JEAN-PIERRE, pharmacien titulaire dans une grande ville de province, vit depuis plusieurs années avec Sophie, sa deuxième épouse, avec laquelle il n’a pas eu d’enfants. Il a, en revanche, deux enfants issus d’une première union, aujourd’hui bien installés dans la vie. Il nous demande comment protéger sa seconde épouse sans trop léser ses enfants. Sa priorité : que celle-ci soit assurée, à son décès, de conserver au moins leur résidence principale, achetée à parts égales il y a plusieurs années et aujourd’hui estimée à 600 000 euros. Sachant que pour différentes raisons, les époux ne veulent pas modifier leur contrat de mariage (séparation de biens) pour une communauté universelle.
• La donation entre époux
Une première option simple à mettre en place pour Jean-Pierre et Sophie : la donation entre époux. En effet, la loi de 2001 (loi 2001-1135 du 3 décembre 2001) a certes considérablement amélioré la protection du conjoint dans la dévolution successorale, puisque ce dernier remonte dans l’ordre des successibles… mais dans le cas de Jean-Pierre et Sophie, la présence d’enfants d’un premier lit impacte les droits de Sophie. Sans les enfants issus du premier mariage de Jean-Pierre, Sophie aurait pu bénéficier, grâce à cette loi, de la qualité de réservataire dans certains cas et d’un droit de jouissance viager sur le logement et sur le mobilier. Et si Jean-Pierre et Sophie avaient eu des enfants en commun, Sophie, en tant que conjoint survivant, aurait bénéficié d’un quart en pleine propriété ou 100 % en usufruit sur la succession.
Dans notre cas, en l’absence d’enfants nés de cette nouvelle union et en présence d’enfants d’un premier lit, Sophie ne bénéficie plus que d’une seule option : le quart en pleine propriété sur la succession. Pour mieux la protéger, Jean-Pierre peut opter pour une donation entre époux (ou donation au dernier vivant) qui lui permet d’améliorer ses droits, sans payer de droits de succession le jour venu (sauf nouveaux changements législatifs) puisque le conjoint survivant en est actuellement totalement exonéré. Grâce à cette donation, Sophie peut recevoir au choix :
- 100 % en usufruit, ce que la loi ne prévoit que lorsque les enfants sont communs,
- ¾ en usufruit et ¼ en pleine propriété,
- la quotité disponible soit, en présence de 2 enfants, 1/3 en pleine propriété.
Les époux peuvent déterminer les biens qui composeront la part de Sophie pour éviter l’indivision avec les enfants de son mari sur des biens qu’ils ont déterminés par avance. Sophie, grâce à la donation au dernier vivant, à un choix plus large dans la dévolution successorale et notamment le droit d’utiliser et de jouir de l’ensemble des biens grâce à l’option 100 % usufruit. De cette manière, elle reste sûre de garder un toit, ou plus précisément la jouissance d’un toit.
En revanche, cette option laisse toujours planer le risque d’une mésentente future avec les beaux-enfants, par exemple à l’occasion de travaux que Sophie, en tant qu’usufruitière, peut juger nécessaires (changement des huisseries par exemple) mais que les enfants de Jean-Pierre, en tant que nus-propriétaires, ne veulent pas payer.
• La clause de préciput
Une solution techniquement plus aboutie consiste à modifier le régime matrimonial à travers les avantages matrimoniaux. Solution très protectrice du conjoint survivant, l’avantage matrimonial est un dispositif qui confère à l’un ou à l’autre des époux, sur un bien commun, plus que ce que la loi ne lui accorde normalement. Il n’est envisageable de mettre en place ce type d’avantage que sur un régime de communauté et que sur des biens communs (cet avantage ne peut donc pas concerner des biens propres reçus par donation, succession ou acquis avant le mariage pour les régimes de communauté ou des biens personnels ou indivis pour les régimes séparatistes). Dans un régime de séparation de biens comme celui de Jean-Pierre et Sophie, il reste néanmoins possible de bénéficier de ce type de clause en modifiant le régime matrimonial par l’adjonction d’une poche de communauté (aussi appelée une société d’acquêt).
