FACE À LA VENTE EN LIGNE, les profils sont différents d’un réseau à l’autre et les réactions parfois très étonnantes. Classiquement, nous retrouvons des groupements favorables au développement de la vente en ligne qui proposent une solution d’accompagnement à leurs adhérents ; ceux qui y sont opposés et ne font pas de proposition ; ceux qui ont un point de vue plus ou moins mitigé face à cette nouvelle activité, offrant donc un accompagnement plus ou moins poussé… Et puis il y a ceux qui sont éthiquement contre mais développent une offre complète pour leurs membres, et ceux qui affichent être intrinsèquement pour, mais ne sont pas présents sur ce marché. Enfin, citons ceux qui attendent de recevoir des demandes d’accompagnement de leurs adhérents pour mettre en place une offre, sans se positionner pour ou contre cette nouvelle activité. Et d’autres encore qui avouent ne pas avoir terminé leur réflexion sur le sujet pour prendre une décision dans un sens ou dans l’autre. Compliqué ? Au final, quasiment tous les réseaux se disent prêts à accompagner leurs adhérents s’ils le souhaitent.
Ces positionnements très différents tiennent à l’état du marché de la vente en ligne du médicament dans le monde, les risques associés, la législation française particulière et, bien entendu, la philosophie de chacun des groupements de pharmaciens. Car, aujourd’hui, les 27 États membres autorisent (ou tolèrent) la vente en ligne de médicaments, conformément à l’arrêt DocMorris de 2003, dont la transposition devait être effective au 2 janvier 2013 selon une directive européenne du 8 juin 2011 relative à la lutte contre les médicaments falsifiés. C’est pourquoi la France a dû s’y résoudre, par l’ordonnance du 19 décembre dernier, parue au « Journal officiel » le 21 décembre et suivie par son décret d’application le 31 décembre. Une décision qui a pu paraître précipitée pour certains, non adaptée pour d’autres.
Fort investissement.
Philippe Lailler, titulaire à Caen, en Basse-Normandie, et pionnier dans ce domaine avec le lancement de son site de vente de médicaments dès le 14 novembre 2012, ne cache pas son mécontentement. L’ordonnance prévoit, en effet, l’ouverture à la vente en ligne aux seuls médicaments autorisés en libre accès, soit environ 400 spécialités, au lieu des 4 000 références des médicaments sans ordonnances. Il n’hésite pas à saisir le Conseil d’État en référé, qui lui donne raison le 14 février 2013. Après moult débats, l’arrêté de bonnes pratiques paraît le 23 juin. Trois recours sont déposés devant le Conseil d’État. La plate-forme 1001pharmacies conteste l’impossibilité pour plusieurs pharmaciens de se regrouper pour créer des sites communs. Laurence Sylvestre, titulaire en Isère, conteste le recours obligatoire à un hébergeur de données de santé agréé, trop onéreux, l’obligation d’user de prix similaires dans l’officine et sur le site Internet et l’interdiction du référencement payant. Enfin, Philippe Lailler réclame l’ouverture aux médicaments de prescription médicale obligatoire (PMO) grâce à l’utilisation de la transmission d’ordonnance sécurisée. En attendant, la vente de médicaments en ligne est officiellement autorisée le 12 juillet dernier. Cinq jours plus tard, le Conseil d’État casse la disposition limitant la vente aux médicaments en libre accès pour l’ouvrir à l’ensemble des médicaments sans ordonnance, mais il valide les autres dispositions, et notamment l’interdiction de vendre des médicaments de PMO.
Sujet à rebondissement, il n’est pas simple de se positionner sur la vente en ligne dans ces conditions. D’autant que l’ennemi redouté, Michel-Edouard Leclerc (et plus généralement la GMS), n’hésite pas à s’insérer dans la brèche de la vente en ligne pour réclamer, encore et toujours, le droit de vendre des médicaments sans ordonnance en grande surface.
