« Le système de santé est en danger » : des dépliants rouges, avec un gyrophare clignotant au milieu, alertent depuis quelques jours les clients des pharmacies sur les risques que font courir les décisions européennes sur la santé de proximité : « Il n’est pas normal, poursuit ce texte, que des décisions qui concernent notre santé soient prises à l’étranger », référence évidente à l’arrêt européen qui, fin octobre, a ouvert la porte aux rabais sur les médicaments prescriptibles. Bientôt, poursuit le document, « nous ne pourrons plus vous délivrer un médicament la nuit, ni une préparation adaptée à votre enfant ». Mais si la référence à l’arrêt sur les remises et ses conséquences est évidente pour les pharmaciens, l’est-elle autant pour le grand public ? se demandent journalistes et responsables politiques dans des commentaires parfois véhéments : pour eux, l’ABDA donne dans le populisme alarmiste, en privilégiant l’émotion aux faits.
Ce choix rédactionnel peut en effet surprendre : alors que les pharmaciens se battent spécifiquement contre les conséquences de l’arrêt européen, leur campagne se contente, dans des termes beaucoup plus généraux, de dénoncer « une politique européenne qui permet aux multinationales de la santé de s’enrichir sur le dos de notre santé ». Le thème des ventes par correspondance n’est évoqué que d’une manière allusive. Toutefois, les pharmaciens, interrogés par plusieurs sites professionnels en ligne, semblent soutenir majoritairement cette campagne… qui tranche avec le ton d’ordinaire très policé de l’ABDA. Les flyers doivent inciter les patients à signer des pétitions dans les officines, qui seront ensuite envoyées aux autorités allemandes et européennes.
Si l’on peut s’attendre à une forte mobilisation des pharmaciens et des patients, reste à savoir quel sera le coût politique de l’opération… plusieurs députés de gauche et de droite, réputés favorables aux pharmaciens, ayant déploré le caractère europhobe de la campagne : on ne peut pas rejeter toute la politique européenne à cause d’un seul jugement, rappellent-ils. Même si le ministère de la Santé prépare actuellement une loi pour interdire les rabais sur les prescriptions, le projet divise les partis politiques et les députés.
Pour sa part, le président de l’ABDA, Friedemann Schmidt, qui vient d’ailleurs d’être réélu à la tête de cette instance, rejette ces accusations, en estimant que la campagne « présente des vérités qui doivent être dites ». En outre, l’ABDA alerte les médecins et les dentistes sur les risques que font courir les décisions européennes sur l’ensemble des professions libérales. L’Ordre des médecins soutient l’ABDA dans l’affaire des rabais par correspondance, qui nuiront selon lui aux structures de proximité, mais s’est gardé de généraliser sa critique à toute la politique européenne, même s’il réclame « le respect des principes qui régissent le système de santé libéral dans le pays ».
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