« JE NE REGRETTE PAS de travailler avec mes parents. Ça se passe très bien. » Pour Sophie Rouvière, adjointe à Sauzet, dans la Drôme, le travail en famille est loin d’être une corvée. Depuis l’obtention de son diplôme, en août 2007, elle travaille dans l’officine de ses parents, Michel et Dominique Rouvière. « Il y a une bonne ambiance dans l’officine et on s’entend bien », affirme Sophie. Durant ses études, elle n’avait pas forcément prévu de travailler avec ses parents, mais ne l’avait pas exclu non plus. « Je n’ai jamais dit "jamais" », déclare-t-elle. Son arrivée à l’officine est le fruit du hasard. « Notre adjointe était partie en congé parental et nous ne savions pas quand elle allait revenir, explique Michel Rouvière, co-titulaire de l’officine avec son épouse. Notre fille venait de terminer ses études, nous l’avons donc engagée pour remplacer notre adjointe. » Au début, Sophie est embauchée en contrat à durée déterminée, jusqu’au retour de l’adjointe. Mais cette dernière a un autre enfant pendant son congé parental, ce qui prolonge son congé pendant quatre ans. Le CDD se transforme donc en CDI.
Dominique Rouvière reconnaît que, au début, elle était un peu réticente à l’idée de voir sa fille travailler avec elle et son mari. « Pour ma part, je n’aurai pas forcément aimé travailler avec mes parents, surtout que nous ne sommes pas à la retraite tout de suite ! plaisante-t-elle. J’avais un a priori sur le fait de vivre en cercle fermé. » Cependant, ses doutes se sont rapidement envolés. « Chacun a trouvé sa place et les tâches ont été réparties selon les affinités. Je me suis occupée davantage de la gestion du tiers payant, ma fille a pris en charge les relations avec des laboratoires dont mon mari s’occupait. Et lui s’occupe de la comptabilité. » Finalement elle se déclare « tout à fait ravie » de la présence de Sophie à la pharmacie. Michel Rouvière estime également que c’est un réel avantage. « Elle peut tout faire, par exemple se rendre à la banque en dehors des heures d’ouverture de l’officine. C’est un grand confort lorsque nous nous absentons. Nous pouvons partir l’esprit tranquille, car il y a toujours une personne de confiance à la pharmacie. La seule chose qu’elle n’aime pas faire c’est la comptabilité, donc c’est moi qui m’en charge ! » Entre Sophie et ses parents, les conflits sont rares. « Il arrive qu’on soit en désaccord, mais cela ne crée pas de gros problèmes, assure la jeune femme. Si c’est le cas, on s’explique et on parvient à un accord. Ça ne dure jamais très longtemps. Globalement, nous avons la même vision de la pharmacie, ça aide ! »
Davantage de responsabilités.
Vis-à-vis de l’équipe également, les relations sont bonnes. L’officine compte quatre salariés : deux préparateurs, l’adjointe qui est revenue de congé parental et Sophie. « L’un des préparateurs a deux ans de moins que moi et on s’entend bien. Quant à l’autre, il me connaît depuis que je suis petite », s’amuse Sophie. « Il n’y a pas de tensions entre les uns et les autres dans l’équipe, confirme Michel. Ils organisent même des repas ensemble à l’extérieur de l’officine. » Pour garder cette bonne ambiance, les titulaires veillent à traiter tous leurs salariés de la même façon. « Il n’y a pas de différence dans notre façon de nous comporter, que ce soit avec notre fille ou avec les autres salariés, souligne Dominique. Et d’ailleurs, Sophie a un comportement strict, pour éviter tout problème de jalousie. Elle respecte les horaires, réalise toutes les tâches, déballe les commandes comme tout le monde, etc. Elle se comporte plus en salariée qu’en associée. »
Pourtant, depuis ses débuts, Sophie a pris plus de responsabilités, notamment à l’occasion du transfert de l’officine familiale dans une maison de santé, en 2010. « Elle a participé aux plans, au choix des matériaux et des couleurs pour la nouvelle pharmacie », explique son père. « À cette occasion, elle s’est beaucoup investie, elle a pris beaucoup d’initiatives, complète sa mère. Elle était moins en retrait qu’au début et cela nous a bien aidés. » En juin 2015, Sophie devrait normalement s’associer avec ses parents, en reprenant une partie des parts de la pharmacie. Elle ne peut le faire plus tôt, du fait d’un changement de statuts de la pharmacie, passée en SARL en 2010, ainsi que du transfert de l’officine, qui bloque le pacte d’associés pendant cinq ans. « Je ne suis pas impatiente, confie-t-elle. Cela me convient de commencer doucement, d’apprendre au fur et à mesure. Quand je serai associée je devrais me plonger dans la gestion et ce n’est pas ce que je préfère. À la faculté on ne l’apprend pas beaucoup, mais, heureusement, mes parents peuvent me former dans ce domaine. »
Une tradition familiale.