Quelques groupements montrent néanmoins un fort investissement sur ce nouveau marché. C’est le cas de Cofisanté, qui travaille depuis un an pour lancer Pharmarket.com, une solution de e-commerce clé en main dont la vocation est de gérer « toutes les contraintes liées à la vente en ligne afin de laisser le pharmacien se concentrer sur l’essentiel : la dispensation », comme l’explique Nicolas Métairie, fondateur de Pharmarket. Ouverte à tous les pharmaciens, cette plate-forme ne demande aucune cotisation, le pharmacien paye uniquement une commission sur les ventes réalisées et dispose d’une exclusivité territoriale. Mais cette solution, qui aurait dû être accessible dès le mois de mai sur la Toile, ne l’est toujours pas à ce jour. La faute à la législation ? « Internet est mondial et non national ; encore moins local. Certains articles semblent trop restrictifs : comment les pharmaciens peuvent-ils se battre face à des sites étrangers ou illégaux qui ne sont pas soumis à la même réglementation, notamment au niveau de la publicité ou de la mise en commun de moyens, et qui commercialisent leurs produits en France ? », interroge Nicolas Métairie.
Éventail de services.
Le groupe PHR a lancé sa solution « Web to store », en mai dernier, sur le site www.mapharmacieservices.com. Son président, Lucien Bennatan, défend haut et fort ce concept qui permet « d’offrir les avantages d’Internet – prix, élargissement de la clientèle, vitrine de la pharmacie – en maintenant ce qui fait la force de la pharmacie d’officine : sécurité, traçabilité, conseils, refus de vente éventuels ». Ce qui ne l’empêche pas d’annoncer qu’il n’en attend pas un engouement particulier. D’abord parce que le nombre et la proximité des officines françaises couvrent déjà tous les besoins de la population ; ensuite parce que « les Français ne sont pas encore prêts à franchir le cap ». Cette initiative est surtout une façon d’offrir un éventail de services qui vont apparaître progressivement sur le portail : prise de rendez-vous pour des consultations avec une diététicienne ou une infirmière, pour un audit de l’habitat dans le cadre du maintien à domicile, pour un dépistage de la presbyacousie, ou encore pour un entretien pharmaceutique (AVK, asthme…). D’autres services associés sont prévus, comme le carnet de vaccination électronique, le renouvellement d’ordonnance, la téléconsultation en ligne… L’ensemble de l’offre sera disponible au 1er janvier prochain.
Annoncée dès le mois d’avril, la solution développée par Univers Pharmacie a véritablement pu voir le jour en septembre, afin de répondre précisément à toutes les obligations réglementaires liées à l’activité de vente en ligne, qui n’ont cessé d’évoluer ces derniers mois. L’offre est assez particulière puisque c’est la pharmacie pilote du groupement, située à Colmar (Alsace), qui a l’agrément pour développer un site Internet. Mais ce sont bien toutes les pharmacies du groupement qui peuvent devenir points relais, et donc être chargées de préparer la commande et de recevoir le patient dans leurs murs pour la dispensation en bonne et due forme. Actuellement le groupement propose à ses pharmaciens sous enseigne de devenir point relais. Les 160 affiliés ont immédiatement répondu présents et signé un contrat logistique. Néanmoins, Univers Pharmacie ne ferme pas la porte à une livraison à domicile si le patient le demande, mais celui-ci est incité à choisir le retrait en pharmacie car les frais de port sont réduits. « Ce site est le premier à répondre en tout point aux exigences des bonnes pratiques. Ainsi, nous avons un hébergeur de données de santé agréé », souligne Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie. Mais tout cela a un coût particulièrement élevé et le groupe prévoit un résultat déficitaire pendant les cinq premières années d’existence de ce portail.
Réservation en ligne.
Loin d’avoir le poids de groupes comme PHR ou Univers Pharmacie, Hexapharm n’en manque pas moins d’idées. La souplesse de la petite structure (70 membres) lui a permis de proposer très rapidement un site pilote duplicable et personnalisable à chaque pharmacie adhérente qui le souhaite. « Ce site pilote structuré contient un nombre de fiches médicaments conséquent et répond à toutes les normes réglementaires et législatives exigées par l’ARS (agence régionale de santé - NDLR). Il est en conformité avec les préconisations de l’Ordre et chaque pharmacie est propriétaire et responsable de son site », développe Sophie Symaniak, directrice réseau et qualité.
