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Convention : Revel s'explique

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Publié le 04/09/2017
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Nicolas Revel, directeur général de l'UNCAM explique dans le détail les objectifs et les moyens mis en œuvre dans l'avenant conventionnel signé cet été avec l'USPO. Un texte qui, selon lui, transforme l’économie officinale, protège les officines des effets des baisses de prix et valorise le pharmacien dans son rôle de professionnel de santé.
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Crédit photo : S. Toubon

Le Quotidien du Pharmacien. - Quels sont les objectifs du nouvel avenant conventionnel signé le 20 juillet avec l’USPO ?

Nicolas Revel. - L’avenant n° 11 répond aux objectifs que nous nous étions fixés à l’ouverture de cette négociation. À savoir, transformer la rémunération des officines pour moins les exposer aux effets économiques des baisses de prix, et mieux reconnaître la mission de professionnel de santé qu’exerce le pharmacien. Je pense que nous avons atteint ces deux objectifs dans le cadre de cet accord qui, de surcroît, introduit, pour la première fois, des éléments de rémunération supplémentaires apportés par l’assurance maladie et les complémentaires dans des proportions inédites. En effet, nous engageons pas moins de 280 millions d’euros sur trois ans. Au terme de cette période, nous ramènerons la part de la marge commerciale à environ 30 % du total des rémunérations perçues au titre de la dispensation. Ce que j’estime être un point d’équilibre satisfaisant. Nous diversifions la rémunération par l’introduction de nouveaux honoraires qui valorisent le rôle du pharmacien dans l’accompagnement de patients justifiant de dispensations complexes, que celles-ci soient liées à l’âge du patient ou à la nature des produits. Et nous introduisons des mécanismes très importants qui permettent de garantir à l’économie officinale en général, et à chacune des officines en particulier, que cette transformation de la rémunération fera globalement des gagnants grâce à un dispositif de compensation.

En résumé, c’est un avenant qui transforme l’économie officinale, protège les officines des effets des baisses de prix qui vont se prolonger dans les années à venir, valorise et reconnaît le pharmacien comme professionnel de santé.

Pour dissocier totalement la rémunération du pharmacien des volumes dispensés, l'honoraire à la boîte est-il voué à disparaître ?

Quand on travaille sur la structure de la rémunération, il faut savoir quel est l’objectif visé. Or, en l’espèce, il s’agissait d’abord de mettre à l’abri l’officine par rapport à des effets de prix plus qu’à des effets de volumes. Puis de donner du sens par rapport aux nouveaux éléments de rémunération créés (honoraire à l’ordonnance, honoraire en fonction de l’âge et pour les traitements spécifiques). Et enfin de mener une transformation qui ne déstabilise pas l’économie de l’officine. Dès lors que nous avons atteint cet objectif en préservant l’honoraire à la boîte, qui faisait partie du socle d’une réforme réussie, il n’y avait pas lieu de le supprimer. Maintenant, cette réforme nous allons la mettre en œuvre, mais aussi la suivre et l’évaluer. Ainsi, nous avons prévu des mécanismes d’observation pour pouvoir réagir au cas où la réalité des choses s’écartait de l’intention initiale.

Pourquoi avez-vous choisi de multiplier les types d’honoraires ?

Il est intéressant de disposer d’un éventail d’honoraires. Cela permet de reconnaître les diverses interventions du pharmacien. Il est important de considérer que toutes les ordonnances ne se valent pas. Certaines sont plus complexes que d’autres. Cela a beaucoup de sens et répond parfaitement à l’une des aspirations fortes de la profession : le cœur du métier du pharmacien doit être mieux reconnu. Je crois que nous avons trouvé là un équilibre que nous pourrons toujours ajuster plus tard. Mais je n’imagine pas qu’une prochaine étape puisse faire disparaître purement et simplement l’honoraire à la boîte.

Pouvez-vous nous décrire les différents mécanismes d’observation de la rémunération que vous évoquez ?

Il y a en effet dans le texte plusieurs clauses qui permettront d’ajuster les choses si cela s’avérait nécessaire. Il y a d’abord une clause de sauvegarde individuelle : toute officine qui observerait, à partir de 2019, une perte de rémunération globale liée à la dispensation de médicaments remboursables supérieure à 350 euros par rapport aux paramètres de marge de l’année 2017, à activité équivalente, percevra une compensation financière. Nous garantissons donc à chacune des officines du réseau que la transformation de la rémunération n’engendre pas de perte. Pourquoi cette clause ? Parce que selon les simulations que nous avons réalisées, et malgré l’investissement fort que nous prévoyons pour accompagner la réforme, nous observons entre 90 et 93 % de pharmacies gagnantes. A priori, on a donc un petit volant d’officines qui risqueraient de voir leur rémunération baisser. Pour que cette réforme soit acceptable, j’ai considéré qu’il était nécessaire de prévoir cette clause pour qu’aucune officine ne soit perdante.

