À l’heure où les ARS mettent de plus en plus en cause les sites de ventes en ligne de médicaments, comme dernièrement la pharmacie du Drapeau, à Dijon, pour non-conformité de leurs locaux d’envoi et de stockage des produits, la décision du Conseil d’État du 26 mars est lourde de sens.
En effet, en déboutant Philippe Lailler, précurseur de la vente en ligne de médicament, le Conseil d’État a définitivement signifié qu’il retenait les règles de bonnes pratiques de dispensation telles qu’elles sont définies dans l'article R. 5125-9 du Code de la santé publique. En clair, la cour a jugé que des locaux situés à 3,6 kilomètres de l'officine ne pouvaient être considérés comme le stipule le texte, « à proximité immédiate ».
Cette distance parcourue en dix minutes en voiture était pourtant l’argument majeur brandi par le titulaire de la Pharmacie de la Grâce de Dieu (www.pharma-gdd.com), qui avait été mis en demeure en 2014 par l’ARS de Caen, « de régulariser la situation de son officine dans les neuf mois sous peine de sanctions financières ». L’ARS estimait en effet que le local annexe de Fleury/Orne, utilisé par le pharmacien pour ses activités de vente en ligne, « n’était pas à proximité immédiate de l’officine et que les commandes reçues n’étaient pas préparées au sein de l’officine dans un espace adapté à cet effet ». Sur ce dernier point, le Conseil d’État n’a pas suivi l’ARS. Il a estimé « infondée sa demande consistant à exiger la préparation des commandes liées au commerce électronique de médicaments au sein de l'officine elle-même », et a annulé cette obligation.
Un défaut d'harmonisation
En revanche, le Conseil d'État a déclaré que le titulaire de Caen « n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ». C’est-à-dire l’arrêt de la Cour administrative de Nantes qui avait annulé en janvier 2017 le jugement du tribunal administratif de Caen, favorable au pharmacien. Saisie par Philippe Lailler qui contestait la mise en demeure de l’ARS, cette instance avait rendu sa décision en faveur du titulaire en s'appuyant sur le droit de l’Union européenne.
Ce dernier argumentaire démontre à quel point les divergences d’interprétation ponctuent ce feuilleton judiciaire. De manière générale, Cyril Tétart, président de l’Association française des pharmacies en ligne (Afpel), souligne une grande disparité entre les ARS dans leur appréciation des bonnes pratiques de dispensation des médicaments en ligne. Raison pour laquelle, le président de l’Afpel demande au gouvernement une harmonisation sur l’ensemble du territoire en ce qui concerne la position des ARS sur les « entrepôts déportés » des pharmacies en ligne. Il apparaît en effet que, de la région PACA aux Hauts-de-France, les pharmaciens en ligne sont soumis à des régimes très différents. La notion « de proximité immédiate », telle qu’elle est énoncée dans le texte de bonnes pratiques, semble être une variable d’ajustement laissé au libre arbitre des pouvoirs publics régionaux. Une échelle pour le moins fluctuante et qui ne peut satisfaire plus longtemps les pharmaciens détenteurs de sites de ventes en ligne. Ceci d’autant plus qu’ils sont confrontés, sur leur propre marché, aux opérateurs belges et néerlandais de la vente sur Internet qui, eux, détiennent un périmètre d’action de toute autre dimension.
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