C’est un nouveau succès pour la thérapie génique. Le 8 juin 2016, après plus de dix années d’essais cliniques, la thérapie Strimvelis de GlaxoSmithKline (GSK) a décroché le sésame européen. S’il s’agit du troisième médicament issu de la thérapie génique autorisé en Europe, c’est le tout premier qui vise exclusivement des enfants, ceux que l’on appelle les « bébés bulles ».
Strimvelis est en effet indiqué aux enfants atteints de déficit immunitaire combiné sévère par déficit en adénosine désaminase (ADA-DICS) – une maladie qui touche une petite quinzaine d’enfants par an en Europe et présente une incidence comprise entre 1/200 000 et 1/1 000 000 – ne pouvant bénéficier d’une greffe de moelle osseuse.
Le traitement débute par l’extraction de cellules-souches hématopoïétiques du patient, qui sont purifiées pour ne conserver que les cellules CD34, cellules mises en culture avec des cytokines et des hormones de croissance, dans lesquelles on transfère un gammarétrovirus contenant le gène d’adénosine désaminase, pour enfin les réinjecter au patient.
Les cellules prennent racine dans la moelle épinière et créent des protéines d’adénosine désaminase qui fonctionnent. En bref, il s’agit d’un médicament créé à partir des propres cellules du patient à traiter. Plus qu’un médicament, c’est un procédé de thérapie génique que l’Agence européenne du médicament (EMA) a approuvé.
Avant Strimvelis, c’est un médicament de thérapie génique d’Amgen qui a reçu son AMM européenne en décembre dernier (et l’AMM américaine en octobre) : Imlygic (talimogene laherparepvec). Il s’agit de la première immunothérapie oncolytique (qui détruit les cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules saines) indiquée contre le mélanome inopérable qui s’est étendu à d’autres parties du corps, mais pas à l’os, au poumon, au cerveau, ni aux autres organes internes.
Imlygic s’administre par injections locales dans les lésions du mélanome. Le talimogene laherparepvec provient du virus atténué herpès simplex de type 1, modifié pour se multiplier dans les cellules du mélanome jusqu’à les tuer. De plus, Imlygic pousse les cellules infectées à produire la protéine GM-CSF qui stimule le système immunitaire pour qu’il reconnaisse et détruise les cellules du mélanome.
Traitements de 1 à 100 millions de dollars…
Quant au tout premier médicament issu de la thérapie génique approuvé en Europe, Glybera (alipogene tiparvovec), dont l’AMM date d’octobre 2012, il est indiqué dans une inflammation d’origine génétique très rare du pancréas qui touche une à deux personnes sur un million : le déficit familial en lipoprotéine lipase.
Conçu par la société néerlandaise Uniqure et dont la commercialisation en Europe revient au groupe italien Chiesi, Glybera n’a été utilisé qu’une seule fois, pour une patiente allemande de 43 ans. Pour y parvenir, son médecin a dû faire montre d’une grande motivation, remplir de nombreux dossiers et se battre pied à pied avec un assureur allemand pour la prise en charge du traitement à 1 million de dollars… Pourtant, le succès semble au rendez-vous.
Après la série d’injections, sa patiente ne compte plus aucune hospitalisation alors qu’elle comptabilisait plus d’une quarantaine de séjours hospitaliers avant ce traitement. Selon la Commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS), en France, se pose également la question de l’efficacité du traitement.
En novembre dernier, elle a attribué un service médical rendu insuffisant à Glybera, notant un « effet modeste sur les triglycérides et les pancréatites sans maintien de cet effet à moyen et long terme », puisqu’elle constate un « retour à l’état initial des taux de triglycérides un an après l’injection », une « hétérogénéité de la réponse thérapeutique inter-patients » et souligne des « incertitudes sur la tolérance à court et moyen terme ».
D’après Uniqure, c’est surtout le manque d’éléments, inhérent à tout traitement destiné à une maladie très rare, qui a poussé la HAS à la prudence. Ainsi, en Europe, les autorités réclamaient un essai clinique incluant près de 350 patients pour se prononcer… alors qu'on ne comptabilise que 200 personnes touchées par cette maladie.
Uniqure a d’ailleurs essuyé deux refus d’AMM avant l’approbation de Glybera. Un véritable chemin de croix pour que ce médicament ne bénéficie, en près de quatre ans, qu’à une seule patiente alors que son coût de R & D s’approche des 100 millions de dollars. « Des échanges ont lieu actuellement pour au moins un autre patient qui aurait besoin du Glybera, entre le corps médical, les autorités de son pays et notre laboratoire », précise Philippe Tieghem, directeur France de la communication, les affaires publiques et l’accès au marché pour Chiesi.
Belles promesses
Pour autant, l’engouement pour les thérapies géniques ne faiblit pas. En mars 2014, l’immunologiste Anne Galy indiquait que « plus de 1 800 essais cliniques de thérapie génique sont en cours à ce jour, dont 65 % en cancérologie, 10 % dans le domaine cardio-vasculaire et 10 % dans celui des maladies monogéniques. D’autres essais concernent des maladies infectieuses, neurologiques, ophtalmologiques, inflammatoires (…) Les essais de phase III ne représentent que 4,5 % des études cliniques en cours. Néanmoins, ce chiffre ne cesse de progresser, avec de belles promesses, par exemple dans le traitement de maladies monogéniques telles que l’amaurose congénitale de Leber, l’hémophilie B, la bêtathalassémie ou dans le traitement du cancer par transfert de lymphocytes T génétiquement modifiés ».
Néanmoins, c’est à la Chine que revient l’autorisation du tout premier médicament de thérapie génique, avec l’approbation de Gendicine en 2004. Avec succès ! Indiqué dans plusieurs types de cancers, notamment les carcinomes de la tête et du cou, ce traitement aurait bénéficié à « plus de 10 000 personnes (…) à ce jour, sans effet indésirable notable », selon Anne Galy. Dont un certain nombre de ressortissants étrangers qui n’ont pas hésité à faire le voyage pour raison médicale, désespérés que ce traitement unique soit commercialisé uniquement en Chine depuis 12 ans.
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