« J’AI VISITÉ plusieurs villes de France où cela se fait, et je me rendais compte d’une demande sur Lille. » Depuis le 28 septembre, Pierre Mélard, avec son associée Camille Dumetz, est l’homme par qui le scandale est arrivé dans le Nord : sa Grande Pharmacie des Halles, rue de Solferino, est ouverte 24 heures sur 24. En réaction, de nombreuses officines ont laissé leur croix allumée toute la nuit. Une réaction confraternelle que Pierre Mélard avoue « ne pas comprendre ».
Âgé de 34 ans, le pharmacien est arrivé à Lille en 2000, s’associant à un confrère « qui parlait déjà » de cette évolution. Associé depuis avec Camille Dumetz, il a racheté trois fonds de commerce voisins, investi 1,3 million d’euros de travaux pour agrandir la surface de vente de l’officine de 45 m2 à 210 m2, et recruté un assistant et deux préparateurs. Rouverte le 3 août, l’officine s’est lancée dans le non-stop fin septembre. « Sur une rue très passante, avec une forte vie nocturne, nous tenons porte ouverte jusqu’à 22 heures, puis par un sas avec caméra autorisée par la préfecture », précise Pierre Mélard. Qui ajoute répondre à une vraie attente de la clientèle puisque, le premier samedi, sur 55 personnes venues dans la nuit, « 25 avaient une vraie ordonnance ».
Respect du Code.
Côté syndical, c’est le tollé. « Il vient perturber un système de garde bien organisé, sans améliorer l’offre de santé publique qui était satisfaite », s’insurge Dominique Gaudet, président du syndicat du Nord. Le responsable a demandé rendez-vous au préfet. Il s’interroge sur le respect du Code de la santé publique, et de celui du travail. Son conseil syndical l’a commis pour toute action, y compris en justice. Dominique Gaudet craint surtout que la désorganisation du tour de garde (une dizaine de confrères auraient déjà confié leur tour à Pierre Mélard) entraîne une « désertification » officinale, en particulier dans les petites communes de la métropole urbaine.
Président de l’Ordre, Jean Arnoult se montre plus circonspect, ne voyant aucun interdit à cette ouverture, « si elle respecte le Code ». Il regrette cependant qu’elle « déstabilise un tour de garde bien organisé ». A fortiori, précise-t-il, alors que « les gardes viennent d’être doublées pour le risque d’épidémie ».
Il semble qu’une bataille s’engage autour de la notion « d’ouverture ». Le Code prévoit qu’un pharmacien doit tenir « ouverte » son officine le temps de son service. Accessoirement que le tour de garde est une obligation qu’on ne peut peut-être pas « donner ». Pour Dominique Gaudet, ouverture n’est pas sas : si Pierre Mélard se déclare ouvert, il doit l’être réellement.
Ce dernier cherche surtout à « ne pas mettre d’huile sur le feu ». Il voit ses collaborateurs (4 pharmaciens dont 2 assistants, 6 équivalents préparateurs, 1 conditionneur, 2,1 millions d’euros de chiffre « avant travaux ») « fiers de leur pharmacie, de même que les clients, en particulier les habitués. Nous avons à apporter à notre clientèle ce qu’elle demande », conclut-il. Il convient que toute cette polémique lui procure une sacrée publicité, mais il aimerait aussi qu’elle cesse.
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