Le Groupe Apsara, qui réunit 7 groupements, s’apprête à lancer un site Internet permettant de réserver ses médicaments avant de les retirer dans l’une des 750 pharmacies Apsara. « La vente en ligne est possible, mais nous préconisons de ne pas aller au-delà de la réservation en ligne. Quand l’internaute valide son panier, la commande est envoyée au pharmacien qui doit la préparer et le patient sait quand aller la chercher. C’est un service supplémentaire au patient qui peut réserver, envoyer son ordonnance et venir chercher ses produits sans faire la queue ; on conserve ainsi la sécurité sanitaire, le conseil pharmaceutique et le contact en face-à-face », explique Olivier Verdure, directeur de la communication du groupe. L’internaute pourra faire son choix parmi 400 références sur la Toile dans un premier temps, mais l’éventail s’élargira progressivement aux 4 000 médicaments sans ordonnance. « Libre au pharmacien de ne pas référencer la totalité de l’offre. Les 400 produits que nous allons proposer dans un premier temps couvrent 80 % des besoins. »
S’appuyer sur un réseau.
Alphega Pharmacie, le réseau adossé au grossiste-répartiteur Alliance Healthcare, met en avant sa démarche éthique. « Notre signature résume notre philosophie : votre santé est notre priorité. Nous souhaitons apporter des services pharmaceutiques de qualité au patient-consommateur. C’est pourquoi nous ne parlons pas de vente de produits, mais de dispensation en ligne, et que nous mettons l’accent sur le fait qu’il s’agira d’un site de services avant tout », remarque Laurence Bouton, directrice d’Alphega Pharmacie. Le cadre légal particulièrement strict mis en place par le gouvernement français répond à son désir d’éthique et permet de ne pas faire du médicament « un banal objet de grande consommation ». Pour autant, aux yeux d’Alphega, il est impossible pour un pharmacien indépendant de se lancer dans le e-commerce sans être épaulé. « L’investissement financier et en temps est colossal, c’est une activité nouvelle qui s’ajoute à toutes ses missions habituelles d’officinal. À quelques exceptions près, il faut qu’il puisse s’appuyer sur un réseau. Le souci est que l’accompagnement que nous pouvons effectuer est restreint par le cadre légal, il ne peut être que technique », poursuit Laurence Bouton. Le site doit être le prolongement d’une pharmacie physique et donc doit appartenir en propre au titulaire. Alphega aidera notamment les adhérents qui le souhaitent à avoir un catalogue à jour pour les médicaments qu’il proposera en ligne, mais la réglementation n’autorise pas à prendre en main la logistique. « Cela aurait permis une mutualisation des coûts et des outils, d’autant que c’est un sujet que nous maîtrisons parfaitement », ajoute la directrice du réseau.
Le retour sur investissement n’est attendu par aucun des réseaux qui se sont lancés sur la Toile. « Nous devons avoir cet outil, mais cela ne sera jamais le flux principal de la pharmacie. On espère réaliser 5 % du chiffre d’affaires des médicaments OTC en vente libre par ce moyen, ce sera déjà très bien quand on sait qu’en Allemagne, le chiffre d’affaires sur Internet représente 7 % des ventes globales. » Dans un premier temps, Alphega permet à l’internaute de réserver en ligne, mais il doit se rendre dans une pharmacie pour récupérer ses médicaments, la livraison arrivera dans un second temps. Le site grand public, lancé par Alphega en février dernier, remporte déjà un franc succès, avec 21 000 visites et 47 000 pages vues à début septembre.
Déstabilisation du monopole.
