Le Quotidien du Pharmacien.- Lorsque l’on évoque les moyens humains dont a besoin une officine, les avis sont souvent partagés sur ce que serait l’équipe officinale idéale. D’après vos chiffres publiés récemment, quel est en ce domaine le profil de l’officine type ?
Philippe Becker.- La pharmacie standard de notre étude 2019 réalise un chiffre d’affaires de 1,569 million d’euros et emploie 4,7 salariés équivalents temps complet (hors titulaire ou associés). Toujours selon nos calculs, un salarié « produit » annuellement un chiffre d’affaires de 336 000 euros, soit une marge brute (toutes activités confondues) de 105 000 euros. Il s’agit, bien évidemment, d’une moyenne. Il est en effet judicieux de comparer ce qui est comparable en tenant compte de la localisation et du mode d’exercice (individuel ou en association). À titre d’exemple, les officines rurales avec plusieurs associés réalisent la meilleure performance de notre étude avec un ratio de productivité de 368 000 euros par salarié. Cela montre que chaque pharmacie a ses contraintes et qu’il est impossible de définir l’« officine idéale ».
Comment la productivité de la pharmacie standard a-t-elle évolué au cours des dix dernières années ?
Christian Nouvel.- En 2009, le ratio CA HT sur effectif salarié (hors titulaires) était de 302 000 euros, dix ans plus tard il est de 336 000 euros, soit une progression de 11 %, ou encore environ 1 % par an dans un contexte déflationniste sur le médicament remboursable et une concurrence accrue sur les produits OTC et parapharmacie. Pour remettre ces chiffres en perspective entre 1998 et 2008, la progression avait été de + 37 %, mais dans une conjoncture complètement différente !
Si le ratio frais de personnel reste à peu près stable (10,67 % contre 10,55 % en 2017), les salaires chargés augmentent plus vite que l’inflation, soit + 2.5 %. Quelle est votre analyse sur ce point ?
Philippe Becker.- Au-delà de l’effet mécanique du rattrapage de la revalorisation de la valeur du point (+1,6 % au 1er janvier 2018), il y a aussi de nouveau des tensions sur le personnel qualifié. Ajoutons que dans beaucoup d’officines les efforts de rationalisation ont très certainement atteint une limite, même avec l’utilisation du « temps partiel ». Il est donc fort probable que cette tendance perdure.
Est-ce inquiétant ?
Christian Nouvel.- Par forcément, s’il y a corrélation entre l’évolution annuelle de la marge brute et l’évolution des salaires ! Il faut avoir à l’esprit que les frais de personnel représentent 34 % de la marge brute moyenne en 2018 (31,37 % du CA HT). Ce chiffre est à peu près stable depuis 5 ans mais il ne faut pas qu’il se dégrade !
N’est-ce pourtant pas une certitude si les officinaux s’engagent vers les nouvelles missions qui sont par nature chronophages et nécessitent du personnel supplémentaire ?
Philippe Becker.- C’est le défi des prochaines années ! Normalement il ne devrait pas y avoir de dégradation si la rémunération de ces nouvelles missions est correcte par rapport à l’investissement ; il s’agit du personnel, mais aussi de la création d’espace de confidentialité, etc. Chacun a pu l’observer sur les 15 dernières années, lorsque les officinaux sont indemnisés de manière satisfaisante pour les efforts d’adaptation qu’ils doivent faire, cela fonctionne : la substitution générique en est un parfait exemple, la vaccination un autre.
Par conséquent, selon vous, si les nouvelles missions « plombent » le compte de résultat des officines, cela ne décollera pas !
Christian Nouvel.- C’est le risque et ce serait dommage car c’est une orientation indispensable qui peut apporter aux patients de la sécurité, aux pharmaciens une image positive et aux organismes de financement, des économies. Les nouvelles missions, nous l’avons souligné plusieurs fois, c’est quelque part aller vers un nouveau modèle économique pour offrir progressivement plus de services – cela touche à l’organisation de l’officine, à la formation des équipes et à la gestion financière. Ce n’est pas simple et facile à mener, donc il faut que le pharmacien y trouve sa contrepartie.
Philippe Becker.- Il faut aussi insister sur le fait que les pharmaciens peuvent désormais proposer des services en dehors du champ conventionnel ; il est évident que la tarification proposée devra intégrer le coût du personnel affecté à ces actions si le pharmacien ne veut pas détériorer ses résultats.
Ce qui ne sera pas toujours facile tant les patients ont été habitués à ne rien payer !
Christian Nouvel.- C’est vrai dans l’absolu ! Il y aura sans doute des efforts de communication à faire et les titulaires devront être innovants pour que les patients trouvent une valeur ajoutée à ces nouveaux services. Le « gratuit » était possible lorsque les marges étaient confortables et progressaient chaque année, aujourd’hui cela n’a plus de sens ! De plus le « gratuit » est d’une certaine façon dévalorisant pour celui qui exécute la tâche et sans importance pour celui qui la reçoit… C’est bien pour cela que nous parlons d’un changement de modèle économique !
* Étude Fiducial 2018 réalisée sur une population de 527 officines.
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