécurité sociale. »
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