Pharmactiv, adossé au grossiste-répartiteur OCP, a la particularité d’afficher clairement son peu de foi dans la vente en ligne de médicaments. Rappelant qu’il ne s’agit pas d’un « bien consommation courante », et donc qu’il doit « obéir à des règles différentes du e-commerce », le réseau ne s’attend pas au développement de plus de 20 sites profitables en France. D’autant que « ce n’est pas une réelle attente de la part ni des pharmaciens, ni des consommateurs ». Mais alors, de quoi s’agit-il ? « D’un essor du e-commerce, d’une réponse aux logiques d’harmonisation européenne et d’une tentative de déstabilisation du monopole. » Cependant, la loi est désormais une réalité, et le rôle de Pharmactiv « est de répondre rapidement et de façon fiable à de nouvelles règles du jeu et de la concurrence ». C’est pourquoi ses adhérents peuvent dès maintenant, à partir de leur propre site Internet officine proposé par Pharmactiv, ajouter un module pour vendre des médicaments en ligne. Ils bénéficient d’une sécurisation de paiement en ligne et d’une autorisation d’hébergement de données de santé. Pharmactiv les accompagne également dans les démarches à effectuer auprès de leur ARS et de l’Ordre des pharmaciens. En outre, Pharmactiv incite ses adhérents à mieux communiquer via le Web. C’est dans cette optique qu’il propose à chacun de créer un site personnalisable, afin d’offrir de l’information santé fiable à leurs patients, et de leur proposer des services à valeur ajoutée. Une information relayée par le groupe qui se charge d’être présent, ne serait-ce que par les produits à la marque, sur Facebook, Twitter et YouTube.
Tout comme Alphega et Pharmactiv, le réseau Les Pharmaciens Associés est adossé à un grossiste-répartiteur, ici Astera. Il exprime aussi clairement son opposition à la vente en ligne de médicaments qui « déshumanise la relation avec le patient et occulte les conseils d’un professionnel de santé ». De plus, il s’agit d’un « autre métier qui mobilise de nouvelles compétences commerciales, logistiques, etc. », un métier qui, au vu de ce qu’il se passe dans les autres pays européens, affiche une rentabilité inexistante. « Nous ne croyons pas au développement massif des sites dédiés au conseil pour les patients. Internet a certes l’attrait de la nouveauté et s’inscrit dans les nouveaux comportements de consommation, mais bute rapidement contre les coûts logistiques face à un maillage territorial fort des officines. » Cela étant dit, Astera et son réseau proposent déjà, grâce à Isipharm, une solution de vente en ligne de produits de parapharmacie, dénommée e-pharma. « En tant que coopérative, si les pharmaciens expriment un besoin, nous l’étudierons dans le respect du cadre légal actuel. »
Ramener le patient à l’officine.
Le groupement Initiative française du marketing officinal, ou IFMO, est lui aussi fondamentalement opposé à la vente en ligne. Mais comme il est nécessaire d’aller dans le sens de la législation, le réseau a trouvé une astuce pour utiliser cette nouvelle activité en éduquant les clients qui risquent de ne plus revenir en pharmacie. « Les ventes des médicaments baissent, les prescriptions de grands conditionnements n’incitent pas à un suivi régulier en officine, l’habitude d’acheter de la parapharmacie, maintenant des médicaments sans ordonnance hors officine, à quoi s’ajoute la sortie du monopole de certaines références comme les tests de grossesse… tout cela alimente nos craintes de ne plus voir certains patients en pharmacie », explique Jean-Luc Bury, président du directoire et directeur général. L’IFMO met ainsi en place un portail Internet qui permet au patient de trouver les médicaments au meilleur prix sur Internet. Mais le site lui rappelle ensuite que les frais de port sont incompressibles. Il lui indique le prix moyen de ce même médicament dans une officine, le prix le plus élevé relevé et un message termine la démonstration pour inciter l’internaute à se rendre dans une pharmacie plutôt que d’acheter sur Internet. Le site lui permet aussi d’avoir des renseignements sur les produits qui l’intéressent. « L’adresse du portail n’est pas encore disponible, nous serons prêts dans quelques semaines », précise le directeur général. Dans le même ordre d’idées, l’IFMO veut être présent sur tous les moyens de communication actuels comme Internet, les tablettes et les smartphones, toujours dans le même but : faire revenir les patients en pharmacie.
Être prêt à réagir.
