IL Y A audit et audit. En officine, cette opération peut avoir des finalités très diverses et, donc, recouvrir des champs d’investigation très différents. « Car l’un des buts de l’audit, ce n’est pas seulement de faire une analyse de l’officine, c’est aussi de chercher et trouver ce qui ne fonctionne pas », explique Christian Nouvel, de Fiducial.
En officine, les audits qui sont réalisés sont assez souvent spécialisés. Le plus courant, et qui sert essentiellement à préparer la transaction de la pharmacie, est l’audit économique et financier. Mais il y en a d’autres, qui se sont développés ces dernières années dans la profession : par exemple des audits sur les frais généraux ou la taxe professionnelle. Mais également l’audit qualité, qui consiste à identifier les actions à entreprendre lorsque le titulaire souhaite mettre en place un système d’assurance qualité dans l’officine ou à mesurer la pertinence des actions entreprises lorsque des mesures d’assurance qualité ont déjà été mises en place.
C’est ce que proposent de nombreuses sociétés de conseil, comme 5mPartner, Socco Consult, et beaucoup d’autres. Ici, « les objectifs sont de prendre une photographie de l’officine à un instant donné, de faire ressortir ses points forts et ses axes de progrès, de diagnostiquer les actions à mettre en œuvre pour améliorer le confort de travail des collaborateurs, accroître leur motivation et développer la marge », met en avant le cabinet de consultants Socco Consult. Après cet audit, en général, un compte rendu est fait à la fois avec le titulaire pour valider le plan d’action retenu et avec l’équipe officinale pour faire adhérer cette équipe à ce plan d’action. De nombreux cabinets de conseil se sont développés sur cet axe ces dernières années, car la démarche qualité constitue certainement un enjeu fort pour toutes les professions de santé dans les années à venir.
Intrusion dans la vie de l’officine.
Mais autant un audit qualité peut s’effectuer facilement et dans de bonnes conditions, autant certains autres types d’audits, comme l’audit social, peuvent poser problème. Dans ce domaine, l’audit résonne en effet souvent, pour les pharmaciens comme pour les chefs d’entreprise en général, comme un synonyme de contrôle, d'investigation, d'intrusion dans la vie de l'officine, voire dans sa bonne marche. Pourtant, l’audit social présente une grande utilité, celle de vérifier et d’évaluer les écarts entre la situation sociale de l’officine, d’un côté, et les dispositions et les décisions préétablies, d’un autre côté. Dans ce domaine, un pharmacien peut demander un audit soit à titre préventif soit à titre curatif, par exemple en cas de conflits avec le personnel. Un audit permet ainsi de faire apparaître les dysfonctionnements ou les écarts entre les pratiques de l'officine et la réglementation sociale, d’établir un diagnostic, et de proposer au titulaire des recommandations. Tous les spécialistes de la gestion sociale le disent : éviter les risques de litiges avec les salariés ou régler ces litiges, c’est gagner en efficacité.
Toutefois, les audits non spécialisés les plus pratiqués aujourd’hui restent ceux qui ont lieu lors de la vente du fonds ou de la société. Il s’agit d’un audit global, qui porte sur tous les aspects de la gestion de l’officine : économique, financier, social, informatique, gestion du stock, etc. Cet audit est-il systématique ? « Non, tous les cabinets de transactions n’auditent pas l’officine qu’ils ont à vendre, loin de là. Ils ne sont d’ailleurs pas obligés de le faire. L’audit est un métier à part, et la plupart des cabinets se contentent de demander un certain nombre d’informations au vendeur pour les fournir à l’acquéreur. Chez nous, l’audit est compris dans les démarches de la transaction. Lorsque l’acquéreur va visiter l’officine, il a déjà son étude en main », explique Philippe Grangis, codirigeant de l’Agence Pharmaceutique, un cabinet de cession installé à Aix-en-Provence.
En pratique, l’audit réalisé au moment de la cession de l’officine sert également au cabinet de transaction lui-même. Il permet non seulement à l’acquéreur de savoir si l’officine qui lui est présentée correspond à ses recherches et à ses possibilités financières, mais il constitue aussi un gage de sécurité pour le transactionnaire, eu égard à son devoir de conseil et à sa responsabilité professionnelle. « L’audit est quasiment indispensable aujourd’hui, ne serait-ce que pour nous protéger et connaître ce que l’on vend. Et sur le plan éthique, c’est la moindre des choses que d’effectuer une analyse en profondeur de l’officine que l’on présente aux acquéreurs », estime Jean-Christophe André, du cabinet de cession Pharmaudit, à Marseille.
