L’officine est à la croisée des chemins. On le voit, l’économie est en berne et de nouvelles sources de rémunération doivent être exploitées. Car celle liée aux médicaments sur ordonnance se réduit comme peau de chagrin. La faute à la maîtrise des dépenses de santé qui a pesé sur l’évolution de la performance des acteurs du marché pharmaceutique et notamment des distributeurs, qu’il s’agisse des grossistes-répartiteurs, des dépositaires ou des officinaux, comme le souligne une récente étude menée par la société Smart Pharma Consulting.
Dans l’Hexagone, les pouvoirs publics ont engagé, depuis de nombreuses années, une politique de baisses de prix des spécialités pharmaceutiques remboursables qui devrait se poursuivre encore longtemps. En effet, « il s’agit d’une variable d’ajustement techniquement facile à mettre en place et politiquement bien acceptée par l’opinion publique », souligne le président de Smart Pharma Consulting, Jean-Michel Peny. Parallèlement, ajoute-t-il, « la crise économique de ces dernières années tend à freiner les achats de produits non remboursés vendus en pharmacie et à rendre les consommateurs davantage sensibles aux prix pratiqués ».
Les prévisions pour les prochaines années ne sont pas particulièrement encourageantes. « D’ici à la fin 2020, les médicaments (remboursés ou non) vendus à l’officine devraient croître de seulement 1 % par an, compte tenu notamment des baisses de prix qui continueront à être imposées », prévoit Jean-Michel Peny, tandis que la marge brute des officines devrait baisser de façon conséquente. Le président de Smart Pharma Consulting résume : « La contribution financière des produits remboursés à l’économie de l’officine devrait diminuer et les pharmaciens n’auront pas d’autre choix que de dynamiser les autres segments de leur activité. »
Une restructuration du réseau
Plus généralement, Jean-Michel Peny prône différentes solutions pour donner un nouveau souffle à l’économie officinale : augmenter les ventes des médicaments non remboursables (commerce en ligne, libre accès, conseil pharmaceutique) et le « hors médicaments » (compléments alimentaires, contention, pansements) ; étendre les services rémunérés (dispensation à domicile, entretiens pharmaceutiques, approvisionnement des EHPAD) ; professionnaliser et optimiser les achats ; améliorer la gestion des points de vente. Il mise aussi sur la rationalisation du réseau via les regroupements.
Selon lui, cette réduction du nombre d’officines permettrait d’augmenter le chiffre d’affaires moyen des pharmacies, de mieux absorber leurs coûts de gestion et de structure, et d’éviter les effets négatifs d’une trop forte concurrence dans certaines zones de chalandise. Sans pour autant avoir des conséquences néfastes sur le service aux patients.
« D’ici à 2020, le réseau ne devrait plus compter que 21 500 officines, du fait d’un nombre de fermetures annuelles d’environ 175 pharmacies (soit moins de 1 % par an). Ce qui n’aura pas d’impact significatif sur la qualité du maillage officinal », assure ainsi le président de Smart Pharma Consulting.
Le monopole menacé
En revanche, il ne voit pas dans l’ouverture du capital des officines une solution pour restructurer le réseau. « Le gouvernement pourrait, d’ici à 2020, autoriser l’ouverture du capital des officines à des non-pharmaciens, rendant possible la constitution de chaînes comme il en existe en Angleterre, envisage-t-il. Mais cela aura peu ou pas d’impact structurel sur le réseau officinal global. La constitution de chaînes intégrées d’officines est un processus très lent. L’impact est essentiellement capitalistique. »
Toutefois, Jean-Michel Peny ne semble pas trop croire en cette option. Il rappelle que le gouvernement français actuel est opposé à l’ouverture du capital des officines françaises et que, au niveau européen, la décision d’ouvrir ou non le capital des pharmacies est laissée à l’appréciation de chaque État membre. Personne ne paraît non plus enclin à revoir les règles de répartition démo-géographique des officines.
Au final, le pilier le plus menacé est, à ses yeux, le monopole de dispensation des médicaments de prescription facultative, notamment sous la pression de la grande distribution. « Le monopole est également remis en cause par l’autorité de la concurrence et l’Inspection générale des finances, relève Jean-Michel Peny. La vente en ligne représente aussi un début d’effritement, mais à ce jour, encore bien modeste. »
Malgré ce constat quelque peu morose, le président de Smart Pharma Consulting reste malgré tout confiant dans l’avenir de la pharmacie d’officine, à condition que « les pharmaciens démontrent, bien mieux qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent, la valeur unique apportée par les officines, en termes de santé publique ». Il conclut : « Il faut faire de chaque officine un "centre de proximité de mieux-être" au service des citoyens, où ces derniers trouveront une offre de produits et de services élargis et de qualité incomparable. Ils n’ont pas d’autres options que de tenter de sortir par le haut. »
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