Nombre d’autres groupements annoncent le lancement d’une solution de vente en ligne pour leurs adhérents d’ici à fin 2013 ou début 2014. « Même si Internet ne prend pas, à court terme, des parts de marché importantes sur le médicament, il est important d’être prêt à réagir, parce que c’est une demande d’une partie de nos clients et de nos patients, et pour ne pas laisser la place à des discounters qui feraient pression sur les prix », explique de son côté le réseau Giphar. C’est pourquoi une offre est en cours de test pour proposer, début 2014, la mise à disposition d’un site officine, la proposition d’un catalogue produits, une assistance technique et juridique. À terme, il s’agit d’apporter aux patients « un service différenciant, facilement accessible, quel que soit l’écran utilisé (ordinateur, tablette, smartphone) ». Depuis 2010, Giphar propose l’application smartphone Homéofiches, complétée en 2012 de l’application Aromafiches. « Nous sommes en train de lancer un bouquet de services Giphar « Ma Pharma » pour smartphone, permettant notamment de géolocaliser une pharmacie, envoyer une ordonnance ou faire une déclaration de pharmacovigilance. Tous ces outils visent à développer le lien entre le patient et le pharmacien au-delà de l’officine », souligne Karine Guerrier-Mouri, responsable de la communication de l’enseigne.
Giropharm fait partie des groupements circonspects face à la vente en ligne de médicaments. Tout en souhaitant suivre l’air du temps, il travaille actuellement sur les propositions qu’il va faire à ses adhérents pour entrer dans cette nouvelle activité, « mais avec la plus grande prudence, et dans le respect de la législation et du code de bonnes pratiques ». La solution qui se dégage prévoit aussi bien la livraison à domicile que la réservation en ligne avec le retrait en pharmacie. Actuellement, Giropharm accompagne ses adhérents dans la création de leur site e-officine. Ce sont 70 sites qui sont aujourd’hui en activité, et qui pourront devenir des sites marchands de parapharmacie d’ici à la fin de l’année. La solution de vente en ligne de médicaments leur sera proposée plus tard. « Il est trop tôt pour la décrire car elle est encore en construction, mais cela va dans le sens d’un service supplémentaire offert aux clients des officines. » Le site grand public Giropharm permet déjà de consulter son agenda santé personnalisé, les produits à avoir dans son armoire en pharmacie ou lorsqu’on part en voyage, ou de géolocaliser les pharmacies Giropharm. Ce site va encore évoluer courant 2014.
Une erreur stratégique.
Dominique Deloison, directeur général de Forum Santé, est tout aussi circonspect. Pour lui, le e-commerce de médicaments est « une erreur en terme de stratégie et de politique de santé », car les Français perdent de cette façon la haute sécurité du système de distribution assurée par les qualités responsables de leurs professionnels de santé. Le réseau plébiscite le cadre légal actuel, très restrictif, tout en remarquant qu’il ne permet à aucun opérateur d’atteindre « un seuil acceptable de rentabilité sur ce marché ». Dominique Deloison prévoit néanmoins un projet global de vente en ligne pour 2014, auquel tous les affiliés qui le souhaitent seront associés. « Nous proposerons un système de réservation et d’enlèvement sur site pour les internautes, appuyés sur notre Web en lien avec les 140 sites individuels des affiliés. L’offre pour l’internaute sera la plus complète autorisée par la loi. » Néanmoins, l’enseigne préconise de revoir la limitation faite aux pharmaciens de se regrouper pour faire de la vente en ligne et de faire appel à des sous-traitants pour certains services. « En agissant groupés, les pharmaciens seront certes plus lents, mais beaucoup plus solides dans le temps. » Ce positionnement n’empêche en rien Forum Santé d’être à la pointe de l’information patients sur la Toile, grâce à une nouvelle approche développée en 2012 et 2013 sur forumsante.com : « Nous apportons en ligne toutes les informations, les liens et la technologie dont nos affiliés ont besoin pour exercer leur métier avec les nouveaux médias. Ils sont amenés à être modérateurs du forum des internautes, à répondre à leurs questions par téléphone ou en vidéo lors de gardes numériques organisées au sein du réseau. » Les internautes bénéficient déjà d’une boutique en ligne pour tous les produits à la marque de Forum Santé.
Sécurité des échanges.
Au contraire, chez Plus Pharmacie, l’autorisation de vendre des médicaments en ligne est bien perçue, à condition qu’elle reste bien l’apanage du seul pharmacien d’officine. Le groupe travaille sur un projet de e-commerce depuis 2012, qui devrait voir le jour au début de l’année 2014. « L’objectif est d’accompagner nos adhérents dans la conception, l’exploitation et la maintenance de leur site. Notre projet a également pour but d’assurer une grande qualité de prestation et de garantir aux consommateurs la sécurité des informations et des échanges avec leur pharmacien », dévoile Patrick Lebranchu, directeur de la communication du groupe.
