Des e-prescriptions borderline

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Publié le 18/02/2019
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Une législation sur la prescription dématérialisée devrait également envisager le cas de la délivrance d’ordonnances produites par des plateformes médicales, qu’elles soient étrangères ou non.

Bien qu’installés au cœur de l’Hexagone, certains pharmaciens sont parfois confrontés à des ordonnances transfrontalières, dont l’origine et la transmission non sécurisée ne manquent pas d’interpeller.

C’est le cas de Franck Bonnet, titulaire de la pharmacie de la gare à Pontoise (Val d’Oise) qui, à deux reprises, s’est vu présenter par mail des prescriptions en provenance du site Zavamed. Cette plateforme médicale, implantée en Grande-Bretagne, propose des consultations en ligne fondées sur un interrogatoire du patient par arbres décisionnels. Il ne s’agit en aucun cas de téléconsultations ; dans de rares cas seulement, le patient est mis en relation avec le praticien, enregistré auprès des autorités britanniques.

Pour autant, le site Zavamed, spécialisé dans la médecine féminine, masculine et les infections génitales, qui entretient savamment la confusion auprès des patients en apposant le logo de l’agence française du médicament (ANSM), délivre des ordonnances aux internautes avec l’assurance que ces produits seront pris en charge par l’assurance-maladie française.

Pour autant, en dépit des réserves qu’elles suscitent, ces ordonnances telles qu’elles sont rédigées, entrent bien dans le cadre de la prescription transfrontalière*. Le principe de reconnaissance mutuelle des prescriptions au sein de l’Union européenne oblige les pharmaciens à honorer ces ordonnances dès lors qu’elles portent les mentions attestant de l’authenticité de la prescription, de l’habilitation du prescripteur, de l’identité du patient et de la qualité du traitement, comme l’expose Me Laura Baroukh, du barreau de Paris.

L'avocate précise toutefois que le principe de reconnaissance des prescriptions cède si le pharmacien a des doutes légitimes quant à l’authenticité, au contenu ou à l’intelligibilité de la prescription, à la qualité du professionnel de santé qui l’a établie, ou encore si l’intérêt du patient paraît l’exiger. C’est sur la foi de ce critère que Franck Bonnet a motivé son refus délivrer une pilule contraceptive prescrite par Zavamed à une jeune femme.

Reste que les pharmaciens demeurent souvent dans le flou, partagés entre leurs obligations et leurs doutes. Les textes d’application de l’e-prescription en France envisageront-ils une sécurisation de ces ordonnances provenant de ces plateformes médicales ?

Pour l’heure, Alain Delgutte, président de la section A (titulaires) du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), attire l’attention sur les risques d’indus encourus par les pharmaciens qui accorderaient le tiers payant à leurs patients porteurs de telles ordonnances. « Plusieurs confrères ont été exposés à des rejets de CPAM qui refusent la prise en charge de ces ordonnances qu’elles n’estiment pas valables », met en garde le représentant ordinal.

* Lire également notre article page 5.

M. B.

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3496