Ils jettent l’éponge. Désertification médicale, mais aussi loyers décuplés et quartiers enclavés ont eu raison de l’enthousiasme de leurs débuts.
« Mes patients regrettent mes qualités d’accueil et d’écoute. Des valeurs auxquelles on ne peut pas attacher de prix », déclare Nicolas Cacot, alors qu’il s’apprête à fermer définitivement son officine de Cléder (Finistère), après onze ans de présence dans ce bourg de 3 833 habitants.
L'estimation du prix justement, Nicolas Cacot en a fait les frais. Peu de temps après le rachat de l’officine, il se rend compte que son chiffre d’affaires, annoncé à 1,6 million d’euros, atteint péniblement 1,2 million. Les investigations de son avocat lui confirment qu’il n’est pas le seul titulaire en France à avoir été abusé par des prédécesseurs peu scrupuleux.
On comprend alors que, dans ces conditions, il ait de plus en plus de mal à s’acquitter d’un loyer de 2 000 euros par mois. Et quand il propose au propriétaire de racheter les murs, le montant de l'acquisition est fixé à dix fois le loyer annuel. « J’en aurais eu jusqu’en 2023 », déclare le titulaire, âgé de 54 ans. Nicolas Cacot a bien songé à un regroupement avec un confrère de la commune. Sans succès. « Nous n’avons pas la même manière de travailler », note-t-il pudiquement. C'est donc à regret qu'il a restitué sa licence le 31 octobre. Ses trois collaboratrices, Aude, Audrey et Gwendoline, ont été reprises par son confrère.
Le piège de l'isolement
Au même âge, Philippe Cramer a lui aussi dû se résoudre à baisser définitivement le rideau. C’était le 25 juin dernier. Depuis le départ du médecin généraliste pour raison de santé, le titulaire de la pharmacie de la Fontaine à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne) voyait son chiffre d’affaires diminuer de 25 % tous les mois. « J’étais isolé, je n’avais pas d’avenir », se souvient-il. Et l’espoir de voir un nouveau médecin s’installer dans son quartier, quelque peu excentré, s’amenuisait en même temps que sa clientèle se réduisait.
De la centaine de patients qui fréquentaient l’officine chaque jour depuis vingt ans, il n'en restait plus qu’une cinquantaine, puis seulement une trentaine. Et c’est l’engrenage, le compte bancaire gelé et, finalement, la liquidation judiciaire prononcée. Par bonheur, Philippe Cramer retrouve rapidement un poste d’adjoint dans une autre officine de la commune. « Je suis bien tombé », concède-t-il.
Laurence Paquereau se réjouit, elle aussi, d’avoir retrouvé un emploi chez un confrère de Chambourcy. Cet été, elle a dû abandonner le quartier de l’Ermitage au Pecq (Yvelines) où elle était installée depuis quinze ans. Un quartier de HLM « en cul-de-sac » déserté peu à peu par tous ses commerces. « Je n’avais plus aucun espoir de capter une clientèle de passage. Il n’y avait plus rien de vivant », déplore-t-elle. Sa pharmacie n’a pas trouvé repreneur et c’est désormais l’épicier qui dépanne les clients, âgés ou handicapés, en se rendant plusieurs fois par semaine à la pharmacie située de l’autre côté de la ville (voir notre article du 3 novembre).
Rebondir à tout prix
Des pharmacies borgnes marquent désormais le paysage français. Toutefois, les croix ne s’éteignent pas seulement dans les banlieues ou dans les campagnes désertifiées. À Lens (Pas-de-Calais), c’est en plein centre-ville que celle de Claudine Wargnies a cessé de clignoter. « Le meilleur emplacement », reconnaît celle qui fut pendant treize années l’heureuse titulaire de la Pharmacie Principale. Mais le meilleur emplacement qui lui permet de doubler son chiffre d’affaires a aussi son revers. « Lorsque les loyers ont été déplafonnés, mon propriétaire a voulu quintupler le loyer avec un effet rétroactif sur cinq ans », dénonce-t-elle.
Pour ne pas perdre son emplacement, Claudine Wargnies achète sa tranquillité en acceptant une majoration. Cependant, les procédures judiciaires ne laissent pas intacte la santé de la pharmacienne. Cette période de tensions se solde par un burn-out. « L’arrivée d’une pharmacie low cost non loin de chez moi a été le coup de grâce. Ma clientèle a été divisée par deux, tandis que, en même temps, mon loyer triplait », explique-t-elle.
Celle qui souhaite « rester conforme à sa vision de la profession » finira par demander une liquidation, prononcée le 18 mars dernier. Aujourd’hui, elle repense avec émotion aux dernières semaines de ce mois de mars au cours desquelles les patients se succédaient pour lui témoigner leur reconnaissance.
Six mois plus tard, Claudine Wargnies ne regrette pas sa décision. Soignée par l’hypnose lors de son burn-out, elle vient d’achever une formation dans cette discipline qu'elle complète par un cycle de deux ans en nutrithérapie, à Bruxelles. Ces nouvelles compétences vont lui permettre d’accompagner une partie de son ancienne patientèle qui, déjà, fait appel à ses services. Différemment.
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