L’Union des grandes pharmacies, ou UGP, est tout à fait favorable à la vente en ligne, mais n’a pas encore terminé la construction de son projet. Il y est aidé par le pionnier de l’activité, Philippe Lailler étant l’un de ses adhérents. « Nous préparons une offre que nous voulons sécuriser un maximum pour que les sites de nos adhérents soient bien référencés sous le nom de l’UGP et qu’il n’y ait pas de confusion possible avec d’autres sites », indique Yves Rivière, le président du groupement.
Pharmacorp, groupement du grand sud-ouest, veut aussi se positionner stratégiquement sur la vente en ligne de médicaments et espère qu’elle sera « un relais de croissance essentiel à l’avenir ». Laurent Filoche, le président, regrette néanmoins les fortes contraintes réglementaires qui « empêchent d’être compétitifs avec les autres acteurs européens ». À terme, il n’imagine pas que plus de 10 sites de pharmaciens survivront sur la Toile, et « nous voulons en faire partie ». Son idée ? Une pharmacie Internet pour tout le groupement, avec des capacités logistiques propres à la vente en ligne et la vente par correspondance. Les adhérents pourront être actionnaires de la holding détenant cette pharmacie et recevoir des honoraires logistiques lorsque leur officine servira de point relais.
Proximité officinale.
Objectif Pharma travaille lui aussi à une solution de e-commerce, mais s’oriente vers une offre Web to store, qui comprendra deux dimensions : « les services santé en ligne, d’une part, et la diffusion et le partage de conseils et d’informations santé, d’autre part. » D’un côté, il est important de ne « pas déshumaniser » l’actuelle relation pharmacien-patient, qui repose sur la proximité officinale et l’expertise pharmaceutique. De l’autre, force est de constater que les clients des pharmacies sont entrés de longue date dans l’ère Internet et sont déjà habitués au « m-commerce » sur leur téléphone portable. « C’est un sujet sérieux que nous étudions avec des experts de ce métier qui exige des compétences nouvelles et un business model solide pour combiner à la fois investissement, rentabilité et partage équitable des marges entre adhérents », précise Jean-Pierre Dosdat, le président. Une solution qui s’appuiera certainement sur l’offre de back-office sécurisé qu’Objectif Pharma développe depuis quatre ans, avec une plate-forme logistique et une centrale d’achat directement reliées au système d’information des officines, « avec un plateau technologique et un hébergeur de données de santé leader ».
Pour Europharmacie, les pharmaciens ne peuvent faire face seuls à cette nouvelle activité, en particulier pour ce qui concerne « la charge législative supplémentaire » que cela représente. C’est pourquoi le groupement cherche une solution plus collective et sécurisée « en s’appuyant sur des structures existantes ». La crainte principale de son président, Jean-Luc Tomasini : le piratage sur la forme ou sur le fond, des sites de pharmaciens. D’où son choix de s’appuyer sur des partenaires spécialistes de la vente sur Internet.
Mutualpharm, en Rhône-Alpes, étudie aussi une solution de vente en ligne, mais sans en faire une priorité. Pour François Leclerc, le président, l’essentiel est « de ne pas se laisser déborder par la puissance du média : même vendu en ligne, un traitement doit s’inscrire dans une logique de soin et de conseil ». Impossible d’ignorer le e-commerce de médicaments, mais Mutualpharm préfère l’aborder en plusieurs étapes. La toute première a consisté en la création du module Ordoweb, permettant aux patients de transmettre leurs ordonnances en ligne afin d’anticiper leur passage à l’officine. « Les premiers résultats montrent que les patients apprécient cette approche et nous envisageons déjà une version pour smartphone. » Bien que la vente en ligne ne soit pas une priorité, le groupement a déjà pris contact avec ses laboratoires partenaires et mis en place une procédure garantissant sécurité et traçabilité dans la délivrance des médicaments. L’offre qui verra le jour sera avant tout orientée sur « un système qui met l’accent sur la convivialité, le conseil et cultive la proximité du pharmacien », et, surtout, les adhérents resteront libres de choisir leur niveau d’investissement dans cette activité.