À ce stade, deux options sont envisageables : à commencer par le prélèvement d’un ou plusieurs biens sur la succession par Sophie via une clause de préciput. Cette clause permet à l’époux survivant de prélever, avant tout partage, un bien commun déterminé sans indemnité. Il n’est pas considéré comme une donation au conjoint survivant et n’est donc pas pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire des enfants (quotité minimum qu’un héritier doit percevoir dans la succession). Ainsi, si Jean-Pierre veut s’assurer que Sophie garde leur résidence principale, il peut utiliser cette clause : Sophie pourrait ainsi préserver son lieu de vie, en dehors de toute fiscalité compte tenu d’une exonération des droits entre époux et de la particularité liée aux avantages matrimoniaux. Mais attention : aussi attractive qu’elle soit pour Sophie, cette clause doit être maniée avec précaution. En effet, les enfants de Jean-Pierre peuvent se sentir lésés, puisqu’ils n’hériteront pas de Sophie qui n’est pas leur mère… et peuvent voir d’un mauvais œil la « disparition » de la résidence principale du patrimoine de leur père, dont elle représente presque 50 %. En effet, le patrimoine de Jean-Pierre s’élève à 650 000 euros : 300 000 euros de résidence principale (la moitié de 600 000 euros), 250 000 euros de résidence secondaire et 100 000 euros de liquidités. C’est pour cette raison que la loi a institué une action (l’action en retranchement) permettant aux enfants de Jean-Pierre de reconstituer leur réserve héréditaire. Si les enfants décident de faire valoir leurs droits au décès de leur père Jean-Pierre et de mener une telle action, cela signifie que tout ce qui « dépasse » de ce que Sophie aurait reçu grâce à une donation entre époux est « retranché » de sa part : dans les chiffres, la quotité disponible à laquelle peut prétendre Sophie représente 1/3 de la succession (soit 1/3 x 650 000 euros = 216 666 euros). La moitié de la maison dépassant la valeur de la quotité disponible entre époux en présence de deux enfants, il y a donc un risque. Néanmoins, pour la paix des familles et la tranquillité de Jean-Pierre, il est possible que les enfants de Jean-Pierre renoncent à l’avance à exercer l’action en retranchement… sous réserve de respecter un certain formalisme (renonciation signée séparément par chaque renonçant en présence des seuls notaires, mentionnant précisément ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant, etc.).
• Prélèvement moyennant indemnité
Seconde option envisageable, qui risque moins de laisser un goût amer au sein de la famille : la clause de prélèvement moyennant indemnité. Comme la clause de préciput, elle n’est envisageable que sur des biens communs de Jean-Pierre et Sophie et nécessite qu’ils modifient leur régime matrimonial par l’adjonction d’une poche de communauté. Ces points réglés, la clause de prélèvement permet à Sophie de se faire attribuer un bien commun contre le paiement d’une indemnité. Ce prélèvement par le conjoint s’impute sur les droits de ce dernier dans la communauté : si la valeur du bien est inférieure à ses droits, alors il pourra prélever d’autres biens pour combler sa part ; si elle est supérieure, alors il devra indemniser ses héritiers (succession) de la différence. Dans le cas de Jean-Pierre et Sophie, l’idée est d’assurer Sophie de garder la maison principale, ce qui représente 300 000 euros sur la succession de Jean-Pierre, dépassant la quotité disponible entre époux qui s’élève à 216 666 euros. Sophie devra donc indemniser les deux enfants de Jean-Pierre de la différence, soit 83 333 euros. Cette clause de prélèvement revient donc en quelque sorte une « attribution préférentielle conventionnelle » qui a pour avantage de pacifier le partage. Sans pour autant favoriser financièrement Sophie, l’avantage de cette clause réside dans la garantie de bénéficier de la résidence principale. Reste à trouver les 83 333 euros…
• À associer avec une assurance-vie
En théorie simple dans sa mise en œuvre, l’assurance-vie déjoue les règles de la dévolution successorale légale et permet d’attribuer des sommes épargnées à un bénéficiaire désigné, qu’il soit héritier ou non. Le capital transmis est réputé n’avoir jamais fait partie du patrimoine du souscripteur, échappant donc en principe, à la succession. L’idée peut donc être, pour aider Sophie à indemniser les deux enfants pour la maison principale, de souscrire à une assurance-vie en sa faveur et d’y déposer de l’ordre de 25 000 euros qui viendront compléter les 55 000 euros qu’elle possède déjà à titre personnel. Pour une telle somme au regard du patrimoine de Jean-Pierre, il n’y a aucun risque de se voir reproché d’avoir utilisé ce produit pour évincer ses héritiers ou frauder ses créanciers, ni que l’on considère que les primes sont manifestement exagérées au regard des facultés du souscripteur.
Ainsi, afin de protéger son épouse, Jean-Pierre peut opter pour une clause de prélèvement contre le paiement d’une indemnité par Sophie à ses enfants issus de son premier mariage et souscrire un contrat d’assurance-vie pour aider cette dernière dans le paiement desdites indemnités, le jour venu. Il pourra y affecter 25 000 euros sans prendre le risque de faire subir à son épouse une action en prime manifestement exagérée.
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