Les chiffres viendraient-ils confirmer la stratégie adoptée par la convention pharmaceutique et l’avenant n° 11 de l’été 2017 ? S’il est encore trop tôt pour juger des effets de ce dernier, l’option qui consiste à décorreler la rémunération du pharmacien du prix des médicaments donne déjà les preuves de son efficacité. Tout au moins pour l’année 2017. Car, comme le démontrent les résultats publiés par l’enquête CGP*, après quatre années de déclin, l’économie de l’officine renoue avec la croissance pour le deuxième exercice consécutif.
L’officine peut aussi compter sur les honoraires de dispensation et les ROSP pour trouver un nouveau souffle. Ces deux sources de revenus apparaissent aujourd’hui comme des paramètres incontournables de l’économie officinale.
Une polarisation du marché
Toutefois, dans ce contexte, les disparités entre les typologies de pharmacie ne cessent de se creuser. La progression de l'activité profite ainsi, en 2017, essentiellement aux pharmacies dont le chiffre d’affaires se situe entre 2 et 2,5 millions d’euros. Deux autres catégories de pharmacies sont plus à la peine : celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 2,5 millions d’euros et celles dont l’activité est comprise entre 1,5 et 2 millions d’euros. En deçà de ce seuil, l’évolution est négative.
L’honoraire joue également un rôle différent selon le type d'officine. Les pharmacies implantées en zones urbaines et en zones rurales voient ainsi leur activité progresser, davantage même que les années précédentes, tandis qu’à l’inverse, les officines des gros bourgs se trouvent défavorisées, et ce, de manière disproportionnée, avec une inflexion de 2 % de leur chiffre d’affaires. Un recul de moindre importance est par ailleurs signalé sur les pharmacies des centres commerciaux dont le chiffre d’affaires ne progresse que de 0,5 %, contre 1,1 % en 2016.
Ce pouvoir amortisseur de l’honoraire se traduit également dans l’évolution de la marge brute. Car alors que la marge commerciale poursuit progressivement son déclin, de 24,97 % en 2015 à 24,11 % en 2016, puis à 24 % en 2017, la part revenant à l’honoraire de dispensation et à la ROSP ne cesse de croître pour atteindre désormais en moyenne 8,45 %, soit 154 900 euros par officine. Cette évolution permet de compenser et de dégager désormais une marge brute de 32,45 %, contre 29,24 % en 2014, année précédant l’introduction de l’honoraire.
Mais passés à la loupe, ces résultats font apparaître là aussi d’importantes disparités. Ainsi, le ratio volume des honoraires + ROSP/chiffre d’affaires est de 8,45 % en moyenne pour le marché de la pharmacie, soit celui des officines de 1 à 1,5 million d’euros de chiffre d'affaires. Un niveau qui semble donc confirmer les projections qui avaient accompagné la réforme de l’honoraire. En retour, ce ratio diminue graduellement en fonction du chiffre d’affaires pour ne plus atteindre que 7,37 % pour les officines de plus de 2,5 millions de chiffre d’affaires. Ces résultats permettent aux experts-comptables du réseau CGP de constater que « les honoraires de dispensation contribuent pour 27 % à une marge brute globale moyenne de 585 600 euros (579 500 euros en 2016) et à près de 40 % de la marge sur le médicament remboursable ». « Au regard de ces résultats, l'avenant n° 11 de la convention pharmaceutique devrait être favorable aux petites et moyennes pharmacies », estime même Joël Lecoeur, expert-comptable du cabinet LLA, membre du réseau CGP.
Penser regroupements et filialisation
Pourtant l’officine n’est pas hors de danger. Car si le volume en frais de personnel est aujourd’hui identique à celui de 2013 (équivalent à 10,66 % du chiffre d'affaires), il atteint 11,28 % dans les pharmacies avec un seul titulaire. Preuve du fragile équilibre économique de l’officine alors que ce ratio peut descendre à 9,63 % en présence de plusieurs titulaires.
Cette équation pointe une nouvelle fois la vulnérabilité des petites officines, comme le démontre Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre comptabilité conseil et président du réseau CGP. « À l'avenir, la pharmacie ne pourra maintenir son équilibre que si elle augmente son volume d'activité. Elle devra par conséquent augmenter sa masse salariale ce qui ne manquera pas de peser sur sa rentabilité », expose-t-il.
L'avenir du réseau officinal se lit également à l'aune de l'EBE (excédent brut d’exploitation). Or, autre bonne nouvelle, l’EBE renoue lui aussi en 2017 avec le niveau de 2013, soit 13 % du chiffre d’affaires, ou encore 238 000 euros en moyenne. Cet indicateur de rentabilité est d’autant plus pertinent pour mesurer la santé du réseau officinal qu’il influe sur la rémunération du titulaire.
Ainsi la rémunération nette moyenne du gérant équivalait en 2017 à 17,65 % de l’EBE, ou encore 42 100 euros. Cependant, la rémunération du titulaire peut varier du simple au triple, selon la taille de son officine. Ainsi les pharmaciens dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1 million d’euros, touchent 18 900 euros par an, soit 19,07 % de l’EBE et 2,27 % du chiffre d’affaires, tandis que leurs confrères dont l’officine atteint un volume d’activité entre 2 et 2,5 millions d’euros, perçoivent 59 700 euros, soit seulement 17,70 % de l’EBE, mais 2,43 % du chiffre d’affaires.
Ces chiffres ne sont pas à prendre à la légère car ils déterminent le degré d’attractivité de l’officine pour les jeunes sur un marché en pleine transition démographique. En effet, plus d’un tiers des titulaires est âgé de plus de 55 ans. Le multiple de l’EBE retenu pour valoriser une officine se situe aujourd’hui à 6,80 contre 6,83, il y a encore un an.
L'optimisme affiché par ces chiffres suffira-t-il à dynamiser un marché et à faciliter la transmission alors que l’apport personnel des primo accédants se réduit ? Les experts-comptables se montrent prudents. Il faut non seulement donner les moyens aux jeunes de s’installer, quitte à les soutenir par divers moyens (boosters d'apport, notamment), mais aussi pérenniser l’économie de l’officine. Il s’agit en effet de s’adapter à la mutation en cours alors que la part de la MDL passera de 62 %, actuellement, à 40 % à l’horizon 2020, selon les projections CGP (hors remise génériques et grossiste).
Ce changement de paradigme, qui verra la montée en puissance des honoraires au sein de l’économie officinale, n’en sera pas moins gourmand en besoins financiers. La pression économique ne se relâchera pas et il y a fort à parier que les petites officines ne pourront résister davantage à ce choc, prédisent les experts-comptables qui regrettent le barrage des pharmaciens contre la possibilité de créer des filiales et des établissements secondaires. « C'est une erreur stratégique », prédit Olivier Desplats. Il n'a toutefois pas renoncé à convaincre la profession, principalement les pharmaciens ruraux.
* Sur la base des bilans 2016-2017 d'un échantillon de 1 740 pharmacies dont 52 % d'un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 million d'euros, 75 % exploitées sous forme de sociétés de capitaux et 67 % par un seul titulaire.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin