Avec leur flair, les chiens du projet K-Dog à l’Institut Curie sont capables de détecter un cancer du sein à partir de lingettes imprégnées de sueur. Est-il possible d’utiliser plus largement les odeurs en médecine comme biomarqueurs diagnostiques et pronostiques ?
C’est le pari que fait l’équipe du Pr Philippe Devillier à l’hôpital Foch (Suresnes) à travers le projet VolatolHom avec les composés volatiles de l’air expiré (ou VOCs pour volatile organic coumpounds), le volatolome, en faisant souffler les patients dans des nez électroniques.
« L’air expiré est un reflet du métabolome comme la sueur, l’urine, la salive, les tissus ou le sang, explique le Professeur Philippe Devillier. Il présente l’avantage d’être non invasif et, même si le volatolome ne représente que 1 % de l’air exhalé, c’est là que la diversité des composés témoignant du métabolisme est la plus grande avec près de 900 métabolites ». Sans compter que la réponse des nez électroniques est donnée en temps réel, moins de 1 minute.
Une recherche clinique débutante
La recherche en est néanmoins à ses tout débuts, l’étape actuelle est d’isoler les composés volatiles d’intérêt. À Foch, les travaux se concentrent en pneumologie, mais des applications sont à l’étude ailleurs dans le cancer gastrique ou encore dans les tumeurs de la vessie.
L’originalité de l’hôpital Foch est de coupler deux approches complémentaires : les nez électroniques et un spectromètre de masse. Ce qui fait de l’hôpital privé à but non lucratif le premier à avoir dédié un tel arsenal au volatolome.
Là où les nez électroniques, ces petits dispositifs utilisés couramment dans l’agroalimentaire, ne donnent qu’un signal composite, le spectromètre de masse, d’une valeur de 550 000 euros, permet d’identifier les molécules de façon très spécifique en fonction de leur masse. Les nez électroniques, équipés de 12 à 36 capteurs, ne reconnaissent que des familles de molécules, par exemple des molécules ayant un radical éthyl à leur surface.
L'intelligence artificielle pour lever un verrou
Le volume des données générées est impressionnant, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers pour une expiration avec le spectromètre de masse. « C’est là qu’intervient notre partenariat avec le CEA, poursuit le Pr Devillier. Le traitement des données, c’est le verrou actuel ». Tous les signaux qui ressortent du bruit de fond sont regardés de plus près, et ce sans a priori, « pour ouvrir la voie à d’autres mécanismes physiopathologiques », relèvent les chercheurs. Des algorithmes sont entraînés par apprentissage automatique afin de sélectionner les variables d’intérêt, c’est-à-dire une signature de quelques VOC.
Car les projets de VolatolHom ont pour objectif de répondre à des questions précises. « La recherche est à un stade précoce, explique le Pr Louis-Jean Couderc, chef de service de pneumologie à l’hôpital Foch. Pour l’instant, l’heure n’est pas à un screening large. Notre objectif est d’avoir à moyen terme, d’ici environ 7 ans, des nez électroniques dédiés à répondre à une question clinique ».
Cancers bronchiques, asthme...
Parmi les différents projets, ImmunoVOC a pour but d’identifier des marqueurs précoces de réponse à l’immunothérapie dans les cancers bronchiques. « L’objectif est de détecter plus tôt les bons répondeurs, environ 20 à 30 % des patients, explique Louis-Jean Couderc. L’évaluation est parfois difficile en cas de pseudo-progression car l’immunothérapie peut effectivement aggraver le cancer bronchique dans 5 à 10 % des cas. Des nouveaux marqueurs sont nécessaires pour détecter les hyperprogresseurs ». L’étude, en cours depuis septembre 2017, prévoit d’inclure 75 patients suivis tous les 15 jours pendant 6 mois.
Dans l’asthme sévère, le projet ZINA-VOC a pour objectif d’identifier des marqueurs prédictifs précoces de la réponse aux nouveaux traitements monoclonaux très onéreux (anti-IgE, anti-IL5, anti-IL4, anti-IL13). Alors que le coût d’un traitement est de 10 000 euros/patient pour 30000 à 40000 candidats potentiels ayant un asthme sévère en France, un tiers des patients ne sont pas répondeurs.
Plusieurs autres projets sont menés, comme OncoVOC pour prédire le risque de rechute après exérèse d’une petite masse tumorale pulmonaire, ce qui permettrait de guider « l’indication de chimiothérapie adjuvante », explique Louis-Jean Couderc. Ou encore, en transplantation pulmonaire, le projet VOC-TP chez 120 patients pour identifier précocement un rejet aigu. Le Volatolhom n’est pas en reste pour le diagnostic, l’équipe en partenariat avec l’Inserm, cherche à identifier des VOCs spécifiques des mycobactéries non tuberculeuses, difficiles à caractériser en culture.
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