En cours de réflexion.
Un ensemble de groupements fait le choix d’attendre. Attendre que leurs adhérents signalent leur désir de se lancer et d’être épaulés. Attendre de voir ce que donnent les différents lancements prévus par les confrères. Attendre une éventuelle évolution législative et réglementaire. La Coopérative d’achat des pharmaciens de Méditerranée (APM) n’a pas terminé sa réflexion sur le sujet. « En tant que coopérative, on peut apporter une mutualisation des coûts pour le développement, la maintenance et la mise en avant des sites. Nous sommes favorables à une présence sur Internet, pour présenter l’officine et permettre l’envoi et la préparation des ordonnances, mais l’aspect marchand n’est pas tranché, ce sont les coopérateurs qui vont décider », explique Xavier Magne, l’un des administrateurs.
Directlabo est dans un positionnement similaire, dans le sens où la réflexion sur le sujet n’est pas terminée mais, en tout état de cause, il ne fait pas partie des priorités du groupement à court et moyen terme.
Le groupement AELIA a reçu quelques demandes isolées de la part de pharmaciens souhaitant être accompagnés pour faire de la vente en ligne, mais insuffisantes pour le moment pour se lancer dans l’activité. « Ces pharmacies sont généralement de grande taille, ayant une politique de prix agressive et brassant des volumes très importants de produits. Les petites et moyennes pharmacies semblent beaucoup plus frileuses », remarque le groupement. AELIA est tout à fait disposé à étudier la possibilité d’un accompagnement « si la demande le justifie ». Dans ce cas, la solution envisagée serait de construire une ergonomie commune déclinable sur tous les sites.
Agir Pharma, toute nouvelle association de groupements, arrivée il y a quelques mois dans le paysage pharmaceutique, laisse chacun des groupements adhérents choisir sa politique sur le sujet. Ainsi, certains sont assez en avance sur le sujet, comme c’est le cas de Pub06, dont les adhérents peuvent vendre de la parapharmacie et même des médicaments, mais chacun est libre d’installer ce module sur son site.
Modernisation des pratiques.
Quant à Népenthès, son site propose déjà un système de réservation en ligne de produits de parapharmacie, mais « avant de développer ses fonctionnalités sur la vente en ligne, nous attendons de voir comment évolue la législation ». Alexandre Aunis, directeur des opérations, rappelle que Népenthès est dans une logique de « développement d’un réseau d’enseigne, donc de la modernisation des pratiques de l’officine », mais « développer l’aspect Web n’a de sens que si on ne touche pas à la qualité de dispensation en pharmacie ». Néanmoins, si le groupement décide de s’y investir, le système est déjà prêt !
De son côté, Évolupharm ne voit pas la vente en ligne comme une opportunité, et surtout pas comme une action prioritaire pour dynamiser l’économie de l’officine. Tenant compte du fait que « aucun groupement n’a le droit de déployer une solution de vente en ligne pour le compte de ses adhérents », il travaille actuellement « à référencer dans la centrale de services des professionnels audités et validés par le groupement pour proposer une offre à nos adhérents ».
Évolupharm n’est pas le seul à ne pas souhaiter le développement d’une solution de vente en ligne de médicaments. Altapharm, dont la vocation est « d’apporter de la marge à ses adhérents » ne voit pas en quoi la vente en ligne pourrait être une activité intéressante à déployer. Dans cette logique, le réseau réfléchit plutôt à « une offre en ligne qui drainerait les patients vers les officines adhérentes, chez qui l’achat se concrétiserait accompagné du conseil adapté à la pathologie », décrit Fabrice Guigonnat, responsable du réseau.
