Le Quotidien du pharmacien.- Quel bilan économique tirez-vous de la première année de la nouvelle rémunération issue de l’avenant n° 11 ?
Gilles Bonnefond.- Les chiffres de l’année complète ne sont pas encore définitifs. Ce que l’on peut dire déjà, c’est que le nouveau mode de rémunération mis en place au début de l’année 2018 a permis de stopper la terrible perte de marge qui avoisinait les 150 millions d’euros chaque année. La marge est désormais stabilisée : sur les 11 premiers mois de 2018, la perte s'élève à 190 euros par pharmacie, contre 6 600 euros auparavant. Et ce n’est qu’un début puisqu’avec l’arrivée des nouveaux honoraires, la réforme sera encore plus protectrice vis-à-vis des baisses de prix et permettra d’identifier le travail du pharmacien qui était jusque-là invisible. Les pouvoirs publics eux-mêmes jugent cette réforme « trop » favorable aux pharmaciens.
C’est ce qui explique, selon vous, la baisse de l’enveloppe allouée à la ROSP générique pour 2019 ?
Officiellement, l’assurance-maladie explique que la baisse de 25 millions d’euros du montant envisagé pour la ROSP générique est la conséquence d’un trop bon rendement de la ROSP 2017 lié à la forte implication des officinaux dans la substitution de la rosuvastatine. Mais ce n’est qu’un prétexte. La réalité, c’est que le ministère de la Santé et la direction de la Sécurité sociale ont poussé des cris d’orfraie lorsqu’ils se sont aperçus que l’avenant n° 11 avait rapporté 110 à 120 millions d’euros au réseau officinal plutôt que les 70 millions d’euros initialement attendus. Au lieu de 100 millions d’euros, la ROSP générique va donc passer à 75 millions d’euros. Au-delà, il y a un autre phénomène à prendre en considération : sans l’arrivée de nouveaux groupes génériques, les économies dégagées grâce à la substitution sont de plus en plus faibles en raison des baisses de prix, du rapprochement du prix du princeps de celui du générique, et d’un taux de substitution très élevé avoisinant les 88 %. Car le principe de la ROSP générique est simple : pharmaciens et assurance-maladie se partagent les économies supplémentaires enregistrées d’une année sur l’autre. Il est donc de plus en plus difficile de mettre 140 millions d’euros sur la table tous les ans.
Cette diminution de la ROSP est donc inéluctable ?
Non, car je plaide pour que les médicaments inhalés puissent être substitués le plus vite possible, comme le prévoit la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 qui met fin aux stratégies de protection des laboratoires. Le débat sur la substitution des biosimilaires doit également être enclenché. D’ailleurs, je suis en total désaccord avec le GEMME qui mise avant tout sur les médecins. C’est oublier un peu vite le rôle joué par les pharmaciens dans le développement des génériques.
Au-delà de la ROSP générique, d’autres primes sur objectifs existent. Les procédures de déclarations ont été simplifiées, notamment pour les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication. La ROSP « matériel de mise à jour des cartes Vitale » a été fortement revalorisée. N’oublions pas non plus que le tarif des gardes est passé de 175 à 190 euros cette année. Tout ceci n’aurait pas été possible sans la signature de l’avenant n° 11 par l'USPO. Pour nous, la prochaine étape est le débat sur la future loi santé.
Qu’attendez-vous de cette loi santé ?
Le temps presse car cette loi doit être votée au printemps. Dès à présent, nous nous mobilisons pour que la prévention, le dépistage, ou encore la préparation des doses à administrer (PDA), se fassent avec les pharmaciens. Nous souhaitons aussi que les officinaux jouent un rôle dans la prise en charge de soins non programmés, tels que la gastro ou le rhume. Et puis, nous devons aussi construire une stratégie autour des CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé. Mon objectif est que 100 % des pharmaciens participent à une CPTS. Cette loi va aussi permettre de réformer les études pharmaceutiques et de mettre fin à la PACES. En fait, cette loi santé est la mise en musique du plan « Ma santé 2022 » présenté en septembre dernier par le président de la République.
Une autre échéance arrive vite, celle de la sérialisation. Les pharmacies seront-elles prêtes pour le 9 février ?
Non, aucune pharmacie ne sera prête à cette date. D’ailleurs, aucun pays n’est réellement prêt. Il y aura de toute façon une période de montée en charge, notamment parce qu’une partie des stocks des officines n’est pas enregistrée et que la codification par les industriels n’est pas complètement opérationnelle. Quoi qu’il en soit, la façon dont la sérialisation peut être réalisée dans les officines devrait être plus intelligente et moins pénalisante pour les pharmaciens. Imaginez que la boîte que je viens de scanner au comptoir, en face de mon patient, soit rejetée par le système. Le malade va se demander pourquoi je ne lui délivre pas cette boîte. Si je lui réponds « parce qu’elle est peut-être contrefaite », je ne suis pas sûr qu’il revienne de sitôt dans mon officine… Pour nous, la sérialisation doit donc être gérée dans le « back-office », au moment de la réception des commandes.
Quelles sont les autres nouvelles missions à venir pour 2019 ?
L’élaboration de l’avenant sur l’accompagnement des patients sous chimiothérapie a pris un peu de retard, mais il devrait voir le jour à la fin de l’année 2019. C’est un petit peu plus compliqué que prévu car les protocoles sont complexes. Nous essayons de les simplifier et il nous faut encore la validation de la HAS et de l’INCa. Ensuite, nous allons aborder le sujet de la PDA une fois les bonnes pratiques publiées, la dispensation à domicile, et la généralisation de la vaccination contre la grippe à l’officine. Nous devons, entre autres, nous mettre d’accord avec l’assurance-maladie sur la codification de cet acte et sur sa facturation. Nous ne voulons pas d’une ROSP pour la vaccination mais un paiement au fil de l'eau avec le règlement des FSE, c'est-à-dire dans un délai de trois jours.
En fait, ce que nous sommes en train de mener, grâce à l’avenant n° 11, c'est une réforme en profondeur du métier, tout en stabilisant l’économie des entreprises et en dégageant de la croissance avec les entretiens et tout ce qui va relever de la prévention. Nous avons clairement choisi le camp du patient et pas celui du commerce. En moins de deux ans, nous avons rattrapé 10 ans de retard et ouvert des perspectives aux jeunes générations, leur permettant de considérer de nouveau l’officine comme une filière attractive.
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