Primes et intéressement à l'officine

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Publié le 09/05/2017
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Outils de gestion efficaces pour améliorer la productivité d'une entreprise, les primes et l'intéressement restent néanmoins délicats à manier. Pour valoriser les performances des collaborateurs et augmenter la productivité d'une entreprise, l'une des clefs consiste à structurer la rémunération. Sa modulation au moyen des primes et de l’intéressement est un acte de gestion important.
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Crédit photo : SPL/PHANIE

1 - Déjouez les pièges des primes

Les primes sur objectifs font partie des outils de gestion dont dispose le chef d’entreprise pour récompenser ses collaborateurs. De prime abord, ce levier est pertinent puisqu’il rémunère ponctuellement des bons résultats. Mais il présente aussi des faiblesses qui risquent de peser sur le management du pharmacien titulaire. Explications. « Si vous gratifiez un collaborateur et pas les autres, vous devez théoriquement être en mesure d’expliquer cet écart de traitement », prévient Olivier Delétoille, expert-comptable, cabinet AdequA. Dans un arrêt rendu le 6 mai 2015, la Cour de cassation a pour la première fois imposé des preuves d’objectivité et de transparence pour justifier l’exclusion d’un salarié d’un système de récompenses. Amené à s’expliquer devant les tribunaux, l’employeur s’est contenté d’évoquer « des résultats décevants et un manque de performances ». Faute d’éléments chiffrés et étayés, ses arguments n’ont pas convaincu les juges qui l’ont condamné à 3 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination. Moins clivantes, les primes collectives présentent l’avantage d’une répartition équitable entre chaque salarié, sans exception. Revers de la médaille, un tel système collectif de rémunération peut conduire à une démobilisation des salariés les plus impliqués, puisque tout le monde perçoit le même bonus. « En réalité cette formule est forcément inéquitable, les salariés ne travaillant forcément pas tous pareillement », nuance Olivier Delétoille. Autre inconvénient de poids, la répétition du versement d’une prime collective la transforme en usage, et donc en avantage acquis. Lors de son premier versement, l'équipe percevra ce « plus » comme une valorisation. Puis, cet effet s'estompera et, au fil du temps, la prime sera perçue comme un dû. Pérenne et acquise, la prime devient alors déconnectée des performances. Pour éviter cet écueil et ne pas s'enchaîner à l'obligation de verser chaque année une prime devenue un usage, il est important de varier son montant et la date de versement.

2 - Misez sur l’intéressement légal

Associer collectivement l’équipe à l'accroissement des résultats de l'entreprise tout en responsabilisant ses collaborateurs sur des objectifs concrets et des progrès à réaliser. Ce sont les effets vertueux de l’intéressement. Car c'est uniquement l'atteinte des objectifs préalablement définis qui déclenchera le versement des primes exonérées de toutes charges sociales, de la taxe sur les salaires, et déductibles du bénéfice imposable de l'entreprise. Pour cela, il est nécessaire de formaliser un accord d’intéressement conclu pour trois ans. L'accord permet ainsi de sensibiliser les salariés à la situation de l'entreprise, aux objectifs communs à atteindre, aux efforts collectifs à déployer, et aux progrès qui seront partagés. « Sa mise en place s’inscrit parmi l’ensemble des décisions opérationnelles de l’entreprise. Il faut faire preuve d’imagination, de pragmatisme et de pédagogie pour adapter les contrats en fonction de la taille, de la rentabilité, des objectifs de l’officine, de la compétence et de la maturité de l’équipe », explique Amaury Tierny, expert-comptable, cabinet AdequA. Dans les 15 jours suivant sa signature, l'accord doit être déposé auprès de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

3 - Osez l’intéressement non légal

Si l’intéressement légal procure des avantages financiers sous conditions, « il a l’inconvénient de basculer dans le « collectivisme » puisqu’il oblige le titulaire à verser à tout le monde la même somme, au prorata du temps de travail et/ou de la rémunération. Ce n’est pas le meilleur levier, surtout lorsque l’équipe s’étoffe en nombre », poursuit Olivier Delétoille. De plus, l’intéressement légal engage l’entreprise sur trois ans. « L’intéressement non légal est onéreux, chargé et soumis à l’impôt sur le revenu comme un salaire normal, mais laisse plus de liberté en autorisant le titulaire à répartir la prime globale en fonction de critères objectifs et subjectifs. Par exemple, le salarié est ponctuel, se rend disponible en période d’affluence (critères objectifs), n’envenime pas les situations difficiles ou ne les crée pas, s’exprime et remonte de manière positive les problèmes de la pharmacie (critères subjectifs). Ne pas donner à tout le monde la même chose est un acte managérial courageux. Autre avantage, il peut être mis en place pour un an seulement », souligne Amaury Tierny.

4 - Posez la bonne formule

La formule d'intéressement doit être simple et lisible par les salariés. Au-delà des objectifs individuels définis à l’occasion des entretiens individuels annuels, il est judicieux de définir des objectifs collectifs. Ceux-ci peuvent naturellement être financiers. « Mais la référence au chiffre d’affaires n’est pas adéquate. Celle relative à des objectifs de marge en valeur l’est déjà plus. Il est également possible de mettre en place un objectif en fonction de la rentabilité et d’y intéresser l’ensemble de l’équipe. Les chiffres de l’entreprise sont divulgués, mais pas tous. Ainsi, le titulaire pourra décider de déclencher un intéressement - légal ou non - au-delà d’un niveau de rentabilité à atteindre par référence à la performance commerciale et de gestion. À la différence de l’excédent brut d’exploitation, la performance commerciale et de gestion ne dévoile pas la rémunération et les charges sociales des titulaires », analyse Laurent Cassel, expert-comptable, cabinet AdequA. La formule ne risque pas de mettre en péril la société, car l’intéressement n’est déclenché que si la situation financière de l’entreprise le permet. C’est là tout le but d’une politique de rémunération judicieusement construite !

Fabienne Rizos-Vignal

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3349