Pour le président de DPGS (Développement Pharma Gestion Services), Jean-Claude Pothier, il n’est pas question de s’engager en l’état actuel de la législation. Si la vente en ligne de médicaments doit être envisagée, c’est à la seule condition qu’elle ne soit pas « une dérive pour favoriser une pharmacie par rapport à une autre » et qu’elle n’encourage pas « une automédication mal contrôlée et donc préjudiciable à la santé publique ». DPGS a été démarché par diverses agences ayant développé un concept qu’elles proposent aux pharmaciens pour « développer leur clientèle et patientèle ». Un non-sens pour le président, qui rappelle que le but ne doit pas être d’agrandir son territoire mais « un service aux personnes qui ne peuvent prendre le temps de se déplacer ». Dans ce cadre, DPGS attend un verrouillage plus strict de cette activité.
Service pharmaceutique rendu.
Chez HPI, il est évident que le e-commerce de médicaments existe et continuera à exister, mais il n’apporte rien au service pharmaceutique rendu, il ne fait que faciliter l’achat de certains médicaments pour certains consommateurs. De plus, le modèle économique de cette activité « n’est pas bien ancré », même en Allemagne où cela existe depuis 2004. « HPI n’a rien à proposer en tant que structure, mais si certains de nos pharmaciens veulent se lancer individuellement, ils en sont libres, il faut simplement que leur site soit en accord avec notre vision du métier », explique Jean-Philippe Carré, pharmacien en charge de la communication du réseau. En revanche, il est convaincu de l’importance d’Internet pour la connaissance et l’amélioration du service pharmaceutique rendu. Dans ce cadre, HPI lance le site www.totum.fr qui permettra à l’internaute de trouver le calendrier des vaccinations, de prendre un rendez-vous pour un entretien pharmaceutique auprès de l’une des pharmacies HPI, d’accéder à un annuaire de tous les professionnels de santé, des tests santé, de multiples renseignements sur l’automédication, etc.
De son côté, Optipharm est favorable à la réservation de médicaments en ligne, mais pas à la vente en ligne. Il n’envisage aucune solution à proposer à ses adhérents et préconise plutôt de combattre la loi qui a autorisé le e-commerce de médicaments sans ordonnance.
Au contraire, Pharmacyal « suit le développement de la vente en ligne avec bienveillance », car c’est une « évolution logique et inévitable mais qui doit être maîtrisée ». Toutefois le réseau ne proposera pas de site en son nom, mais il encourage les initiatives de ses adhérents. Ainsi, Pharmacyal est fier de compter parmi ses membres l’un des pionniers de la vente en ligne de médicaments : Cyril Têtard, qui a lancé son site lasante.net adossé à sa pharmacie de Villeneuve-d’Ascq (Nord) en décembre, peu de temps avant l’ordonnance autorisant l’activité.
Source de différenciation.
Phamodel Group est persuadé que « le Web a vocation à jouer chaque jour un rôle plus important dans la vie des patients-consommateurs », c’est pourquoi il s’est fortement investi, dès 2002, pour que l’ensemble de ses affiliés disposent de leur propre site. La possibilité d’acheter des médicaments sur la Toile est une évolution prévisible, mais pour Pharmodel, elle n’est pas créatrice de marge et dans le contexte actuel. Il préfère se focaliser « sur les chantiers stratégiques et permettre la montée en puissance de l’expertise de nos affiliés, la différenciation qualitative et l’enrichissement de l’expérience quotidienne des patients-clients au sein d’une officine rénovée ». Rafaël Grosjean, le P-DG, reconnaît ainsi que le groupement possède la plate-forme idéale pour faire de la vente en ligne, mais « ne considère pas ce dossier comme prioritaire ».
Enfin, Univers SEL affirme sa totale opposition au e-commerce de médicaments, il ne propose pas d’offre à ses adhérents pour développer cette activité et aimerait même voir un renforcement de la législation actuelle de façon à garantir l’impossibilité de pratiquer des prix différents sur le Web et à l’officine.
La vente en ligne de médicaments sans ordonnance est source de différenciation. Bien que le sujet soit dans l’air depuis une dizaine d’années, aucun acteur pharmaceutique ne l’aborde de la même manière et n’imagine une solution unique pour s’y investir. Le sujet lui-même est loin de faire l’unanimité. Les multiples positionnements et propositions des réseaux de pharmaciens reflètent finalement l’état d’esprit des officinaux français, qui ont l’embarras du choix pour trouver le groupement leur correspondant le mieux.
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