Selon plusieurs cabinets de transactions, en effet, de nombreux projets de cession, depuis plusieurs mois, n’aboutissent pas, notamment en raison des refus de financement des banques. Mais aussi, certainement, parce que l’audit préalable de l’officine à vendre n’a pas été effectué. « Il y a des vendeurs qui n’auraient jamais dû être en contact avec certains vendeurs si le cabinet de transaction avait fait son travail », ajoute Jean-Christophe André.
Dans tous les cas, quand un audit est réalisé par le cabinet de transaction ou les experts-comptables auxquels il est adossé, il reste en principe la propriété du cabinet de transaction. « On ne le communique ni à l’acheteur, ni à l’acquéreur », explique encore Jean-Christophe André. « Il ne faut pas distribuer ce document à tout le monde. On ne peut pas divulguer des informations souvent confidentielles à un futur acquéreur qui, finalement, risque de se désister ».
Dans l’hypothèse d’une transaction, enfin, l’audit permet également et surtout de connaître tout le potentiel et tous les problèmes de l’officine à vendre, et ainsi de mieux situer l’officine dans une fourchette de prix. En clair, il aide à savoir si l’officine est à son prix ou non, si elle n’est pas surévaluée. Il a donc aussi pour fonction de ramener certains vendeurs à la raison, en leur expliquant pourquoi ils vendent trop cher…
Un titre non protégé.
Mais évidemment, pour qu’un audit puisse donner des résultats pertinents, dans le cadre d’une transaction ou dans un autre cadre, beaucoup dépend de la qualité de l’auditeur. Or le problème, aujourd’hui, est que la qualité d’auditeur n’est pas un titre réglementé, et que de très nombreux intervenants, pas obligatoirement bien formés, peuvent donc pratiquer et facturer au pharmacien ce genre d’opération. Bien sûr, les experts-comptables et les commissaires aux comptes réalisent traditionnellement des audits comptables, économiques et financiers, mais ils ne sont pas les seuls. Les cabinets de transaction également comme on le sait, mais aussi des consultants indépendants, des cabinets conseils de toute sorte et même, parfois, des intervenants mis à disposition par des fournisseurs ou des grossistes-répartiteurs. « La qualité de l’auditeur est très difficilement vérifiable pour le pharmacien. Je pense qu’il faut prendre beaucoup de précautions avant de commander un audit », avance Philippe Besset, président de la Commission économie de l’officine à la FSPF (fédération des syndicats pharmaceutiques de France).
Normalement, en effet, un audit économique et financier en bonne et due forme doit comprendre un certain nombre de « périmètres » obligatoires. S’il s’agit d’un fonds de commerce individuel, il faut notamment définir précisément les éléments matériels et les éléments immatériels du fonds de commerce (le droit au bail, par exemple). Si l’audit est réalisé dans l’optique d’une cession de parts, on doit s’assurer de l’existence réelle de l’ensemble des actifs : immobilisés (matériels, immatériels), circulants (stocks, clients, trésorerie…), s’assurer surtout de la réalité des passifs existants (comptabilisés et latents), déterminer l’étendue des garanties à prendre sur le passif et déterminer les éventuelles garanties sur l’actif.
« L’audit est un vrai travail spécialisé, indique Xavier Goullet, responsable du cabinet PharmAnalyst, à Paris. Par exemple, on ne doit pas négliger l’étude de la commercialité du quartier dans lequel l’officine est implantée. Il faut bien vérifier la concurrence des confrères à proximité, identifier les centres de parapharmacie, s’assurer de la présence ou non des médecins alentour. C’est après cette première étude d’ensemble que l’on commence une analyse en détail de la pharmacie elle-même, en descendant en entonnoir dans les différents postes de charges », poursuit Xavier Goullet.
S’agissant des officines, l’audit doit aussi mettre en évidence la composition du chiffre d’affaires, en isolant les ventes de médicaments à 2,1 et 5,5 % de celles de la parapharmacie à 19,6 %. En revanche, l’audit n’a pas, en principe, à s’appesantir sur le stock, puisque dans l’optique d’une cession, un inventaire sera fait.
Au total, que ce soit pour vendre son officine, pour passer en société, ou simplement pour se réorganiser lorsqu’on connaît des difficultés, l’audit est un bon outil pour connaître les points qui doivent être améliorés dans l’exploitation commerciale et les solutions que l’on peut apporter. À condition que l’audit soit de bonne qualité. Et donc, de choisir un auditeur spécialisé qui connaisse bien la profession. Ce n’est pas forcément le plus facile…
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin