Pour tirer profit du trafic généré par leur officine, les pharmaciens sont invités à résoudre une nouvelle équation. À raison de 200 patients jour et sachant qu’environ deux tiers de la population portent des lunettes (97 % chez les plus de soixante ans), combien de clients potentiels une officine peut-elle recruter pour son espace optique ?
Alain Héry et Alain Guyot-Sionnest, fondateurs de la société Zoom +, qui proposent ce petit calcul, se sont appuyés sur ce raisonnement pour concevoir un espace dédié à l’optique en pharmacie et doté d’un opticien salarié de l’officine. « Face au point de vente traditionnel qui ne vend, en moyenne, que deux ou trois paires de lunettes par jour, l’officine apparaît comme le réseau de distribution le plus performant car elle génère naturellement du trafic et de la fidélisation », constatent ces deux anciens managers d'Essilor, numéro un mondial de l’optique.
Alors que la vente de lunettes sur Internet a rapidement démontré ses limites en France, notamment en raison du tiers payant, l’espace optique en officine apporte une solution au consommateur en même temps qu’un nouvel axe de développement à l’officine. Une marge de 55 % à 60 % lui est garantie (1). Moyennant un investissement d’environ 50 000 euros (aménagement de l’espace de 10 à 12 m2, équipement d’examen de la vue) et un coût de fonctionnement de 1 000 euros par mois, le pharmacien peut développer un nouveau service en cohérence avec son rôle de professionnel de santé.
Domaine frontière
C’est cette raison qui a poussé Jean-Jacques Des Moutis et Angela Groscolas, titulaire à Freneuse (Yvelines) à implanter, en 2014, un espace optique Zoom + dans leur officine. « Ce service supplémentaire, très proche du monde médical est en totale cohérence avec nos domaines actuels. C’est, de plus, un levier de croissance via un domaine frontière que la législation nous permet de développer », exposent-ils.
Zoom + s’est inspiré de cette première coopération pour ajuster son offre à un référencement de 600 montures et des verres fabriqués par le Bavarois Rodenstock. Gilbert Julia, titulaire de la pharmacie des Vallées, à Loures-Barousse (Hautes-Pyrénées), sera prochainement le deuxième pharmacien à accueillir Zoom + au sein de son officine.
L’arrivée de cette nouvelle activité est comme une évidence pour ce pharmacien aux confins de deux vallées. « Cela fait trente ans que les gens m’amènent leurs lunettes pour réparer une branche, serrer une vis, changer un verre… car pour les personnes des villages du haut de la vallée, le premier opticien est à trois quarts d’heure de route Ce n’est donc pas un nouveau corner de plus que nous nous apprêtons à lancer, mais bel et bien un nouveau service qui, avec le soutien de l’opticien, va nous permettre de répondre efficacement aux besoins de la population locale, relativement isolée », décrit-il.
Un service intégré
En effet, Zoom + n’est pas un shop in shop mais se veut un nouveau service intégré à l’officine. Au même titre que l’opticien, certes recruté par Zoom + qui assure sa formation continue, mais qui est avant tout un salarié à part entière de l’équipe officinale (2). En retour, comme l’indique Alain Héry, l’opticien devra adopter une posture proactive pour présenter l’offre aux clients pouvant être désorientés par ce nouveau service.
De même, les fondateurs de Zoom + assurent que le pharmacien ne sera pas laissé seul face à cette nouvelle diversification. La société qui prélève une marge inférieure à 10 % du chiffre d’affaires réalisés sur l’activité, apporte, dans le cadre d’un contrat de coopération (3), son expertise ainsi que son soutien logistique.
Zoom + vise une vingtaine de partenariats d’ici à la fin de l’année. « Toutes les officines ne se prêtent pas à un espace optique. Il faut au minimum un flux de 200 patients jour, soit un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros, et une zone de chalandise offrant un potentiel de développement de cette activité », précise-t-il, estimant que 5 % des pharmacies sont concernées.
Toutefois, alors qu’il y a en France deux fois plus de pharmacies que de magasins d’optique, les officinaux développant cette activité ne risquent-ils pas, au niveau local, de s’attirer l’animosité des opticiens ? Un faux problème pour Alain Héry. Car, selon lui, le pharmacien qui se dit professionnel de santé ne peut pas refuser de se diversifier dans un domaine tout à fait légitime. De plus, ajoute-t-il, le titulaire n’intervient pas en tant qu’expert de l’optique, mais bien en tant que manager d’un ensemble d’activités.
(1) Le prix moyen d'un équipement en verres progressifs est de 597 euros.
(2) Rémunération équivalant au coefficient 300 de la grille des salaires en pharmacie.
(3) Durée de sept ans.
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