FAVORISER la titularisation des adjoints est, depuis de nombreuses années, un des grands enjeux de la profession. Mais, faute sans doute de renouvellement des perspectives de carrière des adjoints, faute aussi pour ces derniers de disposer de moyens suffisants face à des valorisations de pharmacies toujours élevées, la situation n’évolue guère. De nombreux adjoints ne peuvent toujours pas s’installer car ils ne disposent pas de l’apport personnel nécessaire, et de nombreux autres également ne veulent pas le faire, souvent par choix personnel.
Or les choses pourraient peut-être changer, depuis la parution du décret du 4 juin 2013 sur les holdings de pharmacie, autrement dit les SPFPL (voir également à ce sujet notre dossier spécial économie dans ce numéro). Ce décret autorise en effet les adjoints, désormais, à participer au capital de ces sociétés. « Faire entrer un adjoint dans le capital, c’est un moyen de le motiver davantage, de lui confier des tâches un peu différentes, de nouvelles responsabilités, ou de le tester. Il est important pour un titulaire d’associer un adjoint, dont il est satisfait, à la vie de l’officine », fait remarquer Patrick Bordas, expert-comptable associé chez KPMG, responsable du secteur Pharmaciens et professionnels de la santé.
Mais, bien entendu, les SPFPL ne vont sans doute pas, comme par miracle, fournir un nouveau vivier d’adjoints souhaitant s’installer. « D’autant plus que, au moment de l’entrée au capital, deux difficultés doivent être résolues, poursuit Patrick Bordas : d’abord, il faut prévoir une décote sur le prix des titres pour que l’opération soit intéressante pour l’adjoint. C’est ce qui se pratique habituellement dans d’autres professions libérales lorsque l’on veut conserver un collaborateur. Et il faut aussi prévoir ensuite les conditions de sortie et rédiger un pacte d’actionnaires qui stipule, si l’adjoint vient à quitter l’officine, qu’il devra céder ses parts. »
L’ouverture du capital des SPFPL aux adjoints, en tout cas, ouvre une troisième voie à ces derniers, puisque, jusqu’à présent, ils ne pouvaient être, dans une société d’exercice libéral (SEL), que salariés ou cotitulaires. Il faut noter aussi qu’il n’y a ni minimum ni maximum de participation d’un adjoint à la SPFPL, alors que, pour devenir cotitulaire dans une SEL, l’intéressé doit détenir au moins 5 % du capital.
Mais si la titularisation passe le plus souvent, aujourd’hui, par l’exercice en société, ce n’est pas le seul cas de figure possible. En pratique, lorsqu’un adjoint veut acquérir l’officine de son titulaire, il peut s’agir d’une pharmacie en exploitation individuelle, en société à l’IS, ou en société à l’impôt sur le revenu. D’un point de vue fiscal et financier, les approches ne sont pas du tout les mêmes.
S’installer en nom propre.
Acquérir directement le fonds de commerce de l’officine en nom propre est sans doute le plus difficile et, à terme, le moins avantageux. C’est peut-être aussi l’opération la plus coûteuse puisque, pour une officine faisant un minimum d’un million d’euros de chiffre d’affaires et valorisée à 80 % de ce montant, il faut disposer d’un apport personnel d’au moins 20 ou 25 %, soit 160 000 ou 200 000 euros. C’est pourquoi il est en général plus abordable financièrement d’acquérir une officine exploitée à plusieurs. L’avantage fiscal de la formule de l’acquisition en nom personnel, en revanche, est de pouvoir déduire du bénéfice les intérêts de l’emprunt servant à l’acquisition.
Pour Me Thomas Crochet, avocat fiscaliste au barreau de Toulouse et spécialiste des structures d’exercice des professions libérales, « dans une telle hypothèse, l’adjoint qui va s’installer ne doit pas hésiter à constituer une société assujettie à l’impôt sur les sociétés afin de bénéficier d’une fiscalité plus favorable dans le cadre du remboursement de son emprunt. Sur le choix de la forme sociale, il a été à un moment préférable d’opter pour la constitution d’une EURL, dont les dividendes n’étaient pas assujettis aux cotisations sociales. Mais ce n’est plus le cas, et le choix de constituer une SELARL unipersonnelle (ou SELEURL) est désormais préférable. Cette forme sociale offre en effet des perspectives d’évolution bien plus importantes puisqu’elle permet l’entrée au sein du capital de pharmaciens investisseurs, ainsi que le recours aux SPFPL ».
Acheter les parts d’une SEL.
Second cas de figure, de plus en plus fréquent celui-ci : l’adjoint acquiert les parts de l’officine exploitée en SEL (ou éventuellement en SARL). La situation est ici plus complexe, l’adjoint ayant plusieurs possibilités pour concrétiser cette opération.
