LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN - Pour qui valent les clauses de non-concurrence ?
JEAN-CHARLES TELLIER - Elles concernent l’ancien associé, le pharmacien qui a vendu, l’adjoint, le stagiaire. Il n’y a pas de limites imposées, sauf dans le contrat de travail, la seule condition étant que les règles imposées sont réalisables. Par exemple, il n’est pas acceptable d’inclure dans le contrat de travail d’un pharmacien l’interdiction d’exercer à 15 km de l’officine qu’il quitte dans une zone urbaine, les obligations énoncées dans la clause doivent donc avant tout être réalisables. Le problème surgit au moment où il est utile de se référer à ces clauses, au moment où on quitte l’officine. C’est à ce moment-là que certains peuvent s’apercevoir qu’ils ont signé n’importe quoi. Mais cela est vrai dans les deux sens. En effet, nombreux sont les titulaires à n’inclure aucune clause de non-concurrence dans leurs contrats. On ne le dit pas suffisamment. De même, la plupart donnent l’autorisation à leur ancien associé, adjoint, stagiaire d’exercer alors que leur contrat, suivi à la lettre, ne le permettait pas. Par ailleurs, peu de conflits liés à cette obligation de non-concurrence remontent jusqu’à l’Ordre, les gens retrouvent leur bon sens avant cela, les problèmes se règlent en amont.
Le code de la déontologie ne prévoit-il pas aussi l’impossibilité d’être en concurrence directe avec son ancien titulaire ?
Le problème c’est que le code de déontologie est sujet à interprétation. Que signifie concurrence directe ? Le fait d’être le premier concurrent de son ancien titulaire parce qu’il n’y a pas de pharmacie entre son officine et la mienne ? Cela peut effectivement être source de conflits. Pour moi, les deux parties ont toujours intérêt à se parler. Il n’y a rien de pire que de ne pas prévenir et de mettre sur le fait accompli celui qui peut être lésé. Ce dernier a alors un sentiment de rejet tout à fait normal. Il faut donc prévoir l’avenir raisonnablement, s’informer l’un et l’autre des projets réciproques, c’est comme cela qu’on doit vivre. Les deux sont pharmaciens, ont fait les mêmes études, sont inscrits à l’Ordre… Il est toujours possible d’aller au-delà de la notion de concurrence. À mes yeux, ce n’est pas un vrai sujet de conflit si on s’en tient à des règles simples d’information et de confraternité.
La clause de non-concurrence apporte-t-elle des garanties suffisantes, avec une distance à respecter pendant une durée limitée et une contrepartie financière dont le montant est fixé à l’avance ?
Oui, mais les situations n’en sont pas moins compliquées. D’un côté, le pharmacien lésé devra pouvoir prouver qu’il subit un préjudice. C’est difficile à démontrer, surtout quand il existe des pharmacies intermédiaires qui font écran entre les deux officines concernées. La pire situation de conflit c’est celle où les pharmaciens ne s’entendent pas dans une commune où trois officines sont présentes. Mais il existe aussi des situations très simples au contraire, notamment avec le déploiement des SEL. Il n’est pas rare de voir un pharmacien s’installer non loin de son ancien titulaire, celui-ci jouant le rôle d’investisseur en faisant la courte échelle à son ancien employé pour qu’il puisse s’installer. Dans ce cas, le principe de concurrence tombe de lui-même. L’investisseur est pourtant à proximité immédiate de l’officine rachetée en SEL.
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