Les procédures accélérées d’autorisation de mise sur le marché (AMM) sont de plus en plus nombreuses. D’après Health Action International (HAI)*, les régulateurs acceptent alors des « essais cliniques plus petits et de durée plus courte, des évaluations sur des critères intermédiaires ne garantissant pas d’efficacité clinique concrète, des comparaisons versus placebo et non versus traitement de référence, des méthodes moins rigoureuses ».
Pourtant HAI se montre favorable à un accès rapide des patients à l’innovation, mais ces procédures « doivent être pleinement justifiées sur le plan médical, scientifique et humain, et ne doivent pas être utilisées pour tous les médicaments (…) Elles devraient toujours assurer la sécurité des patients et comporter l’exigence de preuves de bénéfices concrets », explique Ancel-la Santos Quintano, conseillère politique au sein de HAI. Car le retour d’expériences démontre que ces AMM accélérées autorisent trop souvent des médicaments « malgré une balance bénéfices-risques non rassurante ».
C’est en tout cas la conclusion d’une étude italienne sur les AMM conditionnelles accordées par l’Agence européenne du médicament (EMA) entre 2006 et 2015. Une autre étude, américaine, montre que les problèmes de pharmacovigilance sont plus nombreux avec les médicaments ayant bénéficié d’une AMM accélérée.
La procédure précise des AMM fractionnées n’est pas encore connue mais le principe ressemble fort aux AMM conditionnelles actuelles, qui entraînent des engagements post-commercialisation pour les laboratoires. Ce système « déplace la charge de la preuve de l’avant à l’après mise sur le marché ».
Or un rapport américain note que l’agence américaine du médicament (FDA) ne surveille pas le respect de ces engagements, et ne met en place ni exigences fermes, ni sanction en cas d’engagement non tenu. De plus, la décision de retirer un médicament du marché dans un tel cadre est politiquement plus difficile pour les autorités sanitaires qui doivent se déjuger. À ce climat permissif s’ajoute le fait que ces AMM accélérées ne bénéficient pas toujours aux patients à cause des prix exigés par les fabricants.
Juge et partie
D’après Ancel-la Santos Quintano, l’inquiétude réside principalement dans le fait que ces AMM fractionnées pourraient devenir la règle pour tous les médicaments. C’est ce qu’a imaginé un think tank émanant du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), le New Drug Development Paradigms (NEWDIGS), à l’origine du concept des AMM fractionnées.
Parallèlement aux premières conclusions tirées du think tank, les syndicats européens des entreprises pharmaceutiques et des associations de patients de maladies rares ont travaillé sur le concept et demandé d’un commun accord, en décembre 2013, à la Commission européenne de lancer un projet pilote. Chose faite en mars 2014 par l’EMA.
Pour HAI, ce projet va dans l’intérêt des entreprises du médicament qui bénéficieront d’un « flux de revenus plus précoce », tout en consolidant le nouveau business model de nichebuster. Cela « consiste à fragmenter parfois artificiellement les populations de patients et accélérer la mise sur le marché pour une indication étroite qui va être élargie progressivement ».
L’indication étroite où aucun autre traitement n’existe permet aussi d’exiger un prix plus élevé, comme ceux constatés dans le cancer et les maladies rares. Ce n’est pas tout, HAI dénonce aussi le « dialogue précoce » entre les firmes et les autorités de régulation dans le cadre des futures AMM fractionnées. Impliquer les agences dans le plan de développement du médicament les rend « juge et partie » et annihile « le recul nécessaire à une évaluation impartiale ».
Enfin, l’ONG affirme que le projet pourrait prévoir, comme le préconise le think tank NEWDIGS, « que les patients victimes d’effets indésirables ne puissent pas poursuivre les firmes en justice ». Pire, NEWDIGS envisage la possibilité pour les laboratoires d’accéder « au dossier médical du patient » et de créer un « contact direct » avec lui afin de recueillir des données complémentaires au suivi des prescriptions et aux programmes d’éducation des professionnels de santé.
Au final, HAI craint que les AMM fractionnées affaiblissent le cadre réglementaire et l’évaluation avant mise sur le marché, mettant ainsi les patients en danger et les régulateurs sous l’influence des industriels. « Nous attendons désormais la publication du rapport de la première phase de ce projet pilote qui devrait intervenir en mars prochain. »
D’après une conférence-débat animée par la revue « Prescrire ».
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