Le dossier est pratiquement ficelé. Les derniers constats d’huissier sont rassemblés et l’assignation contre la pharmacie néerlandaise en ligne shop-pharmacie.fr, diligentée par l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) et l’Association des pharmaciens en ligne (AFPEL), ne devrait pas tarder à être déposée auprès d’une juridiction française, annonce Me Sébastien Beaugendre, avocat des deux organisations professionnelles.
L’affaire est de taille car, selon lui, quelle que soit l’issue de la décision de justice, celle-ci aura des conséquences pour la profession. En effet, précise l’avocat, soit les juges se prononceront contre les procédés commerciaux de shop-pharmacie.fr, et protégeront de facto les pharmaciens français des incursions sur le marché hexagonal de sites étrangers, fussent-ils à consonance locale. Soit le jugement admettra la régularité des pratiques commerciales de l’opérateur néerlandais. Auquel cas, cette décision de justice sera de nature à faire bouger les lignes françaises en matière de communication.
De la pub dans les boîtes de chaussure !
Mais qu’est-ce qui a poussé l’UDGPO et l’AFPEL à saisir la justice ? L’affaire remonte à septembre dernier. À cette époque, des internautes ayant commandé des produits sur Zalando.fr ou LaRedoute.fr, découvrent dans leur colis un flyer illustré de boîtes de Lysopaïne, de NurofenFlash, de Citrate de bétaïne, ou encore de Donormyl.
Ce flyer enjoint les clients de Zalando et de La Redoute « à acheter leurs médicaments en toute confiance » auprès de la pharmacie en ligne, shop-pharmacie.fr. Cette opération, qui s’apparente à du marketing de cross média, ne dure que quelques semaines, avant de disparaître comme elle était apparue. Cela suffit pour semer le trouble dans la profession.
Notamment parce que la pratique publicitaire est interdite en France. Mais aussi parce que l’extension « .fr » du nom de domaine de shop-pharmacie.fr est aussi accusée par les organisations de pharmaciens d’entretenir la confusion auprès des consommateurs. Car derrière cette adresse aux consonances françaises, se cache un site de vente de médicaments… néerlandais. Le site arbore d’ailleurs le label des autorités néerlandaises, comme le veut la législation européenne.
De même, shop-pharmacie.fr est bien enregistré et accrédité auprès des instances régionales de santé du Limbourg, la province néerlandaise dont dépend Venlo, la ville où est implantée Shop-Apotheke B.V., société gestionnaire du site shop-pharmacie.fr et de ses avatars belge, allemand et autrichien. À noter également que shop-pharmacie.fr ne propose pas de produits à prescription médicale obligatoire, ni de produits ne disposant pas d’une AMM en France. La société Shop-apotheke respecterait donc les règles en vigueur ? C’est justement l’une des questions fondamentales que Me Beaugendre entend soumettre aux juges.
L’avocat se demande également si un site étranger explicitement tourné vers la clientèle française doit être ou non considéré comme français, et auquel cas se soumettre à la législation en vigueur en France sur la publicité du médicament. Ce point pourrait être d’autant plus fatal à Shop-apotheke, souligne Sébastien Beaugendre, que le flyer déposé dans les colis Zalando joue sur la confusion auprès des clients entre médicament prescrit et médicament non prescrit.
Ce seul libellé rend, selon lui, la démarche illicite. « La libre prestation de service (LPS) en vigueur en Europe ne justifie pas tout », assène l’avocat, qui promet une batterie d’arguments. « Le droit français prévoit des règles de prudence dans le domaine de la santé, même si l’arrêté Doc Morris nous apprend qu’un État membre ne doit pas être trop « castrateur » envers les pratiques commerciales. »
Une pratique frauduleuse
L’ombre de Doc Morris plane sur cette affaire. Le procédé utilisé par Shop-apotheke rappelle étrangement celui utilisé par Doc Morris au début des années 2000. Dans un cas comme dans l’autre, les Pays-Bas, et plus particulièrement la ville frontalière de Venlo, ne sont qu’un lieu d’implantation alibi.
Il permet de contourner les législations en vigueur dans les pays visés par la vente de médicaments en ligne. Sébastien Beaugendre n’hésite pas à évoquer la qualification de « fraude à la loi » pour ce comportement « frauduleux et juridiquement illicite », qui consiste à se placer sous une juridiction étrangère, pour échapper à la loi de son pays. Car, comme pour Doc Morris, des pharmaciens allemands sont une nouvelle fois à l’origine de la création d’un site d’e-commerce de médicaments.
Cette nouvelle intrusion sur le marché de la pharmacie en ligne européenne, qui permet à Shop-apotheke de revendiquer aujourd’hui 2 millions de clients, n’inquiète pas seulement les pharmaciens français. Les Italiens, toujours dans l’attente d’un décret d’application pour la vente en ligne, s’interrogent eux aussi : « Un site doit-il se conformer à la législation qui l’a autorisé ou à celle du pays où il prétend distribuer explicitement ses produits ? » Pour l’heure, c’est aux juges français de statuer sur les procédés commerciaux de Shop-apotheke.
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