Un entretien avec Lucien Bennatan, président du groupe Pharmacie Référence

« Il est urgent de s'organiser pour défendre le modèle français »

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Publié le 16/11/2017
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Au lendemain du congrès du groupe Pharmacie Référence, son président Lucien Bennatan déclare au « Quotidien » qu'il est urgent de s'organiser pour préserver le modèle officinal français face à l'arrivée des fonds de pension et résister à l'offensive des chaînes.
Interview Bennatan

Interview Bennatan
Crédit photo : Didier Rodde

Le Quotidien du pharmacien.- À l’issue de ce 26e congrès, où en est le groupe Pharmacie Référence ?

Lucien Bennatan.- Fort de nos choix stratégiques, qui ont permis au groupe d’être économiquement rentable, de notre présence homogène sur l’ensemble du territoire, y compris Outre-mer, et de notre centaine de pharmacies sous enseigne, nous sommes sereins pour relever les défis qui attendent les pharmaciens. Trente ans après avoir vu le jour, le groupe pharmacie référence continue de porter des messages innovants pour l’ensemble de la profession. Il est évident que nous travaillons avant tout pour nos 1500 adhérents, que nous entendons porter vers l’avenir, mais en réfléchissant à la pharmacie du futur dans un système de santé bouleversé, nous sommes persuadés que nous contribuons aussi à tirer vers le haut tous nos confrères. Les adhérents de PRG sont d’ailleurs convaincus du bien-fondé de notre démarche puisqu’à l’issue de ce congrès ils nous ont confirmé vouloir aller encore plus loin dans la mise en œuvre de services différenciants et à mêmes de leur permettre de jouer pleinement leur rôle d’acteur de santé.

La greffe de l’enseigne semble toutefois avoir du mal à prendre ?

Je ne partage pas du tout votre analyse, puisqu’en l’espace de onze mois une cinquantaine de pharmacies sont passées sous enseigne et autant vont franchir cette étape dans les six mois à venir. Soit les deux tiers des 150 demandes qui nous ont été présentés il y a un an et demi. C’est donc la preuve que, dès le départ, l’enseigne Ma Pharmacie Référence a suscité un véritable engouement puisqu’en général les enseignes se satisfont d’une douzaine de magasins par an et que nous sommes à un rythme quatre fois plus rapide… Avec, à la clé, une enseigne très uniforme et des titulaires en phase avec les orientations du groupe. Nous sommes donc convaincus que l’objectif de 300 pharmacies sous enseigne en 2020 est parfaitement atteignable.

Cette évolution pourrait-elle être synonyme de rapprochement avec d’autres groupes ?

Tout dépend ce que vous entendez par rapprochement. Il n’est pas du tout exclu que nous développions des actions communes avec d’autres groupes, à l’instar de ce que nous avons déjà mis en place avec Pharmactiv et plus globalement avec l’OCP. Bien que nous recevions régulièrement des offres, comme encore la semaine dernière d’Univers pharmacie, il ne saurait en revanche être question de vendre notre groupe. Il ne faut en effet jamais perdre de vue qu’une fusion ou une acquisition doivent s’inscrire dans un cadre stratégique. Or la stratégie de Pharmacie Référence Groupe repose sur trois piliers : la visibilité, l’innovation permanente et l’agilité. Ils constituent l’ADN du groupe et justifient que nous préservions à la fois notre indépendance et notre mode de gouvernance. À charge dès lors à l’équipe dirigeante de trouver les moyens de financer notre développement ; mais sans jamais renoncer à notre liberté, et donc en refusant toute aliénation à quelque groupe financier que ce soit. Nous privilégierons une stratégie d’alliance avec d’autres groupements pour travailler sur les notions de services et d’achats avant de réfléchir à un éventuel renforcement capitalistique et ainsi résister à l’offensive des chaînes de pharmacies.

Que fait le groupe pour attirer les jeunes pharmaciens ?

Il est essentiel d’informer pour espérer convaincre. Aussi avons-nous tissé des liens étroits avec l’Association nationale des étudiants en pharmacie (ANEPF) afin de leur expliquer ce qu’est un groupement et d’attirer leur attention sur les dangers de certains développements capitalistiques, telles que les obligations convertibles. Nous réfléchissons également à l’opportunité d’intervenir dans certaines facultés pour apporter un éclairage sur l’évolution du marché officinal. Parallèlement, nous entendons informer les adjoints pour les inciter à franchir le pas de l’installation et les convaincre de l’intérêt d’adhérer à un groupement dynamique comme le nôtre. Cette stratégie semble d’ailleurs se révéler efficace puisque nous avons autant de jeunes adhérents que d’anciens. Mais nous n’entendons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers et avons donc mis en place, en partenariat avec Interfimo, un système de financement qui permettra aux jeunes confrères de s’installer sans être étranglés et sans s’aliéner. Cette offre, que nous avons appelée « Booster » leur permet ainsi de renforcer leur apport personnel et de bénéficier du cautionnement du groupe grâce à la holding financière que nous avons constituée.

Cette démarche ne relève-t-elle pas davantage de la chambre syndicale des groupements, dont vous êtes vice-président ?

Federgy rassemble des groupements qui ont fait le choix de l’enseigne et d’autres, plus classiques. C’est à la fois sa force et sa faiblesse, car certaines évolutions se trouvent aussitôt bloquées. Or l’arrivée de certains fonds de pension démontre bien qu’il est urgent de s’organiser pour préserver le modèle français de la distribution pharmaceutique. Avec d’autres dirigeants de la chambre syndicale, nous considérons donc qu’il faut désormais dépasser la problématique des achats et investir dans l’innovation pour construire la pharmacie de demain. C’est dans cette perspective que je vais proposer à Christian Grenier de travailler sur la mise en commun de moyens et de services afin de constituer un véritable cabinet pharmaceutique où la certification qualité aurait tout son sens. En attendant, le groupe que je préside continuera d’innover.

Propos recueillis par Stéphane Le Masson

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3389