Le commerce de détail à l’épreuve de l’intelligence artificielle

Depuis le rapport Villani remis au président de la République, l’intelligence artificielle a gagné la notoriété des médias. Mais elle n’avait pas attendu cette reconnaissance politique pour infiltrer toutes les strates de l’économie, notamment par le biais des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Comme le souligne Laurent Alexandre, chirurgien urologue et auteur, l’Europe serait aujourd’hui dessaisie de ses données, colonisée par ces acteurs du Web, américains et chinois. Face à ces géants du net qui détiennent, avec les data, les clés des marchés mondiaux, le commerce de détail aurait-il déjà perdu le combat ? La Fédération du commerce coopératif et associé (FCA), représentant 30 secteurs d’activité dont la pharmacie d’officine (1), se dit prête à relever le défi grâce à un savoir-faire bien ancré dans les territoires.

Ce secteur réalise la moitié de ses 152,3 milliards d’euros (en 2017) de chiffre d’affaires dans des communes de moins de 50 000 habitants. Les commerces associés contribuent pour 40 % à la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) pour un poids économique qui ne représente pourtant que 30 % du chiffre d’affaires du commerce de détail.

Ces caractéristiques ne manquent pas de rappeler quelques similitudes avec le réseau officinal. Les statistiques du Conseil de l’Ordre national des pharmaciens (CNOP) publiées le 5 juin indiquent ainsi que plus d'un tiers des pharmacies sont implantées dans des communes de moins de 5 000 habitants. Et comme les commerces associés, les pharmacies ont tout à gagner d’une revitalisation des centres-villes, en témoigne la récente campagne lancée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Un choix collectif et coopératif

Le commerce associé sera d'autant plus armé contre l’utilisation de l’intelligence artificielle par les GAFA qu’il saura s'attacher la fidélité de ses clients. « Dans une société bousculée par la discontinuité, les personnes, paradoxalement, cherchent à inventer de nouveaux liens, car elles en ont le temps », souligne le sociologue Jean Viard. Pour attirer et retenir ces clients, nul besoin de chercher à rivaliser avec les méthodes des GAFA. Bien au contraire, Mercedes Erra, présidente executive de Havas Worlwide, constate ainsi que le sens de l’achat ainsi que la moralité – supposée ou avérée — du commerçant sont des critères de plus en plus recherchés par les consommateurs.

Jean-Louis Bancel, président du Crédit coopératif, ne croit pas, pour sa part, à la fatalité du dessaisissement des données. Le modèle coopératif détient selon lui, toutes les capacités pour reprendre la main : « nous devons faire un choix collectif, être une coopérative de données ». Afin que le meilleur usage soit fait des algorithmes.

(1) Les groupements Astéra, Giphar, Giropharm, Wellpharma et Objectif Pharma sont adhérents de la FCA.
D'après une conférence de la FCA.