Le nouveau député La République en marche de la 4e circonscription de l'Aisne n'aura pas mis quatre mois pour fâcher une bonne partie de ses électeurs, dont ceux de sa propre ville, Cuffies. Marc Delatte, quoi qu'il en ait, a bel et bien fait de sa commune un désert médical, la première ville universitaire en France sans médecin. Laurence Levaux, pharmacienne à Cuffies annonce « 15 % d'actes en moins en quatre mois », et une pétition avait déjà réuni neuf cents signatures mi-septembre.
Cuffies est une petite cité-dortoir au nord de Soissons, dont le nouveau député était le dernier médecin. En troquant son stéthoscope pour une écharpe tricolore, c'est peu dire qu'il a laissé ses patients dans le désarroi. « Il nous a trahis », entend-on dans la pharmacie. La commune recense 1 800 habitants. Quand Laurence Levaux s'est installée, il y a trente ans, Cuffies comptait trois médecins généralistes, et Pommiers, à 4 km, un médecin. L'avant dernier médecin a pris sa retraite en 2015, et Marc Delatte a donc dévissé sa plaque fin juillet.
Les anciens locaux d'un centre de formation d'Électricité de France (EDF) sont aujourd'hui occupés par un Institut universitaire de technologie (IUT) et une antenne de la faculté des sciences et techniques d'activités physiques et sportives (STAPS) de l'université Jules Verne d'Amiens. Soit 400 étudiants s'ajoutant aux habitants. La commune abrite aussi le siège de la communauté d'agglomération.
De lourdes conséquences
Le départ du Dr Marc Delatte est lourd de conséquences. Ses patients sont dirigés vers les urgences de l'hôpital de Soissons. Comme beaucoup, Christophe Levaux, mari de la pharmacienne, a été prié par la CPAM de lui faire connaître le nom de son nouveau médecin traitant, qui conditionne le taux des remboursements. Les infirmières, dont le cabinet appartient à la SCI de Marc Delatte, ne voient plus pourquoi payer un loyer, dès lors que leur activité diminue faute de prescriptions.
Christophe Levaux a été avisé par Marc Delatte de sa cessation du fait que « son comptable jugeait une activité partielle peu rentable au regard des charges à payer ». Lorsqu'il s'est présenté à la députation, Marc Delatte avait promis de travailler à son cabinet une journée par semaine. Les habitants de Cuffies doivent maintenant se contenter d'un médecin à tiers-temps, à Crouy, une autre commune voisine. « Trois mille Soissonnais (sur 28 000 habitants) n'ont pas de médecin », précise Laurence Levaux. Un habitant a même porté plainte contre le sous-préfet pour inégalité de traitement.
En campagne
Laurence Levaux, épaulée par son mari et par Philippe Aubet, président de l'association Bien vivre à Cuffies, sont donc entrés en campagne. La pétition est destinée à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Plus que le cas de Marc Delatte, qui avait pourtant promis de lutter contre la désertification médicale, les pétitionnaires dénoncent la situation de leur région, pire encore de leur département. L'Aisne, selon l'Ordre des médecins, comptait 1 258 généralistes en 2007 ; il en restera 1 132 en 2020 (compte tenu des départs à la retraite). On y dénombre vingt et un départs pour onze installations. La France, précise ce rapport, compte 131 généralistes pour 100 000 habitants, la Picardie 122, l'Aisne 93.
Pour l'instant la pharmacienne tente de pallier l'absence de médecin. Elle tâche de comprendre les cas, sans apporter de diagnostic, pour aider les patients. « C'est beaucoup de temps passé, dit-elle, pour quelle marge ? »
Laurence Levaux et Philippe Aubet, avec l'aide du maire de Cuffies, vont rencontrer les élus du département. Ils veulent faire reconnaître leur ville comme zone à revitaliser, comptant sur les incidences fiscales pour attirer un médecin. « Maison ou pôle de santé, maison médicale, il nous faut une solution collective », affirment-ils, et qui prenne en compte la question des transports des personnes peu mobiles.
Marc Delatte n'a pas souhaité répondre à nos questions. Au second tour des législatives, il a obtenu 273 voix dans sa commune. La pétition pourrait lui en apporter un millier, mais pas dans le même sens.
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