À la pharmacie Gaertner, à Boofzheim, en Alsace, Alexandra est également l’adjointe de son père, Philippe, depuis trois ans et demi. « J’ai attrapé le virus assez tôt, reconnaît-elle. Quand j’étais petite, je venais très souvent à l’officine. J’avais le droit de mettre les boîtes de médicaments dans les sachets. » La pharmacie est une tradition familiale. C’est son arrière-grand-père, également pharmacien, qui a acheté l’officine en 1928. Quant à son grand-père, il était préparateur et salarié de son propre fils, Philippe Gaertner. Une situation insolite, source de confusion pour les patients. « Ils ont toujours cru que c’était papy le pharmacien », s’amuse Alexandra. Contrairement à ses frères, qui ne s’intéressent pas vraiment à l’officine, cette dernière décide de reprendre le flambeau et de suivre des études en pharmacie. Elle sait déjà qu’elle veut travailler avec son père. Elle effectue son stage de fin d’études dans une autre officine, puis rejoint son père en tant qu’adjointe, au sein d’une équipe de sept personnes. « Au début c’était un peu bizarre, je ne savais pas trop comment me positionner par rapport à eux, se souvient-elle. Maintenant ça se passe bien, j’ai trouvé ma place. » Quant aux relations avec son père, elles sont également très bonnes. « Il nous arrive d’avoir des désaccords, mais mon père peut entendre les avis différents du sien. Je parviens à faire valoir mes idées assez souvent. »
Des codes pour communiquer.
« Nous n’avons jamais eu de conflit, confirme Philippe Gaertner. Je suis souvent absent, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour cela, plaisante-t-il. Parfois on regrette même de ne pas suffisamment travailler en commun. » Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) passe en effet la majeure partie de son temps à Paris, pour assurer ses responsabilités syndicales. « Je n’ai jamais été un patron qui téléphone lorsqu’il est absent, reprend-t-il. Ce sont mes employés qui me passaient un coup de fil en cas de souci. Désormais, Alexandra m’appelle tous les jours, plusieurs fois dans la journée, pour me tenir informé. Je sais ce qu’il se passe au quotidien dans l’officine. Nous avons nos petits codes : par exemple, si elle m’appelle deux fois de suite, je sais que c’est une urgence. C’est une chose qu’un autre salarié n’oserait peut-être pas faire. » Pour lui, « c’est un atout de travailler en famille. Lorsque je travaillais avec mon père, cela m’a permis de m’investir à l’UTIP. Et ça a changé ma vie d’avoir ma fille qui travaille avec moi ! Cela me permet de m’absenter sans avoir l’impression de ne pas être là quand il faut ». Il reconnaît que sa fille assume davantage de responsabilités qu’un adjoint qui débute. « Elle s’occupe notamment de la coordination des achats, que nous avions un peu négligée avant. C’est une tâche difficile à déléguer, car il faut parfois prendre des risques. Il est plus délicat pour un employé de le faire avec de l’argent qui ne lui appartient pas », estime Philippe Gaertner. « La fonction achat est très importante pour l’économie de l’officine, poursuit-il. Maintenant qu’elle est mieux suivie, cela se ressent au niveau économique. »
« Auparavant, les achats étaient gérés par les préparatrices. Désormais, je le fais avec elles. Cela les rassure d’avoir quelqu’un pour valider leurs décisions et elles osent davantage », confirme Alexandra. Même si elle s’occupe beaucoup de gestion et d’administratif, cette dernière n’envisage cependant pas de s’installer pour le moment. « Je ne sais pas encore si je veux m’installer ou m’associer avec mon père, déclare-t-elle. Pour l’instant le poste d’adjointe me convient bien. »
Pour les Gaertner, le travail en famille s’est donc également révélé gagnant. Seule ombre au tableau : la difficulté de décrocher après le travail. « Il est vrai que, en dehors de la pharmacie, le sujet reste quand même très présent », avoue Philippe Gaertner. Mais cet inconvénient est largement compensé par le fait de rester constamment en contact avec sa fille. « Je suis un père qui a beaucoup de chance », conclut-il.
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