De même, l’avenant prévoit deux clauses de suivi. Une première, qui se déclenchera en 2020, vise à vérifier que l’on ne s’est pas trompé sur les effets économiques de la réforme. La seconde clause est prévue en fin de période, en 2021. Il s’agira d’analyser comment les rémunérations relevant du champ de l’assurance maladie ont évolué, en considérant les effets des volumes, des prix, de la montée en charge des nouvelles missions et de la transformation de la rémunération liée à la dispensation. Si nous nous apercevions que cette rémunération globale évoluait négativement, une nouvelle négociation serait alors enclenchée dans les deux mois suivants. Ce dispositif est sans précédent. Au total, cet avenant comporte de vrais éléments de sécurisation de la profession.

Parmi les nouvelles missions, l’accompagnement des patients n’a pour l’heure pas rencontré le succès attendu. Qu’avez-vous modifié pour que cela change ?

Si le démarrage avait été satisfaisant, avec l’engagement d’environ 60 % des officines, la mécanique du dispositif, au-delà du montant de la rémunération annuelle, avait conduit une grande partie des pharmaciens à se désengager. Nous avons donc réfléchi, avec leurs représentants, à faire évoluer le dispositif. Cela s’est traduit par une revalorisation de l’entretien, et par une simplification des procédures. Au-delà des entretiens pharmaceutiques, le grand enjeu de l’année 2018 sera la mise en place du bilan de médication chez les personnes âgées. Son champ ne vise pas telle ou telle pathologie, mais tous les traitements au long cours de plus de 5 molécules, ce qui concerne potentiellement plus de 4 millions d’assurés. Le bilan doit permettre de réduire les risques iatrogéniques, particulièrement en sortie d’hospitalisation, mais aussi de favoriser une meilleure observance. Là encore, il faudra observer les choses dans la durée et ajuster si nécessaire. Ainsi, l’avenant prévoit que si la montée en charge n’était pas conforme à nos attentes, on revisiterait le modèle.

Concernant la substitution générique réalisée par les pharmaciens, y a-t-il selon vous une limite ?

Entre 2012 et 2017, nous avons connu une forte progression du taux de substitution. Mais cette évolution ne se prolongera plus au même rythme. J’entends que nous maintenions le dispositif d’incitation pour les pharmaciens. Car rester à un haut niveau de substitution nécessite de préserver une incitation financière pour la profession. Pour autant, les syndicats l’ont admis, il est difficile de maintenir un niveau de rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) d’environ 140 millions d’euros par an, alors même que le taux de substitution ne peut plus augmenter beaucoup. Notre logique est la suivante : à performance égale, la ROSP perçue par les pharmaciens aura vocation à s’ajuster à la baisse. Mais j’insiste sur le fait que ce taux peut encore progresser. Aujourd’hui, la substitution bute sur la question du non substituable qui a progressé de manière forte depuis la mise en place du dispositif tiers-payant contre génériques. En 2012, les mentions NS représentaient 3 % des prescriptions ; aujourd’hui, elles atteignent 8 %. L’utilisation du NS doit être ramenée à sa stricte dimension médicale. Un taux de 8 % n’a aucune justification. On ne peut s’y résoudre. D’autant que la France reste, malgré des progrès incontestables, très en-dessous des parts de marché du générique observées en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni.

Pour certains pharmaciens non-signataires de l'avenant, le compte n'y est pas. Ils estiment même que le réseau pourrait perdre en moyenne 80 millions d'euros par an sur les 5 années à venir. Que leur répondez-vous ?

D’abord, je regrette cette décision de non-signature car il me semble que nous avions répondu, dans cet avenant aux objectifs que nous nous étions fixés. Il est toujours légitime qu’un syndicat regrette que l’investissement ne soit pas à la hauteur de ses attentes, c’est le propre de toute négociation. Pour autant, cet avenant marque de vraies avancées. Il répond aux objectifs partagés par l’ensemble des syndicats sur la structure de la rémunération et les nouvelles missions. Il pose une vraie perspective nouvelle permettant à l’économie officinale de sortir de la zone de risque dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs années, et de s’investir très clairement sur des missions d’avenir. Cet accord comporte enfin un effort financier inédit, alors même que le contexte financier général de l’Assurance Maladie restera extrêmement contraint dans les prochaines années. Ma conviction est qu’avec ce texte, nous posons les conditions d’une nouvelle étape qui permettra de transformer, sécuriser et valoriser l’économie officinale.

Propos recueillis par Christophe Micas et Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3368