La première est d’acquérir les parts de la société à titre personnel. C’est l’option la plus simple, mais aussi la moins avantageuse sur le plan fiscal. En effet, l’emprunt souscrit par l’adjoint sera remboursé avec des revenus qui auront préalablement été assujettis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales obligatoires. De plus, l’adjoint ne pourra pas bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu calculée sur les intérêts versés, cet avantage ayant été supprimé.
En outre, les intérêts de l’emprunt ne seront même pas déductibles en totalité : ils ne pourront être déduits que sur la part de l’emprunt qui n’excède pas le triple de la rémunération nette annuelle de l’adjoint. De plus, si l’achat des parts est financé à la fois par un apport personnel et par un emprunt, la fraction déductible des intérêts sera calculée en prenant en compte non pas le seul montant de l’emprunt, mais le prix total d’acquisition, ce qui est encore moins avantageux. Il n’y a donc pas intérêt, aujourd’hui, à acquérir directement et personnellement les parts d’une société à l’IS.
« Une autre solution consiste alors à acquérir une petite fraction des parts de la SEL ou de la SARL, puis de faire racheter les parts de l’ancien titulaire par la société, qui réduira en conséquence son capital. En pratique, cette méthode permet de faire supporter l’emprunt par la société plutôt que par l’acquéreur personne physique ; elle est donc nettement plus intéressante sur le plan fiscal pour l’acquéreur », explique Me Thomas Crochet.
« Pour le titulaire cédant, cette solution est, au contraire, moins intéressante, puisqu’elle génère des prélèvements obligatoires plus importants, notamment si le cédant fait valoir ses droits à la retraite : il se retrouve alors privé de l’exonération de sa plus-value, ce qui rend cette option inenvisageable. Si, en revanche, le cédant ne peut pas bénéficier de cette exonération de la plus-value pour départ à la retraite, alors le surcoût induit par la réduction de capital par rapport à une cession pure et simple est moindre, ce qui peut conduire à une négociation du prix de vente qui servira de variable d’ajustement permettant aux deux parties de concilier leurs intérêts », poursuit l’avocat fiscaliste.
Utiliser la SPFPL.
Troisième hypothèse, qui va devenir de plus en plus courante : constituer une société de participations financières de profession libérale (SPFPL) pour acquérir les parts du titulaire.
Dans le cas d’un adjoint reprenant l’officine, cette solution permet au cédant de bénéficier de l’exonération de la plus-value pour départ en retraite - s’il en remplit les conditions - et à l’acquéreur de placer l’opération sous le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés.
En effet, l’acquisition des parts d’une SEL par le biais d’une SPFPL permet de déduire la totalité des intérêts d’emprunt, ces intérêts étant par ailleurs payés par les dividendes versés par la SEL. Grâce à l’option fiscale du régime « mère-fille », la SPFPL est, en outre, exonérée d’impôt sur les sociétés (IS) sur les dividendes reçus de la SEL filiale, à l’exception d’une quote-part de frais et charges calculée forfaitairement au taux de 5 %. En pratique, le taux d’imposition effectif de ces dividendes n’est donc que de 1,67 % (5 % x IS à 33,33 %). Pour que ce dispositif s’applique, il suffit que la société-mère (SPFPL) détienne au moins 5 % du capital de la SEL filiale depuis au moins deux ans.
Le régime mère-fille permet ainsi de bénéficier d’une quasi-franchise fiscale sur les dividendes versés par la filiale à la mère, et de rembourser les intérêts de l’emprunt contracté pour l’acquisition de la SEL grâce à ces dividendes, avec un revenu exonéré d’impôt presque en totalité.
Ces avantages fiscaux plaident incontestablement en faveur des SPFPL pour la reprise et la transmission des officines aux adjoints, mais aussi, plus largement, aux pharmaciens repreneurs ou investisseurs. À moyen terme, les holdings devraient donc fluidifier un peu le marché des transactions d’officines, aujourd’hui bloqué par des valorisations trop fortes par rapport aux rentabilités, par un accès au crédit devenu plus difficile, et par une fiscalité souvent pénalisante.
Mais, à condition toutefois que plusieurs problèmes encore en suspens soient réglés, comme celui, notamment, des garanties qu’une SPFPL peut donner à la banque pour son emprunt. En effet, si avec une SPFPL, une société-mère peut donner en garantie à la banque les titres de la société-fille qu’elle détient, elle ne peut normalement pas offrir un nantissement du fonds de commerce de sa fille.
Autre question qui devra être résolue : la règle qui impose à un titulaire de détenir au minimum 5 % du capital social de la SEL qu’il exploite. Or, pour que le régime avantageux de l’intégration fiscale s’applique, la SEL filiale doit être détenue à 95 % au moins par la SPFPL. Aujourd’hui, le régime de l’intégration fiscale ne peut donc fonctionner que pour une SEL ne comportant qu’un seul titulaire, ce qui est assez contradictoire avec la philosophie même des holdings et les objectifs de restructuration du réseau que la loi est censée suivre avec ce nouvel outil juridique…
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