Les élus de Saint-Jean-Brevelay (Morbihan) ont favorisé la création d'une maison médicale, devenue pôle de santé, avec quatre médecins, kiné, infirmières.
« La pharmacie ne projetait pas de déménager au départ du projet, en 2015 », rappelle Guenaël Robin, maire de la commune. Anne Cosson a depuis repris l'officine. « Avec 40 m2, la pharmacie n'est pas assez grande pour vacciner ou pour des entretiens, et n'est pas aux normes d'accessibilité », dit-elle. Elle veut donc transférer pour répondre aux nouvelles missions des pharmaciens, « pour une meilleure qualité de l'offre ». Un terrain étant disponible, elle entend se rapprocher des médecins, à 500 m de son actuel emplacement. « Nous sommes très favorables à ce rapprochement, devant travailler de plus en plus ensemble », soutient Aude Le Borgne, une des généralistes.
Mais le maire voit mal ce projet, arguant que les commerçants du centre bourg « ne sont pas du tout favorables » à voir partir la pharmacie. La commune de 2 700 habitants dispose de tout le commerce de proximité en centre-ville, et Guenaël Robin propose à Anne Cosson un terrain, de l'importance souhaitée, en centre-ville, mais… encore plus loin des médecins.
Transfert refusé
« Je ne suis pas le grand méchant qui veut tout croquer, mais lors de mon installation, en 2004, il y avait neuf médecins sur Friville, il n'en reste plus que cinq aujourd'hui, à 500 mètres de la pharmacie. L'ouverture de la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) à Woincourt, mettra mon officine à 3,5 km des médecins, la plus éloignée de tout le secteur », affirme Gérard Branlant, de la Pharmacie du Centre, à Friville-Escarbotin (Somme).
À l'ouest de ce département très agricole, le Vimeu est une exception historique. Louis XIV ayant accordé au Hollandais Josse Van Robais le privilège de tisser sur Abbeville, le Vimeu est devenu la capitale de la petite mécanique, fondant et usinant l'essentiel des serrures et des robinets français, et la quincaillerie de marine. Des centaines d'ateliers et d'usines, des milliers d'ouvriers se sont concentrés autour des « 3 F », les communes de Friville-Escarbotin (4 500 habitants), Fressenneville (2 200 habitants) et Feuquières (2 600 habitants). L'activité industrielle a décliné, l'habitat s'est « péri urbanisé », comme le commerce, la population a vieilli, comme les médecins. Des cinq médecins de Fressenneville, quatre exercent là depuis… 40 ans ! Chacune des trois communes avait sa maison médicale, mais la MSP est sur une quatrième.
« Le projet de MSP a d'emblée affirmé qu'il ne fallait pas déstabiliser le maillage territorial officinal, jugé le meilleur possible », rappelle Bernard Davergne, président de la Communauté de communes du Vimeu, porteur du projet MSP. Cette maison, d'un coût de 4 millions d'euros, ouvrira au printemps, avec vingt-quatre professionnels, moitié de médecins, et des kinés, dentiste, infirmières, etc.
Nicolas Thuilot, à Fressenneville, a triplé la superficie de son officine, à 100 m2, et l'a mise aux normes, « pour rester attractif et que les gens continuent de venir ». Les médecins quittent la commune, mais il escompte que la voiture restera nécessaire pour accéder à la MSP. L'agence régionale de santé (ARS) a aussi souligné « l'excellente répartition des pharmacies », par rapport à la population.
Gérard Branlant, qui voulait s'installer sur une zone commerciale, à 500 m de la MSP, dans un bâtiment de 900 m2 dont la moitié en surface de vente, s'est vu refuser le transfert par l'ARS. La Pharmacie du Centre a déjà multiplié sa surface, 200 m2 à ce jour, emploie trois assistants, dix salariés au total. « Le chiffre d'affaires dépend à 80 % des ordonnances, explique-t-il. Friville s'est développée vers la zone commerciale, est devenue une ville sans centre. On ne fait pas ses courses à pied. Une pharmacie doit rester près des médecins. On s'adapte aux circonstances, ou on s'affaiblit. »
À 28 ans, Clément Dumesnil a racheté la « petite » pharmacie de Woincourt (25 m2, 2 préparateurs). Il admet que la proximité de la MSP « sécurise ses remboursements », mais s'inquiète des projets en cours. « Je regarde, mais je ne veux pas mourir. »
Mise en danger
« Il fallait trouver un terrain de consensus, mais transférer une officine viendrait en contradiction avec le projet », estime Bernard Davergne. Syndicats et Ordre ne commentent pas la décision de l'ARS. « L'avenir n'est pas au médecin tout seul, observe Gérard Branlant, mais les pôles de santé mettent en danger des officines, et l'ARS répond que ce n'est pas un problème. »
« Il faut craindre que les officines qui ne peuvent pas se développer périclitent, et risquent de fermer », relève Philippe Chevalier, médecin à Saint-Jean-Brevelay. Ce qui ne profitera à personne.
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