Le président actuel et le fondateur de l'ANEPF échangent

50 ans de combats pour l'avenir de la profession

Par
Publié le 28/06/2018
Article réservé aux abonnés
En 1968, Daniel Vion, tout jeune diplômé, fondait avec quelques copains l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France. Depuis, l'ANEPF a mené de nombreux et importants chantiers qui ont jalonné les évolutions du cursus universitaire, parmi lesquels la création des trois filières des études pharmaceutiques. Cinquante ans plus tard, Robin Ignasiak, à la tête de l'association, affronte d'autres défis et poursuit d'autres rêves, avec toujours en tête le désir d'animer l'ANEPF au bénéfice de ses confrères et de la profession. Pour mesurer le chemin parcouru et rendre hommage au travail accompli par l'association, nous avons organisé cet entretien croisé entre les deux présidents, le fondateur et l'actuel.
logo

logo

2 tetes

2 tetes
Crédit photo : dr

Le Quotidien du Pharmacien.- Pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte, il y a 50 ans, vous avez contribué à la création de l'ANEPF ?

Pr Daniel Vion*.- Sur le plan national il y avait alors deux organisations regroupant les étudiants en pharmacie : l’ONEP (Office national des étudiants en pharmacie) et l’UNEPF (Union nationale des étudiants en pharmacie de France). Chacun de ces organismes ne comptait que trois ou quatre corpos. L’ONEP dépendait à l’époque de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), qui était le grand syndicat étudiant, l’UNEPF étant, elle, affiliée à la FNEF (Fédération nationale des étudiants de France). En 1968, nous avons considéré qu’il serait préférable de réunir ces organisations en une seule. Alors que j’étais moi-même président de l’ONEP de Lille, j’ai pris mon bâton de pèlerin et j’ai visité quelques corpos pour réaliser cette fusion des associations. J’étais alors en fin d’études. J’ai été président fondateur de l’ANEPF et trois mois après, j’ai passé la main à mon successeur, Jean-Pierre Lépargneur, étudiant à Toulouse.

Robin, vous êtes l’actuel président de l’ANEPF. Quelles sont les principales raisons de votre engagement dans l’association ?

Robin Ignasiak.- Je me suis d’abord engagé au sein de l’association locale de ma faculté. Et, après en avoir été élu président, je me suis dit : pourquoi ne pas poursuivre l’aventure au niveau national ? J’avais suivi les dossiers pendant plusieurs années et j’avais la volonté de représenter l’ensemble des étudiants en pharmacie, de m’engager pour eux, avec une équipe, pour mener à bien différents projets qui, je l’espère, au cours de mon année de mandat, auront permis de faire avancer les études de pharmacie et, plus largement, la représentation étudiante.

En 1968, quels étaient les espoirs et les craintes des étudiants en pharmacie ?

Pr Daniel Vion.- En 1968, les étudiants en pharmacie étaient relativement sereins. Ils ne cultivaient aucune inquiétude quant à leur avenir professionnel. Le chômage ne concernait quasiment pas la profession. Les filières n’existaient pas encore. Les étudiants se destinaient alors majoritairement à l’officine, même si certains, par le biais de l’internat, envisageaient des carrières hospitalières ou de biologiste. Quelques-uns seulement, qui constituaient de plus ou moins grands groupes selon les facs, se préparaient à l’industrie pharmaceutique. À l’époque, les diplômés s’installaient assez vite, un an ou deux après le diplôme.

Quelles sont aujourd'hui les aspirations des futurs pharmaciens ?

Robin Ignasiak.- Les étudiants ont la volonté de donner à la pharmacie toute sa crédibilité en tant que profession de santé. Cela va d’ailleurs dans le même sens que les changements intervenus ces dernières années, avec notamment l’arrivée des entretiens pharmaceutiques, des bilans de médication, ou encore de la vaccination antigrippale à l’officine. Les étudiants aspirent à un exercice dans lequel ils peuvent s’épanouir. Ils souhaitent aussi pouvoir bénéficier d’une stabilité et d’une visibilité de leur métier à long terme. Les futurs pharmaciens sont aussi très attachés à la notion d’indépendance de la profession qui est pourtant régulièrement malmenée.

Quel est le souvenir le plus fort de votre mandat à la tête de l'ANEPF ?

Pr Daniel Vion.- Notre grande satisfaction a été de réussir la réforme des études. Cette réforme, qui était contenue dans un décret du 26 novembre 1962, s’est mise en place progressivement, année par année. En 1968, elle n’avait pas encore touché la cinquième et dernière année d’études, mais elle en approchait. Le décret prévoyait qu’il y aurait en 5e année d’étude 5 certificats à passer, mais l’ANEPF a préconisé de remplacer ces certificats par les trois options : « officine », « industrie » et « biologie ». Une préconisation née lors des États généraux de la pharmacie que nous avions tenus à Grenoble en concertation avec les enseignants. La création de cette 5e année à trois options a été entérinée en juin 1968 par le ministre de l’Éducation nationale d’alors, Edgar Faure.

Et vous, quelle a été la meilleure expérience de votre mandat ?

Robin Ignasiak.- Je ne sais pas si je peux la qualifier de meilleure, mais elle est certainement la plus marquante : ma rencontre avec la ministre de la Santé et de la Solidarité. J’ai en effet pu échanger avec Agnès Buzyn à deux reprises, une fois lors d’une réunion avec les autres fédérations étudiantes et une autre, à l’occasion d’un rendez-vous avec les représentants de la profession. C’est pendant ces moments-là que vous ressentez vraiment le poids des 20 000 étudiants en pharmacie que vous représentez sur vos épaules. On le sait, les 3-4 minutes dont on dispose pour exposer à la ministre nos revendications sur les études de pharmacie et l’avenir du métier de pharmaciens sont capitales. Mais c’est l’impression d’avoir été à chaque fois écouté par la ministre qui en fait un souvenir marquant.

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'organisation des études pharmaceutiques et ses évolutions ?

Pr Daniel Vion.- Sur le plan scientifique, les programmes ont été complètement rénovés, année après année. Les contenus des formations sont devenus beaucoup plus scientifiques. Quant à l’organisation elle-même, il faut rappeler que le concours de 1re année n’est apparu qu’en 1981, suite à la loi du 2 décembre 1979. J’étais professeur quand la PACES est arrivée. Personnellement, j’ai vécu cette évolution comme un hold-up des facs de médecine sur la 1re année de pharmacie.

Qu'aimeriez-vous voir changer dans le cursus des études pharmaceutiques ?

Robin Ignasiak.- Beaucoup de choses sont en bonne voie. Nous avons modifié cette année les 1er et 2e cycles de nos études, en concertation avec les doyens des facultés. Et nous arrivons à une version qui nous satisfait en grande partie. Dans le 1er cycle, nous avons, par exemple, réduit la durée du stage d’initiation officinale de 2e année de 6 à 4 semaines, et augmenté d’une semaine les stages d’application de 3e et 4e années. De la 2e à la 4e année des études, nous avons mis en place ce que l’on appelle le POP, le projet d’orientation professionnelle. S’il reste des choses à modifier, c’est plutôt sur la fin des études. Nous aimerions ainsi remanier le contenu du stage hospitalo-universitaire qui ferait davantage de place à la pharmacie clinique. Nous souhaitons aussi voir aboutir la réforme du 3e cycle des études de pharmacie avec la création d’un véritable statut d’interne en pharmacie d’officine, tout en maintenant la durée des études à 6 ans.

Quels conseils donneriez-vous aux futurs pharmaciens, quant à l'exercice de leur profession, mais aussi dans leur engagement associatif ?

Pr Daniel Vion.- La réponse est dans la question. Je leur conseillerais vivement de s’intéresser à l’organisation de la profession et à ses instances. Je les inviterais à participer activement aux syndicats, à l’Ordre et aux associations professionnelles. Je leur dirais également de croire en l’officine et en ce merveilleux métier de pharmacien. N’oubliez pas que les pharmaciens représentent dans la société une présence souvent sous-estimée. Il faut toutefois qu’ils se méfient de certaines dérives, tels les fonds d’investissement. Pour l’heure, la loi protège relativement l’indépendance des pharmaciens, mais ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. J’invite donc mes futurs confrères à un engagement volontaire, certes, mais vigilant…

Quels conseils donneriez-vous aux lycéens désireux de s'engager dans les études de pharmacie ?

Robin Ignasiak.- Déjà, de demander à suivre ses études dans la PACES située dans l’académie auquel appartient son lycée. Nous avons eu l’engagement de la conseillère santé de la ministre de l’Enseignement supérieur que ce choix serait validé. Le nouvel outil Parcoursup ne mentionne pas de prérequis pour la PACES, mais des attendus qui se veulent être informatifs afin que chaque lycéen sache ce qu’on attend de lui. Enfin, je leur dirais de ne pas se focaliser sur la filière médecine, de bien prendre le temps de considérer l’ensemble des filières proposées en PACES, et de s’intéresser, par exemple, aux débouchés innombrables que proposent les études de pharmacie.

* Daniel Vion, doyen honoraire à la faculté de pharmacie, est professeur en droit pharmaceutique, Lille 2.

Propos recueillis par Didier Doukhan et Christophe Micas

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3448