À la Une

Les pharmacies mutualistes jouent leur survie

Par
Publié le 10/07/2017
Article réservé aux abonnés
Particulièrement exposées aux baisses de prix, les pharmacies mutualistes payent au prix fort la dissolution du tissu économique régional. Mais leurs initiatives visant la survie ne sont pas toujours du goût des pharmacies libérales dont le réseau est déjà fragilisé.
pharmacie mutualiste

pharmacie mutualiste
Crédit photo : Didier Doukhan

La pharmacie mutualiste de Maubeuge vivrait-elle ses dernières heures ? Elle connaît en tout cas des moments difficiles. Celle qui fut naguère le fleuron du modèle mutualiste, version officine, a été placée en procédure de sauvegarde le 15 mai dernier. Elle sera fixée sur son sort en fin d’année.

Ce n’est pas la première fois que cette pharmacie, reprise il y a quatre ans par Apreva, leader mutualiste du nord de la France, souffre de telles difficultés. Plans sociaux et plans de sauvegarde se sont succédé au rythme de la dissolution du tissu économique de cette région peu à peu désertée par les entreprises.

De fait, l’histoire de cet emblème local est intimement liée à celle des employeurs de la région et de leurs salariés, affiliés à la mutuelle, qui ont peu à peu abandonné la vallée Sambre-et-Meuse. « L’hémorragie au sein de notre pharmacie a commencé il y a trente ans environ, et de 300 emplois à l’époque, 47 seulement ont subsisté, et sont désormais menacés », constate avec amertume Jean-Luc Léonard, pharmacien adjoint depuis vingt-quatre ans.

Exposées aux baisses de prix

Maubeuge est le dernier avatar de la perte de vitesse de la pharmacie mutualiste en France. Au nombre de 72 dans les années 1980, elles ne sont plus que 51, réparties, du reste, de manière très inégale sur le territoire. Cette hétérogénéité est l’expression même des causes de leur déclin. L’extension à l’ensemble du réseau pharmaceutique du tiers payant, qui faisait toute leur attractivité en même temps que leur raison d’être, n’est qu’un élément de réponse. Les stratégies adoptées par les mutuelles sont, chacune à l’échelle régionale, l'autre raison de leur disparition.

Le groupe Apreva, par exemple, n’avait pas caché son intention de ne conserver que les activités optiques, audio et dentaires. Un plan qu’il a mis à exécution en 2016, en fermant la pharmacie mutualiste d’Anzin, à 40 kilomètres de Maubeuge.

Historiquement axées sur le médicament remboursé, les pharmacies mutualistes sont particulièrement exposées aux baisses de prix. Contraints à des obligations de rentabilité, les groupes de protection sociale ont dû trancher. « Compte tenu des autres priorités de développement, la Mutualité a dû faire un choix, la fermeture s’est imposée d’elle-même vue la chute rapide d’activité », expose Pascal Othaburu, directeur général de la Mutualité française Centre-Atlantique, au sujet de la fermeture de la pharmacie mutualiste de La Rochelle en 2013.

La localisation est l’autre talon d’Achille des pharmacies mutualistes situées pour 48 % d’entre elles dans les grandes villes et 35 % en zones urbaines. À La Rochelle, « dès 2006, des démarches avaient été entamées pour transférer la pharmacie mutualiste, se souvient Pascal Othaburu. En effet, sa situation initiale, dans l’hyper centre-ville depuis les années 1960, ne correspondait plus aux besoins des adhérents mutualistes ».

Des dynamiques locales

Or les contraintes administratives auxquelles elles sont soumises rendent tout transfert fastidieux (voir encadré). Par conséquent, ces pharmacies non comptabilisées au numerus clausus viennent en « surnombre » renforcer une concurrence dont elles font souvent les frais. La pharmacie de Saint-Nazaire y a succombé. Tout comme celles d’Aix-en-Provence et de Tourcoing.

Souvent marquées par leurs origines militantes, loin de toutes vocations commerciales, certaines pharmacies contraintes à la fermeture n’avaient pas privilégié leur emplacement. « Elles n’ont pu inscrire leur développement dans une dynamique nécessaire. D’autres ont manqué de proximité avec leurs adhérents et par conséquent n’ont pu continuer à bénéficier de la forte identification. Autant de facteurs de déstabilisation », explique Xavier Ardillon, directeur de la filière pharmacie de la Mutualité française Loire - Haute-Loire SSAM (Services de soins et d’accompagnement mutualistes).

La mutualité dénombre encore toutefois cinq pharmacies dans la Loire et la Haute-Loire (chiffre d’affaires moyen de 15 millions d’euros). Celles-ci ont su opérer le virage nécessaire sans pour autant renier leurs origines. Ainsi, poursuivant l’une des missions initiales des pharmacies mutualistes de santé publique (dépistage, prévention), les pharmacies de ces deux départements se sont dotées d’espace de confidentialité pour mener les entretiens de suivi des patients souffrant de pathologies chroniques. À l’avenir, l'accent sera mis sur la prise en charge cancérologique en ville. « Notre pharmacie de Saint-Étienne détient une cabine orthopédique, de 12 m2, spécialisée dans les prothèses mammaires, la plus grande de France, dans ce domaine, parmi les pharmacies mutualistes », ajoute Xavier Ardillon.

La méfiance des officinaux

Mais ces orientations, permises par des conseils d’administration ouverts aux évolutions, ne sont pas du goût de tous les pharmaciens. En témoignent les réactions de la profession lorsque la pharmacie mutualiste de Roanne a expérimenté sa cabine de téléconsultation. Un « contresens » pour l’URPS pharmaciens qui rappelle que les pharmacies mutualistes « ne participent pas à la permanence des soins et ne sont jamais implantées dans des zones désertifiées ». Tandis que Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), dénonce une installation qui est avant tout « un plan de communication » du fabricant et de la pharmacie mutualiste. Et qui parasite les négociations en cours avec l'agence régionale de santé (ARS) sur la mise en place des équipements de santé connectée dans des pharmacies isolées.

L’antagonisme entre les pharmacies mutualistes et les pharmaciens officinaux, vieux de plus d’un siècle, a décidément la vie dure.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3366