Une épidémie mondiale. Selon l’institution en charge de la recherche médicale et biomédicale aux États-Unis, le National Institutes of Health (NIH), la contrefaçon médicamenteuse ne cesserait de croître. Au point qu’« un médicament sur dix au moins serait aujourd’hui contrefait ». Cette moyenne atteindrait même des proportions inquiétantes en Afrique, où les faux médicaments représenteraient aujourd’hui plus du tiers des produits de santé en circulation. « Cette proportion pourrait même atteindre les deux tiers des médicaments dans certaines classes thérapeutiques », explique Geoffroy Bessaud, vice-président en charge de la coordination de la lutte contre la contrefaçon chez Sanofi.
Et aucun continent ne semble véritablement échapper à cette « épidémie silencieuse ». En Asie, plus d’un médicament sur quatre serait ainsi contrefait et en Russie plus d’un sur dix. Quant aux pays développés, comme la France, où un système de protection sociale élaboré et une chaîne de distribution sécurisée sont souvent présentés comme des garanties efficaces contre les faux médicaments, « ils sont certes moins exposés, mais quand même concernés à hauteur d’environ 1 % (en valeur) du marché national ».
La raison ? « Les ventes sur internet constituent une faille évidente. » Tout le monde est donc affecté ; d’autant que toutes les classes thérapeutiques sont visées et pas seulement les produits dits de confort. Conséquence, plus de 120 000 enfants morts par an dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et au total entre 700 000 et un million de décès attribuables à ces produits, selon un think tank britannique.
200 milliards de dollars de profits
Et pour cause ! Selon l’OMS, un médicament contrefait est un médicament délibérément et frauduleusement étiqueté pour tromper sur son identité et/ou son origine. En clair, un produit qui cache sa véritable nature et son origine. Un médicament contrefait peut donc n’avoir aucun ingrédient actif, ou bien d’autres principes actifs que ceux du produit authentique, ou encore de faux ingrédients, donc aucun bénéfice thérapeutique, voire des effets néfastes et dangereux pour la santé. Ils peuvent aussi être fabriqués à partir de mauvais dosages, tantôt trop élevés, tantôt trop faibles. « Ces faux médicaments peuvent également contenir des impuretés ou des substances toxiques, telle que de la poudre de brique, de plâtre, de la peinture ou encore des excréments de rats, en raison des sites de production souvent insalubres. » Et bien évidemment, ils se dissimulent sous des conditionnements falsifiés que les industriels, à l’instar de Sanofi, s’évertuent à répertorier (lire ci-dessous).
Autant de moyens simples qui permettent néanmoins aux contrefacteurs de réaliser des bénéfices colossaux. « Les médicaments contrefaits généreraient chaque année quelque 200 milliards d’euros de dollars de profit », explique Le lieutenant-colonel de gendarmerie Christian Tournié, adjoint pour les affaires européennes et pour la coopération internationale au sein de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Soit deux fois plus que cinq ans plus tôt.
Des chiffres impressionnants qui s’expliquent par le retour sur investissement qu’engendrerait ce trafic. « Pour 1 000 dollars investis, les contrefacteurs peuvent espérer récupérer 500 000 dollars, alors que pour le même investissement, le trafic de produits stupéfiants et de fausse monnaie ne leur rapporterait guère plus de 20 000 dollars », ajoute l’officier de gendarmerie.
24 pays signataires
De plus, les trafiquants courent moins de risques, puisque les sanctions sont beaucoup plus faibles. « La contrefaçon de produits médicaux n’est en effet que rarement clairement définie », déplore Bernard Marquet, rapporteur au sein du Conseil de l’Europe sur la qualité des médicaments en Europe et sur la contrefaçon des médicaments. Une situation qui a incité le Conseil de l’Europe à élaborer la convention Médicrime.
Signé en 2010 par 24 pays, dont trois non adhérents au Conseil de l’Europe (Guinée, Israël et Maroc), ce traité international érige en infraction pénale « la fabrication de produits médicaux de contrefaçon, la fourniture, l’offre de fourniture et le trafic de produits médicaux contrefaits, la falsification de documents et la fabrication ou la fourniture non autorisée de médicaments ainsi que la commercialisation de dispositifs médicaux ne satisfaisant pas aux exigences de conformité ».
Une véritable révolution qui est pourtant restée lettre morte faute d’avoir été ratifiée par cinq pays. Mais la situation va évoluer puisque, avec la ratification par la Guinée, après l’Espagne, la Hongrie, la Moldavie et l’Ukraine, Médicrime entrera en vigueur dans ces pays dès le début 2016. Une coopération nationale et internationale entre les autorités sanitaires, policières et douanières compétentes verra ainsi le jour.
Un premier pas décisif qui devrait inciter d’autres pays signataires à implémenter en droit national ce traité international. Son inscription sur le calendrier parlementaire augure ainsi de son examen prochain par le Sénat et sans doute de son adoption